Méfiez-vous des illusions! Les quelques journées de pluie qui ont assombri la région Montréal en août et septembre ont parfois laissé l'impression que nos plantes avaient bu à satiété. Erreur!

Méfiez-vous des illusions! Les quelques journées de pluie qui ont assombri la région Montréal en août et septembre ont parfois laissé l'impression que nos plantes avaient bu à satiété. Erreur!

 Faites l'expérience: creusez un trou sur un coin du terrain qui n'a pas été arrosé artificiellement. Le sol sera humide sur une profondeur de 15 à 20 cm tout au plus, et probablement moins. Vous serez étonné. J'ai fait l'exercice ce dernier jeudi de septembre où il a plu durant un long moment. À 20 cm de profondeur, la terre n'était que poussière ou presque.

 En réalité, nous vivons depuis plusieurs semaines une importante sécheresse, un phénomène qui ne s'est pas vu depuis fort longtemps, explique l'agronome Guy Laliberté, professeur à l'Institut de technologie agroalimentaire de Saint-Hyacinthe. «Le chêne des marais qui pousse depuis 20 ans en face de l'Institut a pris son coloris automnal beaucoup plus tôt que prévu, dit-il. L'an passé, nous avions vécu le phénomène pour la première fois. Mais cet automne, le sol est plus sec que jamais et je crains que cette fois, l'arbre ne meure de soif. Plusieurs autres végétaux sont aussi affectés.»

 Au Jardin botanique de Montréal, les arbres sont aussi très assoiffés. Et il n'est pas question, là non plus, de procéder à des arrosages massifs.

 C'est que nous avons vécu un des étés les plus secs des 60 dernières années. Au mois de septembre, il est tombé à peine 48 mm de pluie alors que la normale est de 92,6 mm à Dorval, l'endroit de référence pour la région métropolitaine, indique le Service de météorologie d'Environnement Canada. Et en août, la seule «vraie» journée de pluie est survenue le 6: il est tombé 35,5 mm. Vous vous rendez compte! Presque deux mois sans précipitations abondantes.

 Il y a 10 jours, les jeudi et vendredi, vous avez cru une fois de plus que c'était le déluge. Détrompez-vous. Les nuages n'ont déversé qu'un total 18 mm d'eau. Si bien qu'en ce beau mois de septembre, il a plu deux fois moins que d'habitude, un déficit de 45 mm d'eau.

 Beaucoup de soleil!

 Et non seulement il a fait plus chaud que d'habitude au cours des deux derniers mois, mais le soleil s'est montré plus ardent que jamais. En août, on a connu 44 heures d'ensoleillement de plus que la normale. Et en septembre, 83 heures de plus.

 Résultat: les vivaces en arrachent, les arbres ont changé de couleur très rapidement, leurs feuilles sèchent et leur chute est souvent avancée. La situation rappelle l'été et l'automne 1995. Au printemps et l'été suivants, une foule d'arbres sont morts à Montréal.

 Que faire? «Il faut arroser abondamment et en profondeur, au moins une à deux fois par semaine, s'il ne pleut pas», répond l'agronome-conseil Claude Gélinas (www.phyto.qc.ca). «Le sol doit être mouillé sur une profondeur de 15 cm et sur toute la surface qui se trouve sous le feuillage.» Arbres, arbuste et plantes vivaces produisent un maximum de radicelles au cours du printemps et de l'automne, explique-t-il, c'est-à-dire à l'époque de l'année où normalement, les pluies sont les plus abondantes. Cette eau pénètre dans le sol et lessive les sels minéraux qui sont absorbés par les radicelles. Ce sont ces réserves d'eau et de sels minéraux qui favoriseront la survie de l'arbre et sa «renaissance» au printemps, notamment pour la formation des bourgeons et la feuillaison.

 Faute d'eau suffisante, l'arbre souffre et sa santé peut être affectée sérieusement l'an prochain. Il sera plus chétif, plus faible et deviendra alors sujet aux maladies ou aux attaques d'insectes. La situation est encore plus délicate dans le cas des arbres et arbustes qui ont été transplantés cette année, notamment les conifères. Ces végétaux n'auront pas eu le temps de produire un système radiculaire bien implanté. L'absorption des éléments nutritifs est donc limitée, à plus forte raison s'ils manquent d'eau. Ils risquent de ne pouvoir survivre à l'hiver s'ils ne sont pas suffisamment arrosés l'automne.

 La situation des conifères et des feuillus à feuilles persistantes est plus complexe. Les aiguilles de l'épinette (qui sont en réalités des feuilles) continuent de transpirer durant tout l'hiver dès que le soleil les réchauffe au-dessus du point de congélation. C'est l'automne que l'arbre (tronc, branches et feuilles) font leurs réserves d'eau qui sont stockées sous forme d'amidon afin que les cristaux de glace ne viennent briser les cellules. Si l'arbre manque d'eau durant l'hiver, les aiguilles persistantes peuvent alors tomber. Et il faudra attendre la nouvelle pousse pour cacher un peu cette nudité inesthétique.

 M. Gélinas conseille aussi de fertiliser les arbres en automne avec un engrais approprié, traitement qui peut se faire dès qu'ils ont perdu la moitié de leurs feuilles. Comme ils vivent des décennies à enjoliver votre environnement, vos arbres valent bien quelques attentions de temps à autre.