Les champignons me fascinent. Les espèces sauvages d'abord, pour le contact avec la nature, le plaisir de la découverte et le bonheur ultime dans l'assiette. Puis les domestiques, pour le défi de pratiquer une forme de jardinage inusitée, toujours surprenante mais souvent aléatoire, comme dans le potager d'ailleurs.

Je vous ai parlé à plusieurs reprises de ma culture extérieure sur bûches de shiitakes et de ses résultats plutôt décevants. Mais dès que l'un d'eux fait son apparition au printemps, c'est plus fort que moi: aussitôt que j'en ai l'occasion, j'inocule d'autres bouts de bois.

Évidemment, ce genre de folie ne convient pas à tous. D'autant plus que cultiver des champignons à l'intérieur à partir de milieux déjà inoculés reste plus abordable. Sans oublier que la récolte est garantie ou presque, même si elle est rarement considérable et plutôt éphémère. On fait l'expérience pour s'amuser, pas pour la rentabilité, pour goûter des champignons dont la fraîcheur est incomparable.

Plusieurs entreprises vendent des trousses plus ou moins complètes pour la culture de champignons à la maison. C'est le cas notamment de Mycoflor qui offre du mycélium de culture ou des douilles inoculées pour obtenir shiitakes, pleurotes roses ou jaunes et autres. Le catalogue postal Horticlub vend aussi un ensemble pour cultiver des pleurotes. Pour sa part, la firme Western Biologicals de Colombie-Britannique offre probablement le plus grand choix au Canada.

Je vous présente aujourd'hui Le Coprin, petite entreprise artisanale de Farrellton, près de Gatineau, dans l'Outaouais, une maison qui se spécialise surtout dans la vente de champignons aux restaurants de sa région. Les proprios, Christophe Marineau et sa douce, Marie-Élise Trottier, se sont consacrés à temps plein à l'agriculture mycologique il y a quelques années à peine. Aujourd'hui, ils vendent une tonne et demie de champignons par mois, surtout du pleurote érigé, du shiitake, du pleurote huître et ses variantes. Mais ils offrent aussi, aux fins de production domestique, des milieux de culture déjà inoculés qui permettent de faire pousser rapidement plusieurs espèces inusitées, rarement offertes au grand public. L'automne dernier, j'ai eu l'occasion de faire des essais et d'y goûter dans le cadre de l'émission Ricardo. Voici trois de ces espèces inusitées que vous pouvez cultiver en kit à la maison.

La pholiote dorée

La pholiote dorée est un des champignons domestiques les plus spectaculaires. On le trouve dans les forêts du Québec où il pousse en touffe sur le bois, en été comme en automne. Son pied est plutôt court, son chapeau orangé d'à peine 2 cm de diamètre est parsemé de petites écailles qui lui donnent un charme certain. Sa domestication est récente et l'exploit a été réalisé par Fernand Miron, mycologue réputé en production commerciale. Il est donc très peu cultivé mais très prisé par les restaurateurs, probablement en raison de sa beauté, de son excellent goût peu commun et de sa texture croquante, indique Christophe Marineau. Par contre, si le pied a vieilli, il devient coriace. Le milieu de culture exige trois semaines de croissance avant que les premières fructifications ne fassent leur apparition.

L'hydne tête d'ours

Faisant partie du groupe des pieds de mouton réputés pour leur bon goût, l'hydne tête d'ours est recouvert de minuscules aiguillons, une des caractéristiques de ce groupe de champignons. Présent en Asie, en Europe et en Amérique du Nord, surtout dans le sud des États-Unis où il pousse sur le bois, il est domestiqué depuis longtemps parce que facile à cultiver. Il en existe plusieurs lignées.

En raison de sa forme étrange plutôt arrondie, il est affublé d'une foule de noms dont tête de singe, hydne hérisson, barbe de Satyre, tête de mouton et bien d'autres. Sa chair est ferme, blanche et son goût rappelle un peu le homard, selon les ouvrages sur le sujet, une saveur que mes papilles gustatives n'ont cependant pas détectée. Il n'en reste pas moins délicieux. Sur sac de culture, il pousse facilement et peut donner une deuxième récolte mais moins abondante, comme ce fut le cas chez moi.

Comme les autres champignons, je les cuis au beurre. On peut aussi en faire des croustilles.

Le pleurote bleu

Il existe de nombreuses espèces de pleurotes et le pleurote huître demeure l'une des plus cultivées au monde. Les sous-espèces et leurs lignées, dont le pleurote bleu, sont innombrables. Aussi est-il impossible pour le néophyte de faire la différence entre les divers types si ce n'est parfois le coloris et la forme qui diffèrent.

