On a fait grand cas du longicorne asiatique, mais on oublie qu'un autre envahisseur est à nos portes: l'agrile du frêne.

On a fait grand cas du longicorne asiatique, mais on oublie qu'un autre envahisseur est à nos portes: l'agrile du frêne.

 Dans le cas du longicorne, la Ville de Montréal a entrepris un programme de détection afin de localiser l'insecte qui s'attaque à une multitude de feuillus, en particulier les érables, toutes espèces confondues. Il s'agit d'une mesure préventive car la bête d'origine asiatique n'a pas encore été signalée au Québec.

 Autre petit insecte, l'agrile du frêne représente lui aussi une grande menace. Arrivé de Chine, vraisemblablement dans le bois des caisses ou des palettes servant à transporter du matériel, le coléoptère a été signalé pour la première fois en juillet 2002 à Detroit et en face, dans la grande région de Windsor, en Ontario, où 200 000 arbres en sont morts. Mais en dépit des abattages et des mesures de contrôle strictes pour éviter sa propagation, l'insecte serait en progression vers l'est. La situation, estiment certains, serait même hors de contrôle.

 Selon un document interne de la Ville, Les ravageurs exotiques, une menace pour les forêts urbaines du Québec, si les deux insectes faisaient leur apparition sur le territoire québécois, pas moins de 75% des arbres de milieux urbains pourraient disparaître, sans compter les dommages aux forêts naturelles. Les données apparaissent incroyables et alarmistes, mais elles sont bien réelles. Dans la seule ville de Montréal, on évalue les dégâts potentiels sur les arbres publics à 500 millions.

 Aux États-Unis, par exemple, plus de 25 millions de frênes ont été abattus à la suite de l'invasion de l'agrile. L'insecte a occasionné des dépenses de l'ordre de 100 millions en recherche, éradication et reforestation. L'animal est signalé dans au moins trois autres États. On estime d'ailleurs que les dommages potentiels pourront atteindre 25 milliards au cours des 25 prochaines années, des chiffres qu'on a peine à imaginer.

 Il faut dire qu'une bonne partie du couvert forestier naturel américain est composée de frênes et qu'en milieu urbain, les frênes sont utilisés sur une très grande échelle. La situation est identique dans une foule de villes du Québec et des centaines de milliers d'arbres ont été plantés en bordure de rue ou sur des terrains privés. Dans la seule ville de Montréal, on compterait pas moins de 300 000 frênes, soit 20% de toute la forêt urbaine publique. On imagine mal l'impact que l'agrile pourrait avoir sur le paysage urbain.

 L'agile du frêne est un petit coléoptère verdâtre d'environ 1,5 cm. Plutôt discret (on croit qu'il était présent dans la région de Detroit depuis plusieurs années avant qu'il ne soit détecté), il pond ses oeufs dans les anfractuosités de l'écorce de toutes les espèces de frênes. La larve creuse des tunnels entre le bois et l'écorce, ce qui empêche la circulation de la sève. Il faut habituellement de deux à trois ans pour que l'arbre ne meure, une agonie qui commence par la défoliation du sommet. On reconnaît la présence de l'insecte par de petits trous en forme de "D" majuscule creusé par l'adulte lorsqu'il émerge de son hôte, comme c'est aussi le cas de l'agrile du bouleau.

 On ne connaît actuellement aucune façon efficace et économique d'éradiquer la bestiole si ce n'est d'abattre les arbres morts et ceux qui logent des larves. Toutefois, en Ontario, la Ville de London de concert avec les experts de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) expérimente un produit à base d'huile de neem qui est injecté dans l'écorce des arbres malades et détruirait les larves.

Une situation dramatique

 Le longicorne asiatique est encore plus destructeur car il attaque une foule de feuillus. Signalé à Toronto en septembre 2003 et introduit accidentellement de Chine dans du bois de palette, l'insecte a nécessité l'abattage de plus de 20 000 arbres dans la Ville reine et des dépenses de près de 40 millions pour éviter sa progression. Dans les régions de New York et de Chicago où il était apparu auparavant, les autorités ont dû débourser plus de 300 millions pour circonscrire la bête et seule la ville de Chicago aurait obtenu un succès complet, notamment en faisant appel au public pour détecter le perceur.

 Le hic, c'est que les échanges commerciaux de plus en plus nombreux dans le monde ne peuvent que favoriser ce genre d'invasion en dépit de toutes les précautions mises de l'avant pour éviter les problèmes. La maladie hollandaise de l'orme et surtout la brûlure du châtaignier, qui a jadis détruit autour de 4 milliards d'arbres aux États-Unis et dans le sud de l'Ontario anéantissant en moins de 30 ans toute une industrie forestière, sont des exemple d'un récent passé.

 Mais à l'heure actuelle, plusieurs maladies et bibittes en provenance de l'étranger poursuivent leurs méfaits ou sont sur le point de nous envahir. À tel point que le paysage forestier, du moins dans le sud du Québec, risque de changer de façon significative d'ici deux décennies.

 Ainsi, le chancre du noyer cendré est en train de venir à bout de la plupart des noyers d'Amérique (évidemment le Québec n'est pas épargné) et dans certains États, 80% des arbres atteints sont morts. La maladie corticale du hêtre d'origine européenne poursuit ses ravages comme on peut le voir sur la Rive-Sud de Montréal. Pour sa part, le puceron laginère de la pruche, originaire d'Asie, a provoqué la mort de 80% des arbres de cette espèce à certains endroits. Toujours en progression vers le nord, l'insecte est maintenant présent dans le Maine et dans l'États de New York.

 

Photo fournie par l'ACIA

Plutôt joli, l'agrile du frêne représente une grave menace pour la forêt urbaine.