Sur une propriété, un trottoir conventionnel montre le chemin. Il est martial, cartésien et d'usage commun. Mais le pas japonais, lui, est discret, romantique, tranquille, onduleux. Il invite à la promenade. Soit pour longer la plate-bande et l'admirer, soit pour se rendre sereinement à la pergola, au coin lecture ou à la remise.

Sur une propriété, un trottoir conventionnel montre le chemin. Il est martial, cartésien et d'usage commun. Mais le pas japonais, lui, est discret, romantique, tranquille, onduleux. Il invite à la promenade. Soit pour longer la plate-bande et l'admirer, soit pour se rendre sereinement à la pergola, au coin lecture ou à la remise.

Dans la cour, le «pas», dit-on, fait office de chemin privé par opposition aux passages «quasi publics» menant à la maison ou au garage.

D'après Guylaine Gillet, administratrice et copropriétaire de l'entreprise d'aménagement paysager Le Regard Vert de Charlesbourg, la tentation est parfois grande d'aménager ces passages à la façon d'un pas japonais.

«Mais, l'hiver, les sels sont corrosifs pour certaines pierres et le gel persécute la verdure à découvert qui les borde», met-elle en garde.

Silice beige

Rue Pélissier, à Sainte-Foy. D'une entrée d'auto, commence un «pas». Il est formé de grosses pierres de silice beige provenant d'une carrière de Hemmingford. Il conduit à une rosace en pavés de béton récupérés. Derrière, un buisson sert d'écran d'ambiance et de séparateur avec la propriété voisine.

Chaque pierre a sa conformation propre. On en dénombre sept sur une distance de 15 à 20 pieds. Elles paraissent enchâssées dans le gazon.

«C'est du gazon, d'accord. Mais cela aurait pu être un couvre-sol de thym», note Édith Desgagnés, technicienne paysagiste au service de Le Regard Vert.

Le pas est légèrement courbe. Comme celui des gens qui marchent qui n'est jamais droit. À l'exception des militaires qui, eux, sont des marcheurs de précision.

«Le pas des gens est un peu erratique, c'est prouvé. Or, le pas japonais est du même esprit», dit Mme Gillet qui ne fait pas ses 70 ans.

D'un autre côté, la couleur de la pierre est un rappel de la tonalité dominante de la maison. «Le parement de l'immeuble aurait été en pierre que l'ardoise lui aurait fait un beau pas», détaille-t-elle.

Gare au béton

Jamais, selon Mme Gillet, il ne faut border les pierres ou les joindre avec du béton. On y perdrait en esthétique en raison de la masse linéaire compacte qui en résulterait. Outre le fait que le mortier se détacherait des pierres, fendillerait tôt ou tard, casserait et donnerait lieu à des éclats.

La copropriétaire du Regard Vert trouve qu'un chemin de pierre, de pavés ou de béton continu coupe un terrain en deux parts. Il le balafre, résume-t-elle. Alors que le pas japonais donne au sol une beauté subtile, même s'il y a moins de gazonnement.

En fait, le pas japonais est bohème. Puisqu'il prend part à la nature et fait écho à une certaine poésie personnelle. Il ne l'est pas toujours, cependant. En effet, il peut être géométrique ou réglé «au quart de pas».

Dans une cour très étroite bordée de plantes, par exemple, sa course géométrique en carrelage peut être oblique, avec étranglement ici, débordement là, redressement ailleurs. Il peut joindre un moment un carré de pavés serrés surmonté d'une tonnelle et reprendre ensuite son débit. Ce, du patio jusqu'à un coin repas et lecture, tout au fond.

«Le principe est savant. Mais le jeu de l'oblique, la verdure qui pousse entre les pavés, le rythme des plantes et des ouvrages de bois qui s'opposent aux matériaux inertes donnent, dans ce cas, un autre sens au pas japonais», explique Mme Gillet. Il est plausible.

À proscrire

Par ailleurs, tout pas en pierre polie est à proscrire. Autrement, il y a risque de chute si elle est couverte de rosée ou de pluie. La pierre doit donc être âpre ou «brûlée», selon le jargon des faiseurs de paysages.

Pour sa part, Mme Desgagnés ne jette pas la pierre aux pavés de béton. Ils font bien le travail. Mais elle préfère de beaucoup la pierre naturelle - parce que plus vivante - qu'on peut trouver de préférence chez les marchands spécialisés, tels Technoprofil ou Multi-Pierres dans la région de Québec.

«Préférez les gros morceaux. En bas de 1,5 pi X 1,5 pi, leur esthétique laisse à désirer», croit Mme Gillet qui, au décès de son père Raphaël durant les années 70, a repris avec sa soeur, à présent décédée, le flambeau de l'entreprise familiale, laquelle est d'ailleurs en exploitation depuis une soixantaine d'années.

«Pendant longtemps, nous avons été les seules femmes entrepreneures paysagistes de tout le Québec», se souvient- elle.

Actuellement, c'est avec Christine Cimon, sa fille, le chef de chantier Louis Charbonneau et Édith Desgagnés qu'elle fait équipe.

Quand le sol d'une propriété paraît gorgé d'eau, c'est Mme Gillet qui vient poser le diagnostic décisif.

«Souvent un sol mal drainé est symptomatique d'un drain agricole bouché. On ne crée pas de paysage là-dessus. Car cela poserait certaines difficultés. De plus, quand viendra le temps de changer le drain agricole, il faudra briser le terrain. Le client aurait donc à payer deux fois ou presque son aménagement sans compter les inconvénients», plaide-t-elle.

Raffinement

Enfin, Mme Desgagnés est d'avis que le pas japonais est sobre, mais induit le raffinement quand son parcours est bien étudié, et lorsque bien situé et naturalisé. Il peut même être fait en degrés ou en escalier pour accéder à un plan plus élevé ou plus bas. Dans ce cas, les pierres auront au moins quatre pouces d'épaisseur.

On peut mettre soi-même en place son pas. Cela, pour moins de 10 $ par pied linéaire, estime-t-on.