Pourtant, le sumac vinaigrier a une allure très spéciale, voire exotique. Il produit de longues feuilles pennées, communes aux frondes de palmier, et ne ressemble en rien aux autres plantes nordiques. Et ces feuilles prennent un coloris rouge vif extraordinaire l'automne.

Pourtant, le sumac vinaigrier a une allure très spéciale, voire exotique. Il produit de longues feuilles pennées, communes aux frondes de palmier, et ne ressemble en rien aux autres plantes nordiques. Et ces feuilles prennent un coloris rouge vif extraordinaire l'automne.

D'ailleurs, si le Québec est tellement réputé pour ses coloris automnaux, c'est en bonne partie à cause de cette plante. Bizarre, n'est-ce pas, qu'une plante aussi connue sur tout le globe soit si peu appréciée dans son propre pays?

Le sumac vinaigrier est une plante très curieuse et difficile à catégoriser. En effet, est-ce un arbuste ou un arbre? Comme il peut atteindre aussi peu que 2 m de hauteur, donc la taille d'un arbuste, mais autant que 6 m sous certaines conditions, soit la taille d'un petit arbre, il n'est pas facile de le classifier, d'autant plus que, côté ramification, il ne ressemble ni à l'une ni à l'autre catégorie.

On s'attend à ce qu'un arbuste ait une multitude de branches qui se divisent abondamment, créant un véritable enchevêtrement de rameaux alors qu'un arbre typique fait un seul tronc dressé et épais, avec des branches plus fortes au sommet. Le sumac ne fait ni l'un ni l'autre. Il produit une seule tige épaisse qui se sépare en deux fourches, puis, à une certaine hauteur, les deux branches se divisent à leur tour.

Le résultat, lorsque l'arbre-arbuste est dépourvu de feuilles l'hiver, est un végétal très ouvert avec peu d'embranchements, mais des tiges très épaisses. Mais grâce aux feuilles énormes (elles peuvent atteindre 1 m de long!), la plante paraît aussi dense que toute autre l'été. Dans sa jeunesse, le vinaigrier ressemble à un dôme; en vieillissant, il peut perdre ses branches inférieures pour ressembler à un parasol. Pour les fins de cet article, tranchons et appelons-le un arbuste, un grand arbuste.

Le sumac vinaigrier est remarquable aussi par sa fructification. Les fleurs peu voyantes sont portées en panicules ouverts (chez les sujets mâles) ou denses (chez les femelles). Chez les mâles, elles tombent sans créer beaucoup d'effet, mais chez les femelles, plus courantes à l'état sauvage comme en culture (en autant que je sache, on ne vend que des plants femelles), les fleurs forment des masses denses de fruits rouges à l'extrémité des branches. Ces fruits deviennent brun rougeâtre l'automne pour persister une bonne partie de l'hiver.

Les oiseaux viennent en grand nombre manger les fruits durant l'hiver... ou vous pouvez récolter ces derniers et les faire tremper dans l'eau pour faire, comme nos ancêtres, de la «limonade du pays», car leur goût surette est délicieux. D'ailleurs, c'est ce goût acidulé qui lui a donné son nom commun de vinaigrier.

Un méchant défaut

Malgré les attraits du sumac vinaigrier, il est facile de comprendre pourquoi les jardiniers ne s'en entichent pas: il est très envahissant. En effet, il produit des drageons (clones) à une bonne distance de la plante d'origine, parfois à 5 m ou plus. Ainsi, si vous plantez un tel arbuste, vous voyez, après quelques années, surgir d'autres plants partout sur votre terrain. Si vous entourez votre vinaigrier d'une mer de gazon, ça va, car tondre le gazon rabattra les drageons, mais dans une plate-bande, vous devez les surveiller constamment, les arrachant dès que vous les apercevez, sinon vous n'aurez plus rien sur votre terrain que des sumacs vinaigriers.

Heureusement, le contrôle des drageons est très facile. Il s'agit de planter votre sumac vinaigrier à l'intérieur d'une barrière enfoncée dans le sol. Prenez un grand seau de plastique (il doit mesurer au moins 60 cm de hauteur pour constituer une barrière efficace), coupez-en le fond (il faut quand même que le drainage se fasse!), insérez-le dans le sol et plantez le vinaigrier à l'intérieur. Comme ses stolons courent juste sous la surface du sol, ils seront stoppés dès le départ et la plante ne posera plus de problèmes.

Une culture facile

Le sumac vinaigrier se plaît dans tout sol bien drainé, riche ou pauvre, même sablonneux ou rocailleux, au plein soleil ou sous un très léger ombrage. Il tolère très bien le sel de déglaçage et convient donc à la culture en bordure de rue ou de route. Il est rustique jusqu'en zone 3a, donc presque toutes les régions habitées du Québec.

Il faut voir le sumac vinaigrier comme une plante-vedette à placer dans une situation où vous voulez attirer l'attention des visiteurs, car il ne passe jamais inaperçu, même l'hiver quand sa ramure épaisse et hirsute le fait ressembler à un panache de cerf. Il ne fait toutefois pas une bonne haie, étant trop ouvert durant l'hiver.

Des cultivars

Si le sumac vinaigrier sauvage est spectaculaire dans l'aménagement, son cultivar «Dissecta» (on vend aussi «Laciniata», mais c'est du pareil au même) l'est encore plus et était jusqu'à récemment la forme la plus désirable. En effet, chaque «fronde» (si on peut appeler ainsi les grandes feuilles en forme de fronde de palmier) est découpée comme de la dentelle, un effet absolument saisissant l'été et encore plus quand elles changent de couleur à l'automne. C'est un cultivar femelle qui produira alors des fruits... s'il y a un plant mâle à proximité, ce qui ajoute à son attrait. «Dissecta» est toutefois de moindre envergure que l'espèce: il atteint normalement environ 2 m de hauteur et rarement plus de 4 m.

Le cultivar «Tiger Eyes» est encore beaucoup plus intéressant. C'est une mutation de «Dissecta» aux mêmes frondes élégamment découpées, par contre elles ne sont pas vertes, mais jaune vif au printemps et vert lime pâle l'été: un vrai buisson ardent! De plus, une bonne nouvelle, «Tiger Eyes» n'est pas envahissant! Il ne fait pas de drageons. J'ai rencontré aux États-Unis le propriétaire de la pépinière qui a découvert «Tiger Eyes» et il me jure que les drageons sont si rarissimes qu'il n'en a vu que deux en 10 ans... et il cultive 20 000 plants par année!

Nul doute que cette plante est destinée à devenir l'une des grandes vedettes de nos plates-bandes... et il n'est pas trop tard pour devenir la première personne de votre patelin à la cultiver.

Un sosie imberbe

Il y a aussi le sumac glabre (Rhus glabra), autre arbuste indigène. Il ressemble comme deux gouttes d'eau au sumac vinaigrier... sauf qu'il est plus petit (rarement plus de 3 m de hauteur) et que ses tiges et ses feuilles sont glabres, c'est-à-dire sans pilosité. Lui aussi a donné un cultivar à feuillage découpé: R. glabra «Laciniata», cultivar qui est d'ailleurs bien plus disponible et plus désirable que l'espèce.

Si vous cherchez quelque chose d'original pour votre aménagement, puis-je vous suggérer Rhus typhina «Tiger Eyes»? Je pense réellement qu'on le verra un jour comme l'une des meilleures introductions de la décennie!