À l'heure où le jardinage en ville est à la mode, des jardins d'un nouveau type, dits «thérapeutiques», essaiment en France en milieu hospitalier ou médico-social, réintroduisant de la vie là où elle est mise à rude épreuve.

Inspirés d'expériences en «hortithérapie» menées au Canada, en Grande-Bretagne et aux États-Unis dès les années 80, ces jardins, visent à aider les malades et personnes âgées perdant leur autonomie dans la lutte contre leurs souffrances.

Alors qu'ils sont répandus dans les maisons de retraites, une expérience inédite est menée depuis un an avec des patients cancéreux, encadrés par des soignants, au coeur du Ve arrondissement de Paris: «Graine de vie», le jardin thérapeutique de l'institut Curie. Il a été inauguré en juin 2009 grâce à certains membres du personnel médical et administratif, bénévoles, et aménagé avec des allées et des bacs adaptés à l'activité de jardinage en fauteuil roulant.

«Pendant et après ma chimiothérapie, j'ai retrouvé mes plaisirs d'enfance, récolté des tomates, des carottes, du basilic, appris les semis. On oublie pendant un temps la maladie, on parle d'autre chose», explique Janine Gire, 66 ans, une des patientes de l'institut qui participe régulièrement aux séances.

Les jardins thérapeutiques ont commencé à s'implanter en France il y a moins de dix ans, explique Anne Chahine de l'association «Santé et Jardins», créée en 2004 en région parisienne et qui compte une petite centaine d'antennes en France afin de les développer.

«Les Anglo-Saxons ont constaté que les bienfaits du jardin et du jardinage diminuaient le stress des patients et du personnel, amélioraient le travail de ces derniers, une démarche très pragmatique», résume-t-elle.

«Ca ne guérit pas et ne remplacera jamais un traitement médical mais ça aide incontestablement», ajoute-t-elle.

Car au-delà de l'agrément que constituent ces aires naturelles, le jardinage, dans des espaces adaptés à toutes sortes de handicaps, «stimule les sens, les souvenirs et facilite la communication» explique Anne Ribes, «infirmière paysagiste», qui intervient dans plusieurs jardins en région parisienne.

Odeurs des fraises, de la menthe, couleurs des fleurs, des insectes, terre, eau, saisons, graines qui germent, qui poussent : «en rentrant en rapport avec la nature, on apprend des tas de choses. C'est un moyen très pédagogique de vie qui réintroduit de l'humanité là où cette dimension avait été un peu oubliée», ajoute Mme Ribes.

Les jardins thérapeutiques ont beaucoup intéressé les neurologues dans la prise en charge des patients atteints d''Alzheimer, le jardin étant source de stimulations sensorielles et de la mémoire renvoyant notamment à des souvenirs d'enfance.

À l'hôpital Louis Mourier de Colombes (Hauts-de-Seine), où intervient notamment Mme Ribes, des personnes âgées atteintes de nombreuses pathologies réapprennent des gestes simples. Un lien intergénérationnel est créé avec des enfants d'écoles maternelles du quartier régulièrement associés aux ateliers.

À l'hôpital de la Salpêtrière à Paris, les enfants autistes trouvent au coeur du jardin un espace de vie et de communication différent. «Ils sortent d'eux-mêmes dans un lieu qui redonne de l'humanité. C'est un peu comme une souffrance intérieure apaisée par un bonheur extérieur, qu'on redonne», dit Anne Ribes.

«La demande de telles structures est très forte mais reste encore trop peu soutenue par les politiques et les institutions», constate Mme Chahine.

Mais, ajoute-t-elle, confiante, «la France se met à regarder ses jardins d'un autre oeil».