Évidemment, quand vient le moment de croquer dans le fruit de notre pommier, en fin d'été, c'est le bonheur. La récompense tant attendue. Mais mon Dieu! que de soucis pour ce bref moment de plaisir.

Évidemment, quand vient le moment de croquer dans le fruit de notre pommier, en fin d'été, c'est le bonheur. La récompense tant attendue. Mais mon Dieu! que de soucis pour ce bref moment de plaisir.

 D'abord la taille du printemps, une coupe à faire correctement si on veut s'assurer une bonne récolte. Puis, c'est l'apparition de la tavelure à la suite des pluies printanières, la maladie qui endommage les feuilles et les fruits, entraînant parfois même la chute d'une partie du feuillage ou des pommes. Ensuite, ce sont les insectes qui s'invitent à la récolte. Certains vont même jusqu'à loger dans les pommes. Et le Québec a adopté une des lois les plus rigoureuses qui soient en matière de pesticides domestiques. Exit le verger domestique!

 «Eh bien non!» soutient Christian Decavel, un producteur de Saint-Hilaire qui produit des pommes bios depuis une dizaine d'années (Verger Gaston, produits bios, 1074, chemin de la Montagne). Pour le jardinier amateur qui possède un petit terrain, il est possible, selon lui, d'obtenir une bonne récolte, de loin suffisante pour une famille moyenne, et cela sans trop de soins et surtout sans pesticides. D'abord, il faut planter des pommiers immunisés contre la tavelure et ces arbres doivent être nains puisque le terrain est de petites dimensions, explique-t-il.

 Rappelons que la tavelure est un champignon qui se manifeste par temps humide et pluvieux. Il pousse sur le dos des feuilles et forme des taches brunâtres et velouteuses. Le champignon peut affecter aussi les fleurs et provoquer la chute de jeunes fruits. Le fongus tache également la peau des pommes de brun, en plus de provoquer la déformation et le fendillement du fruit avec le temps. Bien sûr, la pomme reste comestible, mais elle ne suscite guère l'appétit.

 Il existe huit sortes de tavelures dont trois sont présentes au Québec. Mais les hybrideurs ont réussi à obtenir au cours des années plusieurs cultivars complètement immunisés à la tavelure, dont bon nombre sont encore peu connus des amateurs de jardinage. Nous vous présentons ci-contre la liste de la plupart des variétés offertes au Québec. Deux ou trois variétés de pommiers différentes doivent être plantées sur le terrain pour assurer une bonne fécondation des fleurs. M. Decavel suggère aussi d'utiliser une substance à base de mychorizes lors de la plantation.

 Des arbres nains

 Évidement, pour un petit terrain, on plante des arbres nains qui atteindront autour de trois mètres à leur apogée. Des pommiers qui produiront néanmoins une dizaine de kilos de fruits par année quand ils auront autour de 5 ans, si les conditions de culture sont propices, bien entendu.

 Non seulement leur taille permet une cueillette plus aisée, mais les pommiers nains n'ont presque pas besoin d'être taillés au printemps, si ce n'est d'éliminer quelques drageons encombrants.

 Soulignons qu'il est possible d'obtenir un arbre nain, un semi-nain ou grandeur nature, si on peut dire, dans la plupart des variétés de pommiers vendus sur une grande échelle au Québec. C'est le porte-greffe qui détermine la taille du futur arbre, notamment en raison de son système racinaire plus ou moins développé. Précisons qu'il est aussi possible d'obtenir des poiriers nains, mais ils sont souvent sensibles au gel. Il peuvent aussi être affectés par la tavelure, bien qu'ils résistent assez souvent au champignon en raison de leurs feuilles luisantes. Par contre, ils sont sensibles à la brûlure bactérienne.

 Les pommiers nains exigent un peu plus d'attention qu'un pommier «régulier», fait valoir par ailleurs l'agronome Guy Laliberté, professeur à l'Institut de technologie agroalimentaire de Saint-Hyacinthe. Il conseille de traiter les arbres avec de l'huile de dormance au printemps. (Ce que notre pomiculteur de Saint-Hilaire juge peu utile, du moins dans son verger.)

 Puisque le système racinaire du porte-greffe est très limité, il recommande aussi d'arroser régulièrement si la pluie vient à manquer et de fertiliser avec du compost.

 Il préconise aussi de dégager la base de l'arbre jusqu'à un mètre du tronc, un espace sans gazon où on disposera du paillis ou mieux encore, dit-il, des plantes possédant un pouvoir répulsif auprès de plusieurs insectes, comme l'ail et ses nombreuse variantes, ou encore des plantes aromatiques comme la menthe, le romarin ou le géranium odorant, par exemple. «Plusieurs recherches semblent indiquer qu'il s'agit là de la voie d'avenir contre une foule d'insectes indésirables», insiste M. Laliberté. Il est toujours préférable aussi d'éliminer les feuilles et les fruits qui s'accumulent sous l'arbre au cours de l'automne ou au printemps, une recommandation qui s'impose particulièrement pour les arbres sujets à la tavelure.

