La situation est pour le moins paradoxale. Alors qu'une foule de gens ont une peur bleue des abeilles et des bourdons, que d'autres font appel à des exterminateurs pour éliminer les inoffensives fourmis et araignées de leur entourage, les scientifiques se sont de plus en plus inquiets devant le déclin évident des insectes pollinisateurs. À tel point qu'on invite aujourd'hui les amateurs de jardinage, comme vous et moi, à aménager une petite partie de leur terrain pour permettre justement aux abeilles, bourdons, papillons et autres insectes responsables de la pollinisation des plantes de proliférer.

La situation est pour le moins paradoxale. Alors qu'une foule de gens ont une peur bleue des abeilles et des bourdons, que d'autres font appel à des exterminateurs pour éliminer les inoffensives fourmis et araignées de leur entourage, les scientifiques se sont de plus en plus inquiets devant le déclin évident des insectes pollinisateurs. À tel point qu'on invite aujourd'hui les amateurs de jardinage, comme vous et moi, à aménager une petite partie de leur terrain pour permettre justement aux abeilles, bourdons, papillons et autres insectes responsables de la pollinisation des plantes de proliférer.

 D'ailleurs, dans le cadre de la Semaine nationale de la conservation de la faune, qui se termine aujourd'hui, la Fédération canadienne de la faune a lancé jeudi le Défi habitat-pollinisateurs. Une initiative mise sur pied uniquement au Québec, dans le but de sensibiliser la population à la baisse des populations d'insectes pollinisateurs et de nous encourager à leur aménager un petit coin tranquille, que soit dans le jardin, dans une ruelle ou sur un balcon. Pas moins de 7000 enveloppes de semences accompagnées d'un mode d'emploi seront distribuées partout au Québec à cette fin. (On peut en obtenir une en contactant un des organismes qui participent au programme en cliquant www.cwf-fcf.org/defihabitat.)

 Essentiels à la production de fruits et de légumes

 Mais pourquoi tout ce branle-bas? Parce que les pollinisateurs en arrachent presque partout sur la planète. Ce sont des chauves-souris en milieu tropical, des colibris et surtout des centaines d'espèces d'insectes. Et puis après?

 Même si on ne les apprécie pas toujours à leur juste valeur, les insectes jouent un rôle essentiel dans l'environnement et dans notre existence. Pas moins de 87% des 124 espèces cultivées sur une grande échelle dans 200 pays pour fins de consommation humaine exigent des insectes pour leur pollinisation. Des plantes qui peuvent sembler aussi banales que le mil, le trèfle et la luzerne ont aussi besoin d'insectes pour leur cycle vital, lit-on dans un récent et très intéressant document scientifique rédigé par l'entomologiste Madeleine Chagnon et intitulé Cause et effets du déclin des insectes pollinisateurs et les moyens d'y remédier.

 On y apprend, par exemple, que les insectes sont responsables de la pollinisation du café dans une proportion de 30 à 40%; de 90% dans le cas du thé; de 100% chez les amandiers et de 20% pour les plants de coton. Plus près de nous, ce sont encore de sympathiques bestioles qui sont responsables d'une bonne partiede la production de pommes, de cerises (70% des fleurs de griottes sont fécondées par des insectes), de fraises, de bleuets, de concombres, melons et autres cucurbitacées, pour ne nommer que ces espèces. Chez certains figuiers, seule une espèce précise d'insectes permet la production d'un fruit. Au Québec, certaines abeilles sauvages sont tellement spécialisées qu'elles ne butinent que sur la vipérine, la lysimaque, le bouton d'or ou encore sur des plantes du groupe des aconitum, ce qui ne veut pas dire, par ailleurs, que ces plantes ne sont pas pollinisées par d'autres insectes. Car sans insectes, point de salut!

 Un jardin diversifié

 Les causes du déclin des insectes sont multiples, indique Madeleine Chagnon: destruction ou fragmentation de l'habitat, usage de pesticides, pratiques agricoles, maladies. Les abeilles mellifères, parmi les principaux responsables de la pollinisation de nos plantes, ont vu leurs effectifs chuter dramatiquement ces dernières années, notamment à cause d'un acarien, le varoa. Le syndrome de l'effondrement des colonies est un autre problème majeur. Les ruches se vident soudainement et on ignore pourquoi. L'épandage d'insecticides est un aussi un facteur du déclin de nos abeilles domestiques. Ces mêmes substances affectent également à des degrés divers nos abeilles sauvages, qui jouent un rôle essentiel dans la pollinisation de nos plantes indigènes. Même si elles sont semblables à leur congénères coloniales, ces abeilles méconnues ne fabriquent pas de miel, vivent en solitaires et ne piquent pas. Au Québec, on en compte de 350 à 400 espèces. Les insecticides peuvent aussi affecter nos papillons, qui se nourrissent de nectar de fleurs.

 D'autres insectes, comme certains coléoptères et certaines mouches, sont aussi d'excellents pollinisateurs, mais restent peu étudiés.

 Or, tous ces insectesont besoin de plantes pour survivre, surtout de plantes indigènes puisque la symbiose entre les deux existe depuis des millénaires. Mais plusieurs plantes ornementales ou potagères conviennent aussi plus particulièrement aux pollinisateurs, notamment une foule de fines herbes comme la coriandre, le romarin, la menthe, le basilic, le thym, la bourrache, l'origan, la lavande et plusieurs autres. Les arbres et arbustes fruitiers, de même que de nombreuses vivaces et annuelles, comme les pavots, les lantanas, le trèfle décoratif, les chrysanthèmes ou encore les échinacées, font partie des plantes prisées.

 On trouvera une liste plus exhaustive dans le dernier-né des Éditions de l'Homme, Attirer la faune au jardin, d'Albert Mondor et Daniel Gingras. Les auteurs nous présentent entre autres une liste de 100 plantes intéressantes à cette fin en plus de s'attarder aux abeilles et à plusieurs espèces de papillons.

 La prochaine fois que vous verrez un bourdon ou une abeille butiner dans vos fleurs, ne réagissez pas en vous demandant comment vous en débarrasser. Pensez plutôt que sans ces bestioles, votre table serait passablement dégarnie.