Les langues de belle-mère figurent parmi les plantes d'intérieur les plus connues. Mais manifestement, elles ont perdu de leur popularité au cours des dernières décennies devant la profusion de nouvelles venues, notamment de nombreuses variétés d'orchidées aujourd'hui offertes à prix plus abordable.

Les langues de belle-mère figurent parmi les plantes d'intérieur les plus connues. Mais manifestement, elles ont perdu de leur popularité au cours des dernières décennies devant la profusion de nouvelles venues, notamment de nombreuses variétés d'orchidées aujourd'hui offertes à prix plus abordable.

 Le moins que l'on puisse dire des sansevières ou sansevieria, de leur nom scientifique, c'est qu'elles ont une personnalité plutôt effacée, sinon banale. De la famille des dracénas, elles poussent sans entretien ou presque. Leurs longues feuilles allongées et verdâtres, souvent panachées, s'allongent lentement, d'une année à l'autre sans manifestation particulière. Elles sont indestructibles ou presque. On finit donc par les oublier sauf, quand, coup de théâtre, elles se mettent à fleurir, produisant des fleurs blanchâtres, très odorantes d'ailleurs.

 Je n'ai jamais trouvé l'origine de l'expression «langue de belle-mère», qui est aussi utilisée en anglais. Les anglophones disent aussi «plante serpent». Difficile de savoir s'il existe un lien entre les deux noms populaires, mais plusieurs n'hésiteront sans doute pas à le faire. Quant au nom scientifique, il vient d'un promoteur de l'horticulture du XVIIIe siècle, le prince Raimondo di Sangro de San Severo. La lettre «i» a été ajoutée en raison, semble-t-il, de la prononciation variable de San Severo.

 Personnalité banale, vous ai-je dit. Les sansevières nous rappellent en effet les plantes de nos grands-mères. Mais voilà qu'une espèce étrange et inusitée vient de faire son apparition dans certains de nos centres de jardin. J'ai découvert mon spécimen à la Pépinière Jasmin, à Saint-Laurent. Il s'agit de Sansevieria cylindrica, une plante étonnante originaire de l'Ouganda, un végétal d'une allure plutôt futuriste qui conviendra très bien aux appartements modernes. Ici, les feuilles se sont transformées en cylindres verts et pointus, comme une lance ou un javelot. En anglais, on parle d'ailleurs de la «sansevière javelot» («spear sansevieria»). En français, il ne semble toutefois pas exister de nom précis bien que j'aie vu dans une publication, à une seule occasion d'ailleurs, le terme «sansevière spaghetti», (c'est une appellation qui ne lui va pas du tout, à mon avis).

 Un bébé javelot végétal

 En achetant récemment mon premier plant de javelot végétal, je lui ai tout de suite trouvé une ressemblance avec ceux du Jardin botanique de Montréal, découverts il y a plusieurs années.

 Deux gros bouquets trônent de part et d'autre de la porte de la serre des plantes grasses, celle qui donne accès à la serre des bonsaïs. Chaque touffe compte une dizaine de tiges (rappelons que ce sont des feuilles) qui atteignent plus de 2 m et dont la base mesure de 7 à 8 cm de diamètre. De vrais javelots qui poussent au Jardin botanique depuis presque...60 ans. Il s'agit toutefois de Sanseviera stuckyi, une espèce aussi originaire de l'Afrique tropicale, presque identique à Sanseveria cylindrica si ce n'est sa taille qui peut atteindre près de 3 m, du moins en milieu naturel. Ces plantes faisaient partie du stand primé du Jardin botanique de Montréal lors de l'exposition Canada Blooms de Toronto, en 2001.

 Pendant longtemps, j'ai tenté de m'en procurer mais sans succès. C'est maintenant chose faite... ou presque. On peut présumer qu'à l'heure actuelle, la nouvelle vedette est vendue dans plusieurs centres de jardin, du moins ceux qui sont un peu d'avant-garde. Le prix se situe autour de 20$.

 Comme ses frères et soeurs, Sanseviera est facile d'entretien. Elle exige cependant une lumière vive et même du soleil. Faute d'un bon ensoleillement, ses feuilles risquent de plier. Il est recommandé de l'arroser une fois par semaine durant la période de croissance (une fois par mois en hiver) et de laisser sécher le terreau entre les arrosages. Surtout, jamais d'eau dans le sous-plat. Même si les sansevières ont la couenne dure, elles vont néanmoins dépérir rapidement si leur terreau est trop humide.

 On doit fertiliser de temps à autre durant la belle saison en utilisant un engrais à cactus. La plante est aussi résistante à la fraîcheur, jusqu'à 10C. Si elle bien dorlotée, Sanseviera cylindrica devrait fleurir une fois par année, une surprise nocturne habituellement. Évidemment, sa croissance est très lente et vous n'aurez pas besoin de percer le plafond de votre appartement pour la conserver durant des années. Elle ne dépasse guère de 1 à 1,50 m en pot. Il est facile aussi de la bouturer. Comme on le fait pour un cactus, il suffit de couper un bout de 8 cm de longueur, de le laisser sécher durant 15 jours, puis le replanter dans un sable humide, le temps de permettre à la bouture de produire des racines.

 Et voilà, vous pouvez vous lancer en affaires. Mais la concurrence est forte dans ce domaine. Sur l'internet, j'ai découvert une firme chinoise qui est capable de vous fournir jusqu'à 10 000 plants par mois.

 Confortablement installée à la maison, S. cylindrica s'annonce prolifique. Pas moins de quatre bébés javelots sont déjà apparus dans mon pot, accolés à leur mère (ou à leur père). Dans ce cas, si besoin est, on conseille de transplanter le parent et son rejeton ensemble, sans les détacher.

 

Photo Patrick Sanfaçon, La Presse

<i>Sanseviera cylindrica</i>, une langue de bellemère pour le moins originale.