Les verges d'or sont probablement dotées d'une arme secrète, un arsenal d'ailleurs qu'Hydro-Québec est en train d'expérimenter sur une grande échelle afin d'économiser éventuellement des millions de dollars. J'ai fait cette étonnante découverte alors que je me renseignais sur la prolifération de la plante sur mon toit vert.

Des études menées par l'Institut de recherche en biologie végétale (IRBV) de l'Université de Montréal ont permis de constater que la verge d'or du Canada (Solidago canadensis) s'établit en maître durant de très longues périodes sur certains territoires sans être perturbée par la présence d'autres végétaux. Normalement, en milieu naturel, les espèces végétales se succèdent selon un cycle précis, les plantes herbacées laissant habituellement progressivement la place aux arbustes qui sont finalement remplacés par des arbres. «Nous avons réalisé que nous avions probablement affaire à un phénomène d'allélopathie. Les racines de la solidage émettent des toxines qui empêcheraient les graines des autres plantes de germer, ce qui expliquerait la mainmise de la plante sur son territoire», indique Jacques Brisson, professeur et chercheur à l'IRBV.

De nombreuses recherches se poursuivent actuellement dans le monde sur les propriétés allélopathiques des plantes, surtout dans le domaine agricole. Par exemple, le seigle d'automne réduit les populations de pissenlits et de chardons, le mélilot (trèfle blanc) entrave la croissance des mauvaises herbes ou encore, une de nos fougères (Athyrium Filix-femina) empêche la germination des graines d'épinette de Norvège. Même le tournesol et le concombre posséderaient certaines caractéristiques allélopathiques. Mais dans le domaine du jardinage, le cas le plus spectaculaire est probablement celui de la renouée japonaise (ou bambou japonais). En échappant un peu partout au contrôle des jardiniers, elle est devenue une calamité internationale. Dans plusieurs pays, des centaines de milliers d'hectares sont devenus impropres à toute utilisation à cause de cette plante, un pouvoir d'invasion qui serait attribuable, là aussi, aux toxines libérées par ses racines.

Réduire l'entretien des emprises

Mais quel est le lien entre Hydro-Québec et la verge d'or?

Les câbles des grandes lignes de transport d'électricité qui traversent le Québec ne sont pas isolés, ce qui oblige la société d'État à tailler régulièrement la végétation qui pousse dans les emprises, notamment les arbres. Sinon, des arcs électriques pourraient produire des incendies et mettre évidemment la vie des gens qui y circulent en danger. Sous une ligne de 735 000 volts, par exemple, la distance qui doit être maintenue en tout temps entre les fils et la végétation est de... 12 m, explique François Gauthier, ingénieur forestier, un responsable des équipes d'entretien des emprises chez Hydro-Québec. «Nous devons maîtriser la végétation sur 135 000 hectares d'emprises et chaque année, 20 000 hectares exigent un entretien immédiat. Des coûts de l'ordre de 16 millions, dit-il. L'implantation de verges d'or sur certaines de nos emprises s'annonce une solution séduisante mais elle reste une solution parmi d'autres dans notre contrôle de la végétation.»

En 2011, Hydro-Québec sèmera de la verge d'or du Canada sur un hectare d'emprise. Le hic, raconte Jacques Brisson, c'est qu'à partir d'un semis, la plante éprouve des difficultés à s'implanter au cours de la première année à cause de la compétition avec d'autres plantes sauvages. Les chercheurs ont donc mis au point un mélange de semences qui permet de maintenir les indésirables à distance alors que la solidage s'implante. L'année suivante, celle-ci peut assouvir ses ambitions territoriales.

Évidemment, si la personnalité de Solidago canadensis présente des aspects intéressants, vous avez deviné que transplanter des verges d'or sauvages dans votre jardin est une initiative que vous pourriez regretter longtemps.