Les toits végétaux commencent à prendre racine dans l'esprit des Québécois. Mais pendant que les toitures des commerces et des industries verdissent, l'ampleur des travaux et les coûts d'installation de ces couvertures écolos finissent par décourager plusieurs propriétaires de résidences unifamiliales.

Les toits végétaux commencent à prendre racine dans l'esprit des Québécois. Mais pendant que les toitures des commerces et des industries verdissent, l'ampleur des travaux et les coûts d'installation de ces couvertures écolos finissent par décourager plusieurs propriétaires de résidences unifamiliales.

 «C'est lorsque l'on parle d'énergie qu'il y a un jet d'enthousiasme de la part de la population», remarque Jack Lavoie, propriétaire de l'entreprise d'aménagement paysager Les Artisans du paysage de Québec. «On reçoit une dizaine d'appels par année de personnes qui veulent rénover leurs maisons en mettant une toiture végétale pour réduire leur facture avec la récupération d'eau ou par l'isolation», avance-t-il.

 Lorsque la structure est déjà en place, on doit s'assurer qu'elle est en mesure de prendre le poids du toit végétal. «Les frais des études d'ingénierie découragent le monde et encore plus s'il y a des modifications à faire au niveau de la structure», ajoute M. Lavoie.

 Dans la région de Québec, Soprema, une société spécialisée dans la fabrication de membranes d'étanchéité, a mené des projets pour des coopératives d'habitation, des immeubles résidentiels et des entreprises. Mais pas pour des résidences unifamiliales.

 «On a de plus en plus de demandes. Au cours des deux dernières années, on a réalisé une soixantaine de projets au Canada, pour 300 000 pieds carrés de toits-jardins», souligne l'agronome Marie-Anne Boivin, coordonnatrice du développement des toitures végétalisées Sopranature de Soprema.

 Xavier Laplace, propriétaire de l'entreprise d'aménagement de toitures végétales Les Toits Vertige, remarque que la demande pour les toits demeure marginale dans le secteur résidentiel : «Même s'il est plus facile et moins coûteux d'installer un toit vert sur une nouvelle structure, quand on se fait construire, un entrepreneur général essaie de couper dans les coûts. On essaie de budgéter notre affaire, et un toit vert, ce n'est pas la priorité du monde.»

 La sensibilisation environnementale semble néanmoins trouver écho auprès des consommateurs. «On en parle beaucoup et je pense que c'est là pour devenir encore plus présent en ville au cours des prochaines générations, croit Jack Lavoie. Tout le monde parle de la couche d'ozone et de l'effet de serre. C'est en train de devenir une responsabilité morale de devenir émetteur neutre.»

 Du même souffle, l'entrepreneur paysagiste souligne que débourser pour un toit vert permet de récupérer son investissement à long terme en déplorant que «dans le résidentiel, la conservation d'énergie passe plutôt par la thermopompe, les appareils plus économiques et le recyclé».

Coûts

 Pour les maisons déjà existantes, il faut d'abord faire évaluer la structure par un ingénieur en bâtiments afin de s'assurer qu'elle puisse supporter le toit. Souvent, ce sont les modifications de structure nécessaires qui haussent les coûts.

 Le prix du recouvrement variera selon le poids, le type de plantes et le genre d'accès que l'on souhaite avoir. D'après M. Laplace, il faut débourser, par pied carré, 5 à 10 $ pour la membrane qui assure l'étanchéité de la toiture en plus de 10 à 15 $ pour l'aménagement du toit comme tel.

 Les coûts d'entretien fluctuent également en fonction des objectifs visés par l'aménagement de la toiture végétale. Idéalement, elle sera conçue pour un entretien minimal : arrosage par temps sec et désherbage, de temps à autre. D'après M. Laplace, le sédum, une plante grasse qui vit dans un sol pauvre, est le moins exigeant des végétaux pouvant être utilisés.

 Bien qu'il soit possible et assez simple d'aménager une toiture végétale soi-même, tous les acteurs interrogés s'entendent pour dire qu'il est préférable de faire appel à des experts puisque les firmes utilisent des matériaux éprouvés que l'on ne retrouve pas toujours sur le marché.

