J'ai d'abord cru que j'étais béni des dieux, enfin, que mon terrain l'était. Imaginez, je vis depuis 30 ans au même endroit et le comportement de certaines plantes m'étonne toujours. D'ailleurs, je me suis fait poser la question à maintes reprises: «Quel engrais utilisez-vous?» C'est que je n'utilise presque jamais de fertilisant. Et pourtant!

Prenez par exemple, le saule «Hakuro Nishiki», celui qui produit de jolies feuilles au teint rosâtre au printemps. Il atteint normalement 1,5 à 2 m, dit-on.

 

Eh bien! chez moi il a déjà dépassé les 4 m. Autres cas intéressants: l'épinette du Colorado naine «Montgomery» mesure autour de 6 m dans ma cour. Drôle de nain! Selon les catalogues, sa hauteur normale serait de 1 à 2 m au bout de 10 ans. Le lilas «Josée», lui, atteint habituellement 1 à 1,5 m alors que chez moi, il fait 3 à 4 m.

Mon bouleau noir «Betula nigra» dépasse de 2 à 3 m la taille normale, du moins selon les données que l'on trouve dans les catalogues ou chez les centres de jardin. Ma haie de Weigela variegata a atteint 2,5 m avant que je ne décide de l'éliminer. Elle avait même perdu une bonne partie de son caractère panaché. Normalement, la plante aurait dû limiter ses ambitions à 1,5 m. Mes deux Ginkgo biloba devraient pousser à basse vitesse si on se fie à la documentation. Or, ils grandissent à un rythme de 45 à 60 cm par année. Que se passe-t-il donc?

Des données horticoles erronées

C'est que le miracle n'en est pas un. Au contraire, bon nombre d'informations que nous livrent producteurs, grossistes et centres de jardin sont erronées. Et jusqu'à maintenant, on ne fait aucun effort pour modifier la situation. Évidemment, au bout de 10 ou 15 ans, vous n'irez pas demander à votre centre de jardin de remplacer votre arbre parce qu'il dépasse la hauteur «normale» de quelques mètres. Je connais un pépiniériste qui a d'ailleurs dans son jardin personnel un saule «Hakuro Nishiki» et une épinette «naine» Montgomery qui atteignent tous deux autour de 8 m. Pourtant de grands producteurs américains persistent à écrire que cette épinette ne dépasse pas 1 ou 2 m. C'est le cas de Monrovia, une firme réputée de la Californie. Plus près de chez nous, le site du spécialiste des lilas, Frank Moro, persiste à indiquer que le lilas «Josée» ne dépasse pas 1 m. Évidemment, si vous taillez vos arbres ou vos arbustes régulièrement, comme on le suggère souvent dans le cas du saule, leurs aspirations naturelles seront limitées d'autant.

Guy Boulet de Québec Multiplants, important grossiste au Québec, explique que les données de base proviennent habituellement des producteurs et qu'elles sont transmises telles quelles tout le long de la chaîne de vente. «J'ai rarement l'occasion de vérifier l'exactitude de ces informations car, par exemple, les arbres que je vends au gros sont toujours de petite taille», fait-il valoir.

On peut d'ailleurs imaginer que si un producteur offre un arbre «nain» qui atteindra éventuellement 5 ou 6 m, il n'en vendra pas beaucoup. Évidemment, le consommateur aura aussi des réticences si on lui mentionne que son arbre doit être taillé régulièrement pour maintenir sa petite taille. Indifférence, ignorance, mauvaise foi ou publicité trompeuse, à vous de juger. Malheureusement, les exemples sont innombrables. Même votre centre de jardin est un des maillons du système qui contribue à cette diffusion d'informations erronées et les grandes chaînes comme Botanix ou Jardin Passion ne font pas exception à la règle. La situation démontre, à mon avis, le peu de considération que l'industrie horticole voue à sa clientèle.

Faites l'expérience au printemps. Mesurez la flèche d'un conifère (la dernière pousse au sommet de l'arbre) et multipliez cette mesure par 10 ou par 20, vous aurez une bonne idée de la taille éventuelle du végétal dans une ou deux décennies. Comparez ensuite vos données avec celles du vendeur, vous serez probablement étonnés. On peut habituellement faire la même expérience avec un feuillu en calculant la distance entre l'extrémité de la tige centrale ou d'une branche et la première jonction.