Jamais chroniqueur horticole n'a été aussi bien servi: sur un même terrain, plusieurs arbres et arbustes sont affligés par la maladie ou grignotés par les insectes. L'agronome-conseil a posé son diagnostic et le photographe a immortalisé les méfaits.

Cet éden du fongus maléfique et de la bibitte, c'est chez moi. Une fois de plus, d'innombrables problèmes se manifestent cette année au jardin. Je vais donc vous entretenir aujourd'hui de mes bobos végétaux. Non pas que je cherche compassion ou encouragement. Tout simplement parce que si mes plantes sont victimes de ces maux, la même chose peut se produire dans votre cour. D'ailleurs, le sujet en préoccupe plusieurs car près de la moitié des courriels reçus concernent les maladies ou insectes chez les arbres et arbustes. L'un et l'autre sont relativement coûteux, ils poussent plus lentement que les annuelles ou vivaces, si bien qu'on tente habituellement de les traiter pour leur sauver la vie ou améliorer leur sort, si cela est possible.

Or, justement plusieurs des problèmes exposés aujourd'hui sont insolubles, les traitements étant peu efficaces, trop complexes ou trop coûteux, surtout quand le malade est de grande taille. Heureusement, les dommages sont surtout de nature esthétique. Pour la plupart d'entre nous, le problème reste tout de même une source d'inquiétude.

Comme c'est souvent le cas, j'ai fait appel à l'agronome-conseil Claude Gélinas, de Varennes. Il est non seulement un expert des maladies et des insectes prédateurs de nos arbres, mais nourrit depuis des années une passion indéfectible pour son sujet. Son site internet (www.phyto.qc.ca) est mis à jour régulièrement et compte un nombre considérable d'informations accessibles gratuitement, en plus d'être abondamment illustré.

Le caryer à noix douces

Le caryer ovale ou caryer à noix douce est une espèce indigène aux noix excellentes mais extrêmement dures. Il peut vivre très vieux (autour de 200 ans) et atteindre 25 m. J'ai réussi à planter un spécimen sur le terrain il y a 25 ans. Depuis quelques années, son feuillage est affecté par le puceron à gale du pétiole qui cause une déformation considérable du pétiole des feuilles. Plus encore, une autre bestiole, le phytopte du caryer, s'installe dans la feuille provoquant des bosses spectaculaires. Signalons au passage que plusieurs phytoptes s'attaquent aussi au feuillage des érables. Les feuilles se couvrent alors d'une sorte de feutre grisâtre ou encore, d'une multitude de petits bâtonnets.

Que faire? Traiter avec une huile de dormance au printemps, conseille notre expert. Ce que j'ai fait au cours des trois ou quatre dernières années, sauf ce printemps, une opération qui n'est pas évidente quand le patient pousse près du trottoir et qu'il mesure autour de 10 m. Et à chaque fois, même si les «bosses» sont moins nombreuses, elles ne disparaissent pas complètement pour autant. Dommages esthétiques avant tout, dit-on. Ma paresse printanière a donné les résultats attendus. C'est l'invasion. L'aspect du feuillage en souffre beaucoup.

Érable

Les maladies qui affectent nos érables sont nombreuses et dans la plupart des cas impossibles à traiter. D'abord en raison de l'envergure de l'arbre ou encore, parce que le mal est principalement esthétique. Même si l'envie de sortir la tronçonneuse devient presque irrépressible, rappelons qu'à défaut de répondre entièrement à nos critères de beauté, ils nous font une ombre bénéfique.

Voilà déjà quelques années, que la tache goudronneuse s'est installée dans mon érable de Norvège. Évidemment, il n'y a pas grand remède à appliquer si ce n'est d'éliminer les feuilles qui traînent par terre l'automne et le printemps. Mais les spores peuvent voyager sur les kilomètres. Le mal est d'ailleurs très répandu. Les pucerons sont aussi de ceux qui envahissent les érables, ce qui provoque parfois une pluie de miellat désagréable et difficile à laver. Là encore, il est très difficile de contrer le phénomène.