 Par exemple, Soprema fait uniquement affaire avec les architectes et les gestionnaires d'immeubles. «On veut s'assurer qu'un ingénieur en structure a bien vérifié la capacité portante du bâtiment à couvrir. On ne veut pas que le système soit installé sur n'importe quelle structure et que ça s'écroule», explique Marie-Anne Boivin. Au Québec, il faut également tenir compte du poids de la neige et du verglas qui ajoute un poids supplémentaire à la structure pendant l'hiver.

 «On demande un toit avec un minimum de pente de 2 % pour favoriser l'écoulement de l'eau. On ne veut pas que les plantes baignent dans l'eau stagnante», ajoute Mme Boivin. Une source d'eau doit être facilement accessible sur le toit afin de ne pas faire «mourir» son revêtement par temps sec.

 C'est un couvreur qui se chargera tout d'abord d'installer la membrane d'étanchéité, une couverture que tout toit plat ou à faible pente requiert. «Elles ne sont pas esthétiques, mais performantes», précise Martin Blanchette, copropriétaire de Toitures Qualitoit, une entreprise spécialisée en couverture.

 Un entrepreneur paysagiste aménagera ensuite la couche végétale en ajoutant un panneau de drainage pour amener les eaux de pluie vers les drains de la toiture. Afin d'empêcher les racines de pénétrer dans ce dernier, on le recouvre d'une barrière antiracines qui sera tapissée d'un terreau spécialement conçu pour la plantation que l'on désire semer. Il ne reste alors qu'à «faire pousser» son toit.

Des avantages difficiles à évaluer

 Au Québec, une toiture végétale ne permet pas de réaliser des économies substantielles en matière de chauffage, mais peut toutefois améliorer la climatisation de la maison tout en prolongeant la durée de vie de sa toiture.

 «Un toit vert a plein d'avantages, mais pris séparément, ils sont difficiles à évaluer», ce pourquoi les subventions sont rares dans le secteur résidentiel, indique Xavier Laplace. La seule aide financière qui existe au Québec - 5 $ par pied carré de surface végétalisée - offerte par Gaz Métro sera de fait abolie au mois de septembre.

 Yannik Sauvé, conseiller principal en stratégie marketing pour le Fonds d'efficacité énergétique de Gaz Métro, explique que le programme de subvention qui avait été instauré en fonction de l'économie d'énergie relative au chauffage d'une résidence n'était plus rentable. Après évaluation, Gaz Métro a remarqué que les économies découlaient davantage des propriétés de climatisation de la toiture végétale.

 «À propos de l'efficacité énergétique, le toit vert rafraîchira l'étage en dessous. Si c'est un bâtiment à trois étages, on ne verra pas de différence dans les deux du bas», spécifie cependant M. Laplace.

 Et lorsque le chauffage est à son comble pendant l'hiver, la couche de glace ou de neige qui se forme sur le toit agit déjà à titre d'isolant. «On remarque peut-être quelques économies de chauffage au printemps ou à l'automne, mais ce n'est pas tout à fait clair», ajoute M. Sauvé.

 La recherche au sujet des toitures végétalisées a principalement été menée par des firmes privées, remarque Blanche Dansereau, professeure au département de phytologie de l'Université Laval. «Les avantages ne sont pas nécessairement très détaillés, mais je crois que le potentiel est là», soulève-t-elle.

 Protection

 Une toiture végétale prolonge également la durée de vie du toit en protégeant la membrane d'étanchéité des rayons UV. «Lorsque le soleil plombe sur la maison, le toit végétal régularise la température de la membrane. Ce sont les grosses variations de température qui font vieillir la membrane», éclaircit M. Laplace. Un toit végétal dûment installé résistera aux caprices du temps pendant près de 50 ans.

 Avec un peu de planification et un investissement plus important, on peut également profiter de cet espace pour y cultiver un potager ou pour y aménager un «coin repos».

 Les toits verts sont également reconnus pour leurs bienfaits pour les villes. La récupération des eaux, par exemple, permettrait de désengorger le système d'aqueduc. Mais il faudrait d'abord que plusieurs propriétaires s'y mettent. «Le volume dans une ville va déterminer l'impact réel», précise la professeure Dansereau.

 

Photothèque Le Soleil

Les toits verts sont utilisés depuis des décennies en Europe.