Le pleurote huître se trouve presque sur tous les continents et il est relativement fréquent dans nos forêts sur le bois mort. Il peut atteindre une taille considérable, et dans son excellent ouvrage Growing Gourmet and Medicinal Mushrooms, Paul Stamets nous parle d'un spécimen récolté en Sicile qui atteignait des dimensions phénoménales: une circonférence de 2,4 m, une épaisseur de 50 cm (20 po) et un poids de... 19 kg (42 lb), un monstre que l'auteur aurait bien aimé cloner, indique-t-il.

Le Coprin offre des kits de pleurotes perlés, de couleur blanche, semblables à ceux que l'on trouve à l'étal de l'épicerie. Ils sont très prolifiques si je me fie à mon expérience, de même que des pleurotes bleus dont la couleur réelle est plutôt grisâtre, très foncée. Ils sont tous deux délicieux et leur texture en bouche est fort agréable.

D'ailleurs, on pourra avoir un aperçu du plaisir que nous avons eu à les déguster à l'émission Ricardo du mercredi 9 mars, à 11h, à la télé de Radio-Canada.

Des conditions à respecter

Rien de plus facile que de cultiver des champignons en kit. Il suffit de suivre rigoureusement les instructions en matière de température et d'humidité. Dans ce dernier cas, on parle d'une humidité ambiante de 90%, ce qu'on obtient seulement en déposant ses sacs de culture dans un vivarium ou un bac de plastique que l'on peut fermer. La présence de lumière est sans importance. Quant à la température, elle doit se situer entre 10 et 20 ºC. C'est l'élément avec lequel j'ai le plus de difficulté, ma cave étant peu chauffée. Quand il a fallu que je hausse la température en raison des grands froids, le mycélium de pleurote perlé qui était dans un gros sac a fructifié à deux autres occasions, donnant au total 1 kg de champignons, ce qui est exceptionnel. Par contre, les autres cultures, dans des sacs plus petits, n'ont produit qu'une seule fois, lors de la réception.

Théoriquement, dans des conditions optimales, les petits sacs peuvent produire trois fructifications pour un rendement total d'environ 450 g de champignons.

C'est le pleurote bleu qui produit le plus rapidement, habituellement 5 à 7 jours après la livraison. La seconde fructification devrait avoir lieu 7 à 10 jours plus tard et il faudra attendre le même nombre de jours pour une troisième. Les petits sacs se vendent en groupe de trois pour 15$, ce à quoi il faut ajouter 15$ pour la livraison postale, des frais qu'on évite évidemment si on a l'occasion de se rendre sur place.

Rappelez-vous par ailleurs que les champignons que vous cultivez à la maison sont habituellement beaucoup plus savoureux que ceux que vous trouverez au magasin. Ce constat est encore plus évident dans le cas des pleurotes et des shiitakes qui ont tendance à traîner longtemps sur les tablettes avant que l'on décide de s'en débarrasser.

Un dernier mot: il existe plusieurs variétés de champignons domestiques vendus en kit, mais certaines sont plus capricieuces que d'autres. C'est le cas du pleurote érigé (Pleurotus eryngii), probablement le meilleur de tous les pleurotes. Si vous n'y avez jamais goûté, vaut mieux en acheter à l'épicerie pour une première expérience gustative. À l'inverse, la flamulline jaune ou enoki, selon le terme japonais, est une des espèces les plus faciles à cultiver.

Un tournesol pour les enfants

Lancée par la bannière Passion Jardin qui regroupe 27 centres de jardin au Québec, l'opération Tournesol entreprend sa 4e campagne cette année en vue de recueillir des dons qui vont en totalité à Opération Enfant Soleil. En mars, les horticulteurs mandatés visiteront plus de 200 classes où chaque élève recevra un kit lui permettant de faire pousser un tournesol. Il s'agit du mignon «Sunny Smile» qui ne dépasse pas les 30 ou 40 cm et qui produit une fleur de l'ordre de 10 cm de diamètre. Après la session d'initiation au jardinage, les enfants cultivent leur plante à l'école. À la floraison, ils apportent leur trésor à la maison et remettent une lettre officielle à leurs parents les incitant à verser un don de 5$ à Opération Enfant Soleil. Quelque 400 kits additionnels sont offerts aux enseignants qui en feront la demande sur l'internet. La campagne annuelle a permis de verser 124 000$ à l'organisme d'aide aux enfants malades. Opération Enfant Soleil regroupe notamment les centres pédiatriques hospitaliers du Québec et la grande collecte de fonds se fait dans le cadre d'un téléthon (TVA) qui aura lieu cette année les 4 et 5 juin.