Quelle est cette fièvre printanière qui nous pousse à sortir pelles et râteaux si prestement? Si je me fie aux carnets d'observation que je rédige chaque année, les premières floraisons sont survenues deux à trois semaines plus tôt que normalement. Une fièvre si forte qu'il faut se retenir pour ne pas acheter ses annuelles et installer ses jardinières.

Des exemples: tulipes en fleurs le 5 avril alors que l'an dernier c'était le 19 et qu'il a fallu attendre au 21 et 23 en 2007. Les iris bulbeux de mon jardin alpin se sont ouverts le 1er avril comparativement au 17 la saison dernière. Même hâte irrépressible pour une foule d'autres plantes. Bergénies, jacinthes, corydales, pervenches étaient en pleine floraison il y a deux semaines. Plus encore, les crocus, éranthis, perce-neige et petits iris bulbeux se sont éteints dès la première semaine d'avril. Incroyable! Tout va trop vite.

 

Prenez mes fritillaires géantes: au moment où vous lirez ces lignes, ces plantes de 80 cm seront épanouies. L'an passé, c'était le 6 mai. Difficile de ne pas être excité.

Tout ce petit préambule pour vous mette en garde contre les excès de fièvre jardinière et vous inviter à contrôler votre enthousiasme et à retomber les deux pieds sur terre.

Non, ce n'est pas le temps de planter des annuelles, même si la tentation est grande, même si certaines sont déjà en vente. Dans la grande région de Montréal, on ne plante pas d'annuelles avant la mi-mai. Évident! , direz-vous. Agronome et professeur à l'Institut de technologie agroalimentaire de Saint-Hyacinthe, Guy Laliberté se souvient très bien qu'il y a deux ou trois ans, un pépiniériste de son patelin ne se gênait pas pour vendre des annuelles en plein mois d'avril. «Si on plante les annuelles par temps froid, ce qui est inévitable en avril et au début mai, la plante ralentira sa croissance. Au point parfois d'affecter sa santé durant tout l'été qui suivra.». Il estime qu'un propriétaire de centre de jardin honnête devrait mettre en garde les clients trop empressés.

D'ailleurs même à la mi-mai, il vaut mieux consulter la météo avant de transplanter des annuelles même si elles ont été acclimatées durant plusieurs jours. L'an dernier, j'ai eu beaucoup de difficultés à sauver des plants d'euphorbe «Diamond Frost» à la mi-mai parce que le temps était trop froid. Elles ont pris des semaines à se remettre de leur expérience. Au jardin, rien ne sert de courir...

Diviser les vivaces

Par contre, voici le meilleur temps de l'année pour diviser les vivaces, souligne Guy Laliberté. Une période propice aussi pour en ajouter de nouvelles. Mais là encore, attention! Ne vous laissez pas séduire par des plantes qui sont déjà en fleurs, plus tôt qu'en temps normal, ou encore par celles dont la croissance est trop avancée. Si un gel survient au cours des prochaines semaines, notamment lors de la période de pleine lune, à la fin du mois, les fleurs et les feuilles seront très malmenées même si le plant ne meurt pas. On achète une plante pour sa beauté, n'est-ce pas!

Choisissez alors des vivaces qui ont passé l'hiver à l'extérieur et dont la croissance suit le même rythme que les autres plantes de votre jardin. Le conseil s'applique aussi, évidemment, aux arbustes. Vous pourrez ainsi profiter de toute la période de floraison.

La mi-avril est aussi un excellent moment pour passer le rotoculteur dans le potager et semer des espèces très hâtives. Radis et laitue en feuille sont en tête de liste. Première cueillette en mai. Épinard, bok choi, bette à carde, chou rave, navet jaune ou blanc (pas les rutabaga), carotte peuvent aussi se semer dès la mi-avril, quand la température du sol, du moins dans les premiers 5 cm de profondeur, atteint 8 à 10°C. Plus le sol est chaud, plus la germination sera accélérée. Il faut aussi surveiller la météo. On procède à un semis en pleine terre à la condition que les cinq jours suivants soient exempts de gel.