 L'agronome précise aussi que la longévité des pommiers nains est souvent beaucoup plus courte. On parle d'une vie productive de l'ordre de 15 ans par rapport à 25 ans pour un pommier de taille normale. Mais 15 ans sans tracas ou presque, quel bonheur!

 De belles grosses pommes

 Vous voulez que votre pommier produise de gros fruits? L'agronome Guy Laliberté propose une expérience intéressante et amusante à la fois pour obtenir des fruits de grande dimension, souvent spectaculaires. Il suffit d'éliminer à la main trois fleurs sur cinq de l'inflorescence. Si les conditions de culture sont adéquates et que la saison estivale se déroule normalement, ces fruits devraient devenir très gros parce qu'ils auront davantage profité de l'énergie et de l'eau fournit par l'arbre. La technique s'applique à la plupart des arbres fruitiers. En Asie, on obtient justement les poires japonaises destinées au commerce en procédant de cette façon.

ET LES BIBITTES?

 Si la tavelure est le principal cauchemar du pomiculteur, les insectes et autres bestioles sont aussi une source de problèmes. Au Québec, un verger conventionnel exige en moyenne six à huit vaporisations de fongicide, parfois plus, trois applications d'insecticides et un arrosage d'acaricides. Ce qui n'est pas le cas dans le verger biologique de Christian Decavel.

 «Si nous réussissons à produire de belles pommes sans aucun pesticide, la chose est évidemment à la portée du jardinier amateur qui plante quelques arbres sur son terrain», soutient-il. Les quatre ou cinq insectes à problème peuvent se contrôler au moyen de pièges que l'on fabrique soi-même ou que l'on peut acheter en pépinière. La plupart de ces pièges doivent être utilisés avant ou pendant la floraison.

 Voici la liste des insectes et des pièges qui conviennent.

 > Hoplocampe du pommier: perce la fleur, se développe dans la pomme et fait tomber le fruit avant sa maturité. Peu d'impact sur une petite plantation. Solution: assiette blanche à pique-nique en polystyrène, couverte d'une substance collante (Tangle Foot vendu en magasin). Attacher à une branche avant l'ouverture des bourgeons. Enlever après la floraison.

 > Carpocap et tordeuse à bande oblique: lépidoptères nocturnes dont la chenille s'introduit dans la pomme. Solution: utiliser en juin un petit appareil à éclairage ultraviolet qui attire et détruit une foule d'insectes nocturnes. Souvent vendu (à tort) pour éliminer les maringouins.

 > Mouche de la pomme: les oeufs sont pondus dans le fruit et la larve creuse des galeries. Solution: piège en forme de pomme vendu en pépinière.

 > Autres: plusieurs agronomes suggèrent aussi d'entourer le tronc d'une bande de carton ondulé enduite d'une substance collante (Tangle Foot, résine de sapin, etc.) qu'on remplace à l'occasion. Les insectes rampants s'y collent ou trouvent refuge dans les interstices.

 POMMES SANS TAVELURE

 > Belmac: chair blanche, juteuse, légèrement sucrée. Maturité: troisième semaine de septembre. Zone 4. Hybridée à Saint-Jean (Agriculture Canada), introduite en 1996. Considérée comme l'équivalent de la pomme McIntosh mais sans tavelure. Fruits de grosse dimension.

 > Freedom: chair de couleur crème, ferme, saveur épicée unique. Maturité: fin septembre. Zone 3.

 > Joliette: variété ancienne redécouverte récemment. Chair jaunâtre, très sucrée. Maturité: septembre. Zone 3.

 > Jonafree: chair jaunâtre, très ferme, croquante. Maturité: fin septembre, début octobre. Zone 4.

 > Liberty: chair jaunâtre, croquante. Maturité: fin septembre. Zone 4.

 > Mcexcel: chair ferme, croquante, juteuse, ressemble à la McIntosh. Maturité: fin-septembre. Zone 4. Pommier de type colonnaire qui convient aux petits terrains. Hybridée à Saint-Jean par Agriculture Canada. Introduit en 2000.

 > Murray: chair blanche, molle, juteuse. Maturité: fin août. Zone 4

 > Novaspy: chair jaunâtre, très ferme, croquante, légèrement acide. Maturité: mi-octobre. Zone 4.

 > Redfree: chair de couleur crème juteuse, douce, croquante. Considérée comme la meilleure pomme sans tavelure au cours de nombreux tests réalisés au Québec. Peau verte avec une «joue» rouge. Maturité: fin août. Zone 3.

 > Richelieu: chair juteuse, croquante, saveur douce, semblable à la McIntosh. Maturité: début à mi-septembre. Zone 4. Hybridée à Saint-Jean (Agriculture Canada), introduite en 1990.

 > Rouville: chair molle et juteuse. Maturité: mi-août. Zone 3. Hybridée à Saint-Jean par Agriculture Canada.

 > Trent: chair de couleur crème. Croquante, légèrement acide. Maturité: début octobre. Zone 4.

 

Photo fournie par Pierre Lavallée

La pomme «Redfree» a été considérée comme l'une des meilleures au cours de plusieurs test de dégustations.