Nos arbres ne sont pas au bout de leurs peines. Les maux nouveaux et les insectes importés accidentellement commencent à causer des ravages.

Nos arbres ne sont pas au bout de leurs peines. Les maux nouveaux et les insectes importés accidentellement commencent à causer des ravages.

 La maladie corticale du hêtre et le chancre du noyer ont déjà fait des milliers de victimes au Québec. L'agrile du frêne est à nos portes et le puceron lanigère de la pruche, une petite bestiole qui a provoqué la mort de 80% des sujets malades dans certains coins des États-Unis, est déjà présent dans le Maine. Et c'est sans parler de certaines maladies souvent spectaculaires mais peu dommageables comme la tache goudronneuse de l'érable ou encore l'oïdium, qui s'en prend aussi aux érables mais également aux lilas et à une foule d'autres arbustes.

On comprend alors la préoccupation des propriétaires quand un de leurs arbres change de couleur ou perd soudainement des feuilles.

Dans le cas des conifères, c'est souvent vers la mi-octobre que le bouton de panique se met à sonner, du moins si je me fie au courrier sur le sujet. Évidemment, personne ne s'inquiète de voir le mélèze ou encore le méta-séquoia se dénuder. Mais quand l'intérieur de la haie de thuyas se met à changer de couleur et que le sol se couvre d'un tapis orangé, ou quand une partie des aiguilles des pins blancs vire au jaune pour ensuite tomber au moindre coup de vent, les craintes surgissent.

Si vos conifères changent entièrement de couleur à ce temps-ci, ou à toute autre période de l'année, il est habituellement trop tard pour agir. Ils sont sur le point de mourir et leur résurrection est impossible. À moins d'un miracle!

Par contre, chaque début d'automne, les thuyas perdent une partie de leurs feuilles (d'un point de vue botanique, les aiguilles ne sont que des feuilles légèrement modifiées), toujours celles qui sont le plus près du tronc. Elles deviennent jaunâtres puis passent rapidement à l'orange foncé ou au rouge avant de tomber. L'impact visuel est tel qu'on a parfois l'impression que l'arbre est en train de mourir. Rassurez-vous, il s'agit de la mue automnale.

Chez les feuillus, le rôle des feuilles cesse à la fin de l'été quand la chlorophylle (la substance verte responsable de la croissance des végétaux) se dégrade, ce qui fait apparaître les couleurs chatoyantes de l'automne). Le phénomène est semblable chez les conifères, mais le cycle est progressif, donc beaucoup moins perceptible. Leurs aiguilles ont une vie utile plus longue, de six à neuf ans chez certaines épinettes, parfois plus, selon les espèces. Plus les branches allongent, plus les aiguilles qui se retrouvent au centre de l'arbre sont privées de lumière. Ayant perdu une partie de leur efficacité en raison de leur âge et à cause de la luminosité déficiente, elles consomment plus d'énergie qu'elles n'en produisent. L'arbre doit donc s'en débarrasser. Sinon, il court à sa perte.

Chez certaines espèces, notamment le thuya, le phénomène de délestage se produit sur une très courte période. Même chose chez le pin blanc.

Rappelons que les feuilles de conifères ont le même métabolisme toute l'année, même l'hiver. Dès que la température grimpe au-dessus de zéro, le processus de photosynthèse se met en branle, très lentement, cela va de soi, mais suffisamment pour que l'aiguille reste verte. L'eau nécessaire au processus est stockée dans les tissus au cours de l'automne. C'est pourquoi il est toujours conseillé d'abreuver abondamment ses conifères avant la saison hivernale.

Un cycle naturel

La chute des feuilles a aussi un autre rôle essentiel dans le cycle écologique du végétal. Un jour ou l'autre de son existence, l'arbre doit restituer au sol les ressources qu'il y puise. Les feuilles sont donc recyclées en ajoutant de la matière organique dans le sol. Sans quoi le milieu deviendrait stérile et désertique.

La situation est d'ailleurs la même au jardin. Certains lecteurs m'ont fait valoir que le grand ménage automnal de mes platebandes était anti-écologique. Ils ont raison. Le hic, c'est qu'un jardin est une création artificielle aménagée à des fins esthétiques. Pour le maintenir en santé, il faut le fertiliser régulièrement avec des engrais ou du compost.

 Dans la nature, les plantes meurent et sont recyclées sur place. D'un point de vue écologique, la boucle est bouclée. Mais sur le plan esthétique, c'est autre chose. Demandez aux résidants de certains quartiers de Montréal ou de certaines villes de banlieue ce qu'ils pensent des jolis prés couverts de fleurs sauvages qui ont été aménagés devant leurs balcons. Quand le pré est en fleur, c'est magnifique. Mais après, le jardin semble à l'abandon, envahi par les mauvaises herbes. Et habituellement, au bout de quelques années, c'est la belle pelouse rasée qui est réclamée par le voisinage. Une situation que j'ai pu observer à plusieurs reprises.

 

Photo Alain Roberge, La Presse

Comme on le voit bien sur cette photo, les vieilles feuilles du thuya virent au rouge et meurent au cours de l'automne. L'effet est souvent spectaculaire et peut laisser croire que l'arbre est en train de mourir.