La greffe d'arbres et d'arbustes reste un univers bien mystérieux pour la plupart d'entre nous. Pourquoi la presque totalité des arbres fruitiers sont-ils greffés? Pourquoi certains conifères le sont-ils et d'autres pas? Quels sont les avantages de la greffe? Autant de questions posées régulièrement par des lecteurs.

La greffe d'arbres et d'arbustes reste un univers bien mystérieux pour la plupart d'entre nous. Pourquoi la presque totalité des arbres fruitiers sont-ils greffés? Pourquoi certains conifères le sont-ils et d'autres pas? Quels sont les avantages de la greffe? Autant de questions posées régulièrement par des lecteurs.

Un amateur de jardinage, qui signe R. Tessier, 83 ans, de Rouyn-Noranda, s'interroge sur un autre aspect de ce sujet: «Vous avez parlé il y a quelques mois de la greffe de branches de pommier. Une question me trotte dans la tête depuis longtemps. Qu'arrivera-t-il si l'on greffe un pommier sur des espèces au bois mou comme les saules ou les peupliers, des arbres qui absorbent beaucoup d'eau, ce qui permettrait d'obtenir des pommes bien plus grosses?»

Eh bien, il n'arrivera rien! Il faut absolument que les deux espèces de végétaux dont on veut unir la destinée soient de la même famille. On greffe donc des pommiers sur des pommiers, des pruniers sur des pruniers, des pins sur des pins, etc. Mais certains mariages peuvent parfois surprendre. En Europe, on greffe parfois des oliviers sur des frênes pour leur permettre de pousser en milieu plus humide, même si la chose peut paraître étonnante. C'est que les deux espèces font partie de la même famille. Plus près de nous, les amélanchiers sur tige sont souvent greffés sur un sorbier d'Amérique. Tous deux sont des rosacées. On arrive aussi à greffer, pour les mêmes raisons, des aubergines sur des plants de pomme de terre, des poiriers sur des cognassiers, des pêchers sur des abricotiers et vice versa.

Améliorer la rusticité

Copropriétaire de la pépinière Abbotsford, une des plus importantes au Québec pour la production d'arbres et d'arbustes, Pierre Paquette explique que la plupart des espèces originales sont produites à partir de semis. Marronnier, érable de Norvège, érable à sucre, mélèze laricin, sapin baumier, noyer cendré, tilleul américain, pour ne nommer que celles-là, sont produites par semences, un processus lent mais très peu coûteux.

Par contre, la grande majorité des hybrides est multipliée par boutures, quand cela est possible (on le fait notamment avec les lilas et les rosiers rustiques), mais plus fréquemment par la greffe. «La greffe est un travail délicat habituellement réalisé par des firmes spécialisées, explique M. Paquette. Évidemment, les végétaux reproduits par cette méthode sont plus coûteux, sauf que les avantages sont considérables.»

Si le greffon possède le patrimoine génétique recherché (la branche de pommier McIntosh donnera des pommes McIntosh; la branche de mélèze européen donnera un arbre aux branches tombantes), le porte-greffe transmet au futur arbre des qualités essentielles.

Selon les porte-greffes utilisés, le greffon devient plus rustique ou plus résistant à certaines maladies, il peut développer une allure particulière ou encore pousser plus rapidement ou plus lentement. Dans le cas des pommiers, par exemple, le porte-greffe pourra déterminer si l'arbre aura une taille grande, moyenne, ou naine. Certains conifères greffés seront plus colorés et auront un port plus élancé, par exemple, que s'ils ne l'étaient pas.

Dans le nord du continent nord-américain, c'est avant tout la rusticité des plantes que l'on veut ainsi améliorer. Les nombreux cultivars de mélèze européen ne seraient probablement pas rustiques sous nos climats s'ils n'étaient pas greffés sur un tronc de notre mélèze laricin.

La greffe peut aussi donner lieu à un phénomène souvent surprenant.

