Quand Gaston St-Onge examine son «cèdre bleu» au petit matin le 13 mai, dans sa cour à Chambly, il constate que son conifère de 2 m est en triste état. De curieux petits cônes orangés sont apparus ici et là sur des branches, une structure gélatineuse inquiétante.

Vingt-quatre heures plus tard, les symptômes dont souffre le patient se multiplient à une vitesse fulgurante. Le lendemain, les nombreux cônes forment de grosses grappes à l'aspect surréaliste, dignes d'un film de science-fiction.

Quatre jours après le début du drame, le pépiniériste où l'arbre a été acheté conclut qu'un champignon pourrait être en cause et qu'il n'y a rien à faire. Le patient est condamné.

Pour l'agronome-conseil Claude Gélinas (www.phyto.qc.ca), pas de doute possible, il s'agit des symptômes d'une rouille, une maladie fongique qui, chez les conifères, s'attaque surtout au genévrier. Le hic, c'est que l'expert ignore ce qu'est un cèdre bleu, ignorance que je partage d'ailleurs. J'ai donc appris avec étonnement que l'expression était utilisée par des amateurs de jardinage pour désigner les genévriers en général.

Nous voilà donc fixés sur l'identité de la victime plantée près de trois ans plus tôt. La maladie dont elle souffre se présente sous diverses formes en plus d'être très répandue dans le monde végétal. Une espèce de rouille cause notamment la mort du blé et c'est pour cette raison, par exemple, que l'épinette-vinette, ou berbéris, a été interdit de vente au Canada durant des décennies, jusqu'à l'apparition de nouveaux cultivars qui n'étaient plus vecteurs du champignon maléfique. Car dans de nombreux cas, il faut deux hôtes ou deux plantes pour que la maladie puisse suivre son cycle vital.

La rouille est une maladie qui se manifeste le plus souvent par des taches de couleur brunâtre, orangée ou ocre qui sont toutes des fructifications des champignons néfastes. Il existe de nombreuses espèces de fongus responsables de la maladie et, dans le cas du genévrier, on en connaît au moins trois. Quant aux plantes qui servent de vecteur à la maladie de notre conifère, elles sont très nombreuses: amélanchier, pommier, cognassier, poirier, sorbier, aubépine de même que plusieurs autres rosacées et leurs cultivars. M. St-Onge a d'ailleurs confirmé qu'une aubépine poussait non loin de son genévrier et que ses feuilles comptaient parfois des taches rondes orangées typiques de la présence du champignon.

Désinfecter le sécateur

Le cycle complet de la rouille du genévrier exige deux ans. D'abord sur le conifère où elle passera une vingtaine de mois, notamment les hivers, puis sur un feuillu. Dans les deux cas, ce sont les spores libérées par les fongus qui contamineront d'autres arbres parfois aussi loin qu'à 500 ou 600 m de distance.

Les premiers stades d'infection chez le conifère se manifestent par de petites excroissances vertes sur les rameaux. Au printemps suivant, les tumeurs éclatent pour laisser échapper une substance gélatineuse qui se transforme en petits cônes produisant des spores. Les branches atteintes sèchent dans un délai plus ou moins long. Il est plutôt rare que les dommages soient mortels. L'infestation massive qu'a connue M. St-Onge semble exceptionnelle et serait attribuable au temps très pluvieux que nous avons connu. Il n'en reste pas moins que la maladie est fréquente chez le genévrier, ce qui explique d'ailleurs la perte de popularité de cet arbre au cours des années.

Que faut-il faire pour éviter pareil problème?

Si vous tenez mordicus à planter un genévrier, de grâce, exigez une espèce ou un de ses cultivars qui résistent à la rouille. Il en existe un certain nombre. Insistez auprès de votre pépiniériste. L'arbre de M. St-Onge, Juniperus scoluperum, est justement classé parmi les espèces sensibles. Il existe aussi des aubépines, des pommiers et pommetiers résistants à la maladie.

Les mesures curatives sont inexistantes. Il est toutefois important d'éliminer les banches mortes et celles qui manifestent des symptômes de la maladie. Mais pour ce faire, il est essentiel de désinfecter le sécateur à chaque coupe. Sinon, inévitablement, vous ne ferez que propager le mal de branche en branche, ce qui s'est probablement produit à Chambly, confie Gaston St-Onge.

Rappelons qu'un arbre en bonne santé est toujours moins sensible aux maladies. On parle donc d'une fertilisation annuelle, d'une taille adéquate au besoin, et d'un bon arrosage en cas de canicule. On peut toujours couper un des arbres contaminés pour arrêter le cycle du champignon, mais cette mesure reste aléatoire s'il y a d'autres végétaux infectés dans l'environnement immédiat, ce qui n'est jamais évident.