Marier les plantes bulbeuses avec les autres occupants du jardin n'est pas tâche facile. Si jolies soient-elles, la plupart terminent leur cycle vital par une phase inesthétique. Le feuillage devient jaunâtre et fané. Évidemment, si on s'empresse de couper les feuilles après la floraison, les bulbes n'auront pas eu suffisamment de temps pour accumuler l'énergie nécessaire pour refleurir. Et quand on peut enfin couper le feuillage, le sol reste à nu à moins d'avoir prévu une cohabitation avec une autre plante.

Au printemps, je vous ai parlé de l'heureux mariage entre mes tulipes et les Sedum spectabile ou encore avec les touffes de calamagrostis «Karl Foerster». Les tulipes se pointent le nez quand le feuillage des sédums et des graminées n'a pas encore fait son apparition. Lorsque les feuilles de tulipe virent au jaune, la plante compagne est déjà suffisamment grande pour les masquer complètement.

Ces mariages de raison sont un sujet préoccupant pour les producteurs de bulbes des Pays-Bas qui cherchent toujours des moyens pour faciliter la tâche aux jardiniers et par conséquent augmenter leurs ventes.

Si bien qu'ils ont mandaté l'Université de Cornell, dans l'État de New York, une institution réputée en matière d'horticulture, pour effectuer des recherches afin de trouver les vivaces qui se marient le mieux avec les exigences de certaines espèces bulbeuses. Les chercheurs ont utilisé plusieurs critères avant d'arrêter leur choix. Bien sûr, la capacité pour la vivace de bien camoufler le feuillage vieillissant de la plante bulbeuse était le plus important, mais on a aussi tenu compte de la longueur de la floraison du couple, de la texture et du coloris du feuillage et de l'agencement des couleurs.

Ces données sont disponibles sur le site internet de l'université et même si tout est en anglais, les centaines de photos présentées sont suffisamment explicites pour comprendre pourquoi une combinaison réussit mieux qu'une autre (www.hort.cornell.edu/combos).

On nous montre les harmonieux ménages formés par des tulipes, narcisses, crocus et diverses autres plantes bulbeuses avec une foule de vivaces. Le choix est précis. On présente notamment la verte et blanche tulipe «Spring Green» qui se plaît bien en compagnie de l' iris de Sibérie «Snow Queen». Mais cela va de soi que tout iris de Sibérie de couleur blanche pourra convenir. Quant aux hostas et brunneras, ils cohabitent très bien avec les crocus.

Photo: André Tremblay, La Presse

Un heureux couple: brunnera «Jack Frost» et la tulipe «Kees Nelis».

Des tulipes d'une grande longévité

Le site nous présente également une autre étude sur la longévité de plusieurs plantes bulbeuses au cours des années, des résultats que vous pourrez d'ailleurs mettre en application dès cet automne. Il suffit d'aller sur l'onglet «Tips» et ensuite sur la ligne: Bulbs that are likely to perennialize in zone 5 (bulbes qui offrent une possibilité de se naturaliser). Pour figurer dans cette liste, les bulbes sous examen en 2007 devaient produire autant, sinon plus de tiges et de fleurs qu'à la suite de leur première floraison en 2004.

On y retrouve donc des vedettes connues comme la tulipe «Toronto» aux tiges multiples, les scilles de Sibérie, l'Allium moly, l'Allium «Globemaster» et le magnifique crocus «Pickwick». On compte également des espèces spectaculaires mais encore méconnues comme le Camassia quamash ou encore la nivéole Leucojum «Gravetye Giant». Même si elles ne sont pourtant pas réputées pour leur longévité, figurent aussi sur les rangs quelques jacinthes («Blue Jacket», «City of Haarlem», sans oublier 26 variétés de narcisses dont certaines de mes préférées telles que «Geranium», «Actea», «Thahiti», «Salome» et d'autres à petites fleurs comme «Tête à Tête» ou «Minnow».

Maintenant la question piège: Où trouver ces bulbes? La grande majorité des centres de jardin dispose d'un certains nombre de variétés mais habituellement le choix est limité afin de... limiter les pertes. Il suffit de quelques grains de neige en octobre pour que les ventes tombent presque à zéro. Le plus important détaillant de bulbes au Québec est la Pépinière Jasmin, boulevard Henri-Bourassa Ouest, à Saint-Laurent. On y en vend pas moins de 600 espèces et variétés, dont autour de 300 variétés de tulipes. Incidemment, cette entreprise familiale souvent considérée come une des meilleurs pépinières québécoises par ses propres compétiteurs fête son 60e anniversaire cette année.

Photo: Centre international des bulbes à fleurs

La tulipe «Toronto» à branches multiples est d'une grande longévité.

Des amaryllis dans le four

Rencontré lors de la visite des jardins Verchères, en juillet dernier, Andrien Van Vliet, 86 ans, était particulièrement fier de présenter sa collection de cactus, des dizaines d'espèces et de variétés installés à l'extérieur pour l'été dans un bel aménagement.

Propriétaire d'un vaste terrain, il entretien ses fleurs lui-même, en plus de couper le gazon chaque semaine. Mais ce sont surtout ses révélations sur les amaryllis qui m'ont étonné.

M. Van Vliet en cultive depuis des années et, là encore, il en compte des dizaines. Au printemps, autour du 15 mai, il plante tous ses bulbes qui ont fleuri dans une platebande située côté sud, le long des fondations de la maison, si bien que ses amaryllis sont protégées par le rebord du toit contre les pluies torrentielles. Les plantes sont arrosées grâce à un tuyau «goutte à goutte» et à chaque arrosage, elles ont droit à un petit cocktail composé de 20-20-20, dilué à raison d'une cuillerée à soupe de fertilisant pour quatre ou cinq litres d'eau.

Photo: Pierre Mccann, archives La Presse

D'origine nord-américaine, le Camassia quamash est rustique.

Vers le 15 septembre, il coupe les feuilles à la base et entrepose les bulbes à la maison à une température de 17-18 C. C'est ici que l'histoire devient intéressante. Au début décembre, il commence à sortir les bulbes de leur dormance et les dépose ...au four. Pas question de les faire cuire évidemment mais seulement d'allumer la lumière du four de la cuisinière. «La seule chaleur émise par l'ampoule suffit à les faire germer», explique-t-il. Quand le bourgeon floral ou une feuille atteint 2 cm de longueur, il plante le bulbe dans un pot. Ensuite, il remet un autre lot de bulbes au four. Il faut environ quatre semaines, dit-il, pour obtenir des fleurs après le traitement. Son taux de floraison frôle les 100% .

Lui est-il arrivé de faire griller ses bulbes par erreur en faisant réchauffer le four pour cuire un plat? La chose aurait pu se produire, confesse-t-il, mais sa femme reste vigilante.

Photo: Robert Mailloux, La Presse

Un ménage à deux qui perdure chez moi depuis plusieurs années: tulipes et calamagrostis «Karl Forester».