Par exemple, chez un voisin, une épinette blanche a émergé au beau milieu du feuillage très dense d'une épinette naine de l'Alberta, ce qui pouvait laisser croire à un miracle de la nature. Ce n'était qu'un drageon du porte-greffe qui s'était mis à croître rapidement. J'ai vécu le même phénomène dans mon jardin avec un amélanchier et un mélèze européen. Le porte-greffe, un mélèze laricin, a produit une branche qui s'est mise à pousser à une vitesse vertigineuse, dépassant rapidement toutes les autres. Quant à l'amélanchier sur tige, il avait été brisé au niveau du sol à la suite d'un grand vent. Mais surprise, un sorbier s'est mis à pousser au même endroit. J'ai cru que les oiseaux étaient en cause jusqu'au moment ou un agronome m'a expliqué ce qui se passait réellement.

Tous les drageons qui apparaissent sur le porte-greffe, notamment chez les arbres fruitiers, doivent être éliminés dès que possible car ils poussent rapidement et soutirent énormément d'énergie au greffon. Sinon, l'excroissance surpassera en hauteur et en envergure le greffon.

Des «Explorateurs» greffés.

Ce phénomène se produit d'ailleurs régulièrement chez les rosiers, justement parce que nombre d'entre eux sont greffés. Là aussi, les questions des lecteurs sont nombreuses, la rose étant toujours une des fleurs les plus populaires au jardin. Par exemple, Claudette Cochin demande si elle doit couper les gourmands d'un rosier grimpant «John Cabot» et d'un «Hansa» ? Le problème est d'autant plus intéressant que ces deux rosiers ne sont habituellement pas greffés.

Responsable de la Roseraie du jardin botanique de Montréal, réputée partout dans le monde, faut-il le rappeler, Claire Laberge explique que tous les rosiers hybrides de thé, les floribunda, les grandiflora ainsi que les variétés sur tige et les grimpantes, sont greffés. Là aussi, le porte-greffe vise à améliorer la vitesse de croissance du greffon, sa rusticité ou encore sa résistance à certaines maladies.

Si le rosier a été greffé par une entreprise canadienne ou du nord des États-Unis, le porte-greffe sera «Rosa multiflora», un rosier très rustique qui résiste sans peine en zone 4. Par contre, s'il est originaire d'ailleurs aux États-Unis (c'est le cas de plusieurs des rosiers vendus en sac, à racines nues), la plante sera habituellement greffée sur le rosier «Dr Huey», un rosier beaucoup plus fragile, rustique en zone 5, et parfois en zone 4 dans des conditions de neige abondante. Il faut donc demander au vendeur d'où viennent ses rosiers. Évidemment, il arrive que le porte-greffe se mette à drageonner. Il faut donc éliminer ces gourmands. Si votre hybride de thé est mort au cours de l'hiver, il est possible que le porte-greffe, lui, survive, comme cela s'est produit à maintes reprises chez moi. Dans ce cas, il devrait produire des fleurs à son tour, mais celles-ci n'auront rien à voir avec celles du greffon.

La situation est plus étonnante dans le cas des rosiers rustiques comme ceux de la lignée Explorateurs d'Agriculture Canada («John Cabot» est du groupe) et du «Hansa», un rosier rugosa souvent échappé de culture, très envahissant mais très rustique (zone3). Ils sont habituellement reproduits par boutures. Ils poussent sur leurs propres racines, comme on dit, et sont très rustiques. Les drageons ne sont alors que des tiges comme les autres. Ils donneront éventuellement des fleurs, mais pourront être taillés au besoin.

Par contre, certains Explorateurs et «Hansa» ont parfois été greffés. Dans ce cas, les drageons produisent des feuilles et des aiguillons différents des autres tiges. Il suffira alors de les éliminer.

 

Photo Pierre McCann, La Presse

Caprice de porte-greffe, on peut distinguer les branches de l'épinette blanche qui émergent de cette épinette naine de l'Alberta.