Mais cette fois, c'est du chancre nectrien dont il s'agit, une maladie qui agit lentement mais sûrement. Chez moi, ce problème est le résultat du grand verglas de 1998. Le fongus profite d'une plaie ouverte pour s'installer entre le bois et l'écorce (le cambium) et obstrue progressivement la circulation de la sève. La partie affectée souffre donc de carence. Tôt ou tard, elle finira par mourir faute d'une alimentation adéquate. Chez mon érable, les branches malades produisent des feuilles plus petites qui deviennent en partie rougeâtre, ce qui est, somme toute assez joli. Apparence trompeuse.

Photo: Alain Roberge, La Presse

L'agronome Claude Gélinas tient une branche saine d'érable de Norvège et une autre (à droite) affectée par le chancre nectrien.

De l'épinette au mélèze

Le puceron laginère du mélèze est un original. Presque impossible à traiter en raison de la complexité du phénomène. L'insecte pond ses oeufs sur la nouvelle tige des épinettes blanches (les épinettes du Colorado ne sont pas touchées) qui réagit en formant un bourrelet qui sert d'abri à l'envahisseur. Le hic, c'est que l'extrémité de la tige finit par mourir. Pas de danger pour l'arbre mais le résultat n'est pas trop joli. L'adulte ailé immigrera alors sur les mélèzes. Des millions de pucerons recouverts d'un manteau blanc envahiront alors ses minuscules feuilles et se multiplieront au cours de plusieurs générations successives. Heureusement, pas de dommages même après des années d'invasion printanière. En fin de saison, les derniers pucerons seront ailés et iront s'installer sur les épinettes pour passer l'hiver.

Feuilles d'azalées dévorées

Voilà quelques années, la mouche à scie a fait son apparition dans mes azalées. On en compte une foule d'espèces. La chenille est minuscule, bouge peu mais peut vous dévorer une feuille dans le temps de le dire, ne laissant que les nervures. Elle mange aussi les fleurs. On peut traiter avec un insecticide à base de BT ou encore de pyréthrine. L'insecte passe l'hiver sous forme de cocons dans le sol, à la base du plant. On peut réduire ses méfaits en binant légèrement le terreau et en le recouvrant de paillis, ce qui devrait empêcher les adultes d'émerger.

Photo: Alain Roberge, La Presse

Le puceron laginère du mélèze se manifeste par des petits points blancs sans conséquence. Mais chez l'épinette blanche, il provoque la mort de la nouvelle pousse.

Le perceur du sureau

J'avais une jolie haie de sureau (Sambucus racemosa «Plumosa Aurea») qui cachait une partie des fondations de la maison. Elle a été éliminée il y a quelques semaines pour faire place à des clématites, mais surtout parce que le perceur du sureau s'y était installé. Ce minuscule papillon pond dans les tiges supérieures de l'arbuste. La chenille en gruge l'intérieur. La tige se déforme, devient très cassante et finit habituellement par mourir. Problème très commun, difficile à traiter faute d'insecticides systémiques sur le marché domestique. On peut couper les tiges dès que les symptômes apparaissent pour tenter de mettre un terme au cycle.

De la vigne au sapin

Et ce n'est pas fini. Je vous fais grâce des innombrables problèmes de bouleaux. Les feuilles de ma vigne à raisin dont j'ai égaré le nom sont mangées par les larves d'altises, là encore très difficile à contrôler, mes rosiers ont vu leur feuilles minées par les larves d'une mineuse ou d'une spongieuse (deux petits papillons) et mes sapins baumiers partagent leur existence avec le puceron des aiguilles du sapin qui forcent les nouveaux bourgeons à se recroqueviller. Dommages esthétiques seulement. On peut traiter avec un insecticide à base de pyréthrine, indique Claude Gélinas. Mes sapins font un bon 10 m! Autre problème insoluble. Parfois je me demande s'il ne faut pas une dose de masochisme pour être jardinier.

Photo: Alain Roberge, La Presse

La larve du perceur du sureau à l'oeuvre.