Comme rien ne presse dans le jardin, voilà donc un bon moment pour une petite leçon de français «horticole». Évidemment, je vous entends dire : «Mais qu'est-ce qu'un anglophone peut bien m'apprendre sur le français?» Pourtant, je m'accorde le droit de vous souligner une règle qui semble avoir été oubliée : quand on utilise le nom latin d'une plante comme nom commun (sans le transformer), il prend alors le genre masculin même si en latin il a un genre féminin.

Comme rien ne presse dans le jardin, voilà donc un bon moment pour une petite leçon de français «horticole». Évidemment, je vous entends dire : «Mais qu'est-ce qu'un anglophone peut bien m'apprendre sur le français?» Pourtant, je m'accorde le droit de vous souligner une règle qui semble avoir été oubliée : quand on utilise le nom latin d'une plante comme nom commun (sans le transformer), il prend alors le genre masculin même si en latin il a un genre féminin.

 Ainsi, Begonia devient le bégonia (et non pas la bégonia), Caragana devient le caragana, Portulaca devient le portulaca, etc. Mais quand le nom latin est francisé, cependant, il suit les règles du français. Ainsi, Rosa devient une rose mais Fragaria devient un fraisier, etc. C'est une règle qui est tout à fait à l'avantage des jardiniers, car elle est simple.

 Évidemment, il y a des exceptions. Des noms latins de genre féminin ont réussi à se glisser directement du latin au français, mais ont gardé le genre féminin alors qu'ils auraient dû être masculin, sans doute par erreur à l'origine, puis l'erreur s'est fixée : ainsi, ne dit-on pas «une amaryllis» (du nom botanique Amaryllis? Peut-être que les premiers utilisateurs du mot se rapellaient de l'Amaryllis de la légende grecque qui était une bergère? Autre exemple, l'astilbe (de Astilbe, une vivace populaire) que l'Office de la langue française suggère qu'il soit féminin tout en mentionnant que «dans le Dictionnaire encyclopédique Quillet, ce terme est donné au masculin». Personnellement, j'ai toujours utilisé le masculin pour astilbe, ne voyant pas l'utilité d'en faire une autre exception. Cela dit, les exceptions sont très rares.

 Le cas de «la salvia»

 Il y a un nouveau cas de féminisation d'un nom latin qui semble être en voie de s'établir sans crier gare : «la salvia» pour Salvia divinorum. Du moins, les médias du Québec semblent s'être donné le mot pour faire fi des règles et l'appeler ainsi. Pourtant, le mot salvia, au masculin (c'est-à-dire un salvia, le salvia) a cours depuis des générations. Le populaire salvia de nos jardins, Salvia splendens, ou sauge écarlate, une annuelle, est traité au masculin. Tout d'un coup, cependant, salvia change de sexe. Curieux, n'est-ce pas? Je me demande si ce n'est pas sous l'effet hallucinogène de la plante que le transfert a eu lieu. Peut-être que ce salvia intoxique au point où on ne sait plus parler français?

 Évidemment, on pourrait se chicaner longtemps à ce sujet, mais j'ai un compromis à suggérer. Pourquoi ne pas appeler Salvia divinorum par son nom commun, consacré depuis des générations (car contrairement à ce que les médias semblent croire, les effets hallucinogènes de cette plante ne sont pas une découverte récente, mais sont bien connus depuis des siècles)? Cette plante a toujours été connue en français sous le nom de sauge divinatoire. Je propose d'utiliser ce terme pour cette plante, plutôt que la (ou le) salvia. De plus, cela enlève toute ambiguïté, car il existe plus de 900 espèces de Salvia, dont plusieurs plantes ornementales, médicinales et aromatiques. Utiliser uniquement «salvia» comme nom commun peut donc porter à confusion. La sauge de nos cuisines, soit la sauge officinale (Salvia officinalis), est sans doute la plus connue des sauges.

 Personnellement, je n'ai pas la moindre intention d'appeler Salvia divinorum autrement que sauge divinatoire. J'aimerais bien que les médias du Québec adoptent la même utilisation. Après tout, la langue française a une façon de traiter les noms botaniques et je ne vois pas pourquoi nous la changerions maintenant.