Le terme bambou prête a confusion en horticulture. Le vrai bambou, Bambusa vulgaris de son nom scientifique, est originaire de Chine, pousse en climat tropical et est utilisé pour mille et un usages, du tissu aux échafaudages pour construire des gratte-ciel en passant par des instruments de cuisine.

Le bambou japonais ou bambou mexicain, lui, est une calamité végétale qui répond au nom de Fallopia japonica dont le pouvoir d'invasion est phénoménal en plus d'être extrêmement difficile à éradiquer. Il a envahi des centaines de milliers d'hectares dans le monde, notamment en Angleterre, les rendant impropres à toute activité. Au Québec, on le retrouve encore dans certains jardins qui n'ont pu s'en débarrasser et il s'est évadé de culture à maints endroits.

Quant au bambou de la chance ou «Lucky bamboo» vendu partout, il s'agit tout simplement d'un dragonnier ou dracéna. Sa tige rappelle toutefois celle des bambous, d'où son nom.

S'il y a quelques imposteurs, le monde des bambous demeure néanmoins extrêmement vaste. Il regroupe plus de 1000 espèces apparentées même si certaines n'ont aucune ressemblance entre elles, du moins à première vue, si ce ne sont leurs feuilles étroites et allongées. Parmi elles, certaines aux noms peu familiers, des phyllostachys et des pleioblastus sont rustiques au Québec même en zone 4.

Voilà déjà quelques années que certains d'entre eux poussent chez moi et mon préféré demeure Pleioblastus veridistriatus, une espèce pour laquelle je n'ai malheureusement pas trouvé de nom en français si ce n'est le terme générique de bambou nain. Les anglophones ont été plus inventifs et la plante répond à au moins trois noms dont Dwarf Golden Stripe et le joli Sunshine Bamboo. Quant à l'appellation scientifique, il vient du grec pleios, beaucoup, et blastos, bourgeons, une allusion aux branches nombreuses qui émergent des noeuds.

Ce magnifique bambou d'environ 45 à 60 cm présente un feuillage délicat aux feuilles étroites, jaunâtres, striées de fines lignes vertes. Comme plusieurs autres de la grande famille, ses racines sont rampantes et peuvent s'avérer envahissantes. Heureusement, elles évoluent à faible profondeur et restent faciles à contrôler. Installé près de mon jardin alpin depuis quatre ans, le plant pousse très lentement, probablement en raison du climat froid et de la taille radicale du printemps. Originaire du Japon, cette plante est rustique en zone 4 et probablement en zone 3 même si les catalogues américains la considèrent comme une plante de climat beaucoup plus chaud. Dans mon jardin, il n'a jamais été protégé. Il préfère un endroit mi-ombragé et résiste assez bien aux périodes de sécheresse. Ses feuilles sont persistantes durant tout l'hiver mais finissent par geler, ce qui change le coloris.

Un petit cousin vert panaché de blanc, P. variegatus, que j'avais mis au rancart par manque d'espace m'a toutefois joué un mauvais tour. Faute de surveillance, une tige a finalement émergé l'automne dernier à 1,50 m du plant initial en passant sous le mur de pierre et de terre que constitue justement mon jardin alpin. Il me faudra agir.

Un comportement inusité

D'autres bambous, cette fois bien dressés et pouvant atteindre pas moins de 4 m, peuvent aussi trouver leur place dans nos jardins. Dans la mesure évidemment où la plante dispose d'un grand espace et à la condition de pouvoir contrôler leurs ambitions territoriales. Il s'agit de Phyllostachys ureosulcata «Aureoculis» aux belles tiges dorées, de P. spectabilis, dont le tronc est marqué d'un trait vert, ou encore P. nigra, aux tiges noirâtres mais seulement à partir de l'âge de 3 ans, ou encore P. bissetii, réputé pour sa rusticité. S'ajoute au groupe Indocalamus tessellatus dont la particularité est de produire des feuilles assez larges pouvant permettre d'envelopper des mets en cuisine asiatique. Toutes ces plantes sont cultivées depuis une dizaine d'années sur la Rive-Sud par l'horticulteur François Paré.

Le comportement des phyllostachys est inusité. La grande partie de leur énergie est stockée dans les feuilles qui restent vertes au cours de l'hiver et non pas dans les racines. Si bien qu'il ne faut jamais tailler des branches vertes, surtout au printemps, au moment où de nouvelles pousses commencent à faire leur apparition. Le plus étonnant, explique l'horticulteur François Paré, c'est que ce sont justement les nouvelles tiges qui vont atteindre une taille plus considérable que les vieilles, et cela d'année en année. Par exemple, si le plant a produit des tiges de 2 m l'an passé, les nouvelles de l'année en cours devraient atteindre un mètre de plus. On pourra toutefois couper les plus âgées dès que les nouvelles tiges auront des feuilles, mais seulement si cela s'avère nécessaire.

Chez François Paré, certains plants atteignent un impressionnant 4 m. Il les couche au sol au cours de l'hiver et les recouvre d'une toile isolante afin qu'ils soient en pleine forme au printemps pour assurer la relève, ce qui n'est pas une mince tâche, dit-il. La partie de la plante qui émerge de la neige meurt habituellement durant la saison froide. Chez moi, les phyllostachys sont rasés chaque année au printemps ce qui réduit à néant leurs ambitions. Ils ne dépassent guère 2 m, ce qui me convient.

Les phylllostachys adorent le compost, le fumier bien décomposé et la cendre de bois, mais détestent les fertilisants à base d'algues qui peuvent même entraver leur croissance. Ils vont apprécier une position mi-ombragée mais protégée des grands vents. Comme les autres grandes graminées, les miscanthus, par exemple, il faut les arroser en période de canicule. Les tiges qui émergent du sol sont comestibles à la condition de les cuire avant de les consommer.

Comment éviter qu'ils n'envahissent progressivement le terrain? «En maintenant un petit fossé ouvert tout autour de la touffe, répond François Paré. On coupe les rhizomes dès qu'ils font leur apparition dans la cavité ouverte. On peut aussi les cultiver dans un endroit surélevé mais entouré d'eau, le lieu idéal. Ils ne traverseront jamais le sol mouillé en permanence.»

Où trouver des bambous rustiques? C'est la firme Canada's Bamboo World de la Colombie-Britannique qui offre le plus grands choix au pays et les frais de livraison sont raisonnables. Le catalogue compte une soixantaine d'espèces et de variétés. Les bambous nains sont relativement faciles à trouver mais il faudra chercher davantage pour se procurer des phyllostatchys. On peut aussi en dénicher quelques variétés à la pépinière La sagesse de l'eau, près de Magog. La maison Jasmin, boulevard Henri- Bourassa à Saint-Laurent, propose un choix intéressant notamment pour les pleioblastus.