Si toutes les graines tombaient uniquement à son pied, elles risqueraient d'être trop ombragées par la plante mère elle-même pour germer. Il a donc fallu trouver un moyen de les expédier plus loin et les plantes ont développé de nombreuses techniques.

Si toutes les graines tombaient uniquement à son pied, elles risqueraient d'être trop ombragées par la plante mère elle-même pour germer. Il a donc fallu trouver un moyen de les expédier plus loin et les plantes ont développé de nombreuses techniques.

Par air

Plusieurs plantes comptent sur le vent pour assurer la dispersion de leurs graines. Les graines du pavot, par exemple, restent sagement dans leur capsule en forme de salière jusqu'à ce qu'une journée de grand vent «brasse leur cage» et les lancent au loin. La graine peut être aussi pourvue d'ailes qui aident à son transport. Qui ne connaît pas les «hélicoptères», les samares des érables qui, en tournant, sont portées loin de l'arbre mère? Pour être encore plus efficaces, les «ailes» peuvent devenir des plumes, rendant la graine presque aussi légère que l'air. Le pissenlit, avec son «parachute», est un expert en la matière.

D'autres plantes optent pour des graines tellement petites qu'elles sont facilement emportées par le vent, même sans ailes. Ainsi, celles des orchidées sont si fines qu'elles sont légères comme le vent et peuvent voyager plusieurs kilomètres. Les spores de fougère, bien que techniquement pas des graines, sont encore plus légères et voyagent encore plus loin. On a déjà trouvé des fougères qui germaient sur la lave fraîchement refroidie d'une nouvelle île volcanique située à plus de 3000 km de la population de fougères la plus proche!

Par eau

Pour les plantes aquatiques ou riveraines, c'est souvent l'eau qui agit comme dispersant. Leurs graines ont la capacité de flotter, parfois pendant des mois, jusqu'à ce qu'une vague ou une marée les dépose dans un endroit propice. Le cocotier a ainsi fait le tour du monde tropical, car ses noix flottent très bien. Remarquez d'ailleurs qu'il ne pousse pas droit, mais penché au-dessus de la mer, s'assurant ainsi que ses graines tombent à l'eau quand elles chutent de l'arbre. Par contre, ce fruit tropical pousse aussi à l'intérieur des terres... mais seulement lorsqu'il y est planté par l'homme, car sans eau, ses grosses graines n'arrivent pas à se déplacer, tombant bêtement au pied de la plante mère où, faute de soleil, elles pourrissent.

Et par terre

Plusieurs plantes ont appris à compter sur d'autres êtres, mobiles ceux-là, pour assurer leur dispersion. La plupart de ces plantes ont des graines ou des fruits comestibles ; l'animal ramasse leurs graines et, avec un peu de chance, va ailleurs pour les manger, assurant ainsi la dispersion. Mais attention, il ne faut pas qu'il digère toute la graine, sinon la plante n'est pas plus avancée. Souvent, le fruit est comestible, mais les graines, non, ou si peu. Ainsi, l'animal mange le fruit et jette la graine par terre ou encore avale la graine, qui voyage intacte à travers son système digestif pour être évacuée plus tard. D'ailleurs, de nombreuses graines ne peuvent pas germer sans avoir passé par le système digestif d'un oiseau ou d'un mammifère. Beaucoup de fruits avertissent même leurs hôtes qu'ils sont prêts à être mangés en changeant radicalement de couleur. Ainsi, les cerises deviennent rouges pour dire aux oiseaux et aux autres animaux qu'il est temps de venir les manger!

Certaines graines placent toutefois leur confiance dans la faible mémoire des animaux. La graine à l'intérieur de la noix (fruit du noyer) est entièrement digeste, celle au centre du gland (fruit du chêne) aussi, mais toutes deux comptent néanmoins sur l'écureuil, un animal très gourmand, pour assurer leur dispersion. Or, l'écureuil aime faire des provisions pour l'hiver. Il mange en partie les noix et les glands qu'il trouve, mais enterre les autres ailleurs... et oublie parfois de venir les chercher, assurant ainsi la dispersion des noyers et des chênes.

Et qui ne connaît pas les graines qui ont appris à s'accrocher aux animaux pour voyager? