La pluie qui ne cesse de tomber sur le Québec favorise l'avancée d'un ennemi redoutable pour les cultures de pommes de terre et de tomates. Le mildiou, champignon qui a causé la grande famine d'Irlande, a fait son apparition au sud de Montréal et menace le reste de la province. Cela alors que les réserves d'antifongiques, fort populaires par les temps qui courent, s'épuisent.

«L'incidence est plus forte cette année», confirme Clément Lalancette, directeur général de la Fédération des producteurs de pommes de terre du Québec, qui parle tout de même d'une «situation sous contrôle pour l'instant». Cette année, les champs de pommes de terre de la Montérégie sont particulièrement affectés par le mildiou depuis le mois de juin. Quelques percées ont également été signalées dans la vallée du Saint-Laurent, ce qui implique une hausse considérable des traitements préventifs et curatifs avec des antifongiques. Habituellement administrés aux 7 à 10 jours en monoculture, ces produits doivent être revaporisés sur les plants dès que la pluie les lave. C'est donc dire qu'ils pourraient être appliqués quasi quotidiennement!

Résultat, les fongicides les plus performants sont en rupture de stock. Gabriel Perras, directeur de l'agrochimie et de la phytoprotection pour SynAgri, fournisseur de biotechnologies agricoles, confirme que la demande pour ces pesticides est «beaucoup supérieure à la moyenne». Les traitements systémiques, utilisés quand la maladie est entrée dans le champ, sont donc quasiment introuvables. Restent les antifongiques préventifs, qui font partie de l'arsenal habituel des producteurs de pommes de terre.

Les producteurs de grandes cultures (maïs, soya, céréales, etc.) font également face à une pénurie pour certaines catégories de pesticides. «Ce sont des conditions pour faire pousser du riz!» ironise M. Perras, qui réclame quelques jours de beau temps au même titre que les vacanciers.

Aux aguets à Québec

Dans la grande région de Québec, le mildiou n'a pas encore fait son apparition, mais les producteurs de pommes de terre sont aux aguets. Ils craignent que l'humidité ne leur joue des tours à l'automne. «Avec des années humides comme ça, les maladies fongiques peuvent exploser dans les entrepôts», souligne le dg de la FPPTQ. C'est ce que Vianney Dolbec, des Patates Dolbec, à Saint-Ubalde de Portneuf, appelle des «patates d'eau».

«Même si elles sont belles à la récolte, elles se détériorent plus tard», explique-t-il.

Du côté des tomates, des foyers d'infection au mildiou ont aussi été signalés en Montérégie et maintenant à Laval. Mais «les traitements fongicides répétés aux cinq jours semblent maintenir la maladie sous contrôle et, pour l'instant, on ne signale pas de fruit affecté», écrit l'agronome Christine Villeneuve dans son plus récent bulletin sur la question, publié le 22 juillet.

La dernière épidémie provinciale remonte à l'année 2000. Le champignon microscopique, qui voyage avec le vent, était apparu dans des potagers privés et s'était répandu dans les champs de tomates.

Désastre appréhendé

Aux États-Unis, la situation est beaucoup plus inquiétante à l'heure actuelle. Le United States Department of Agriculture parle d'un taux d'infection «explosif» dans tout le nord-est du pays, selon The New York Times. Le quotidien cite des experts qui prédisent un désastre dans les champs et les serres de tomates, surtout bios, et conséquemment une augmentation des prix au détail. La souche en circulation proviendrait d'un producteur de plantes de jardins approvisionnant des grands magasins comme Wal-Mart et Home Depot.