Les botanistes débattent de cette question depuis des années; les plantes communiquent-elles entre elles? Avant toute chose, un petit exercice de définition s'impose: qu'entend-on par «communiquer»?

Les botanistes débattent de cette question depuis des années; les plantes communiquent-elles entre elles? Avant toute chose, un petit exercice de définition s'impose: qu'entend-on par «communiquer»?

Si on a en tête le transfert conscient d'une information, il faut alors répondre à la question par la négative, car aucun organe des plantes ne laisse entrevoir une quelconque faculté de penser. Mais si la définition inclut tout passage d'information, conscient ou non, alors... Alors là, c'est plus compliqué. Pour une réponse définitive, il faudra s'armer de patience. En attendant que les spécialistes s'entendent, les explications en demi-tons seront la réponse.

D'après un article paru en décembre dans la revue Quatre-Temps, publiée par les Amis du Jardin botanique de Montréal, cette idée des «talking plants» remonte au début des années 80. On savait déjà, à l'époque, que les végétaux se défendaient contre les animaux herbivores en sécrétant des substances qui rendent leurs feuilles repoussantes ou difficiles à digérer.

Mais un chercheur de l'Université de Washington, David Rhoades, eut alors une grande surprise. Après avoir infesté quelques saules avec des chenilles, il constata que d'autres arbres, à quelques mètres de là, s'étaient eux aussi mis à produire ces toxines, même si aucune chenille ne les avait encore touchés. Il fit donc l'hypothèse que ces voisins indiscrets avaient reconnu dans l'air des traces de la substance défensive et s'étaient préparés à l'avance à une agression.

Au début des années 2000, un entomologiste de l'Université de Californie, Richard Karban, a pratiqué des incisions sur des feuilles de sauge pour imiter la morsure d'insectes brouteurs. Résultat: si le vent poussait les enzymes défensifs vers eux, les plants de sauge des environs immédiats se mettaient à en produire eux aussi.

Ce qui divise les botanistes, c'est que même dans ces cas, il n'est pas sûr que l'on puisse parler de communication, car il existe au moins deux interprétations possibles. D'abord, si l'on voit dans ces expériences une stratégie de survie collective, alors oui, les plantes se «parlent». Le hic, c'est que la sélection naturelle privilégie habituellement la survie individuelle: les végétaux ont plutôt intérêt à ce que leurs voisins meurent afin de s'approprier leurs ressources (l'eau, les nutriments contenus dans le sol et les rayons du soleil) ou en faire profiter leur descendance. La deuxième interprétation est plus égoïste.

 Il se peut en effet que l'individu attaqué ne veuille rien communiquer du tout, mais que les plantes aient appris, au fil de l'évolution, à reconnaître les effluves de leurs consoeurs en danger. Dans ce cas, il ne s'agirait pas de communication. Les plantes réagiraient simplement à un stimulus, de la même façon qu'elles réagissent à des changements de luminosité.

Le botaniste Jacques Brodeur, du Jardin botanique, ajoute que plusieurs des expériences «prouvant» la communication entre plantes ont été réalisées en laboratoire, dans des conditions que l'on retrouve assez rarement dans la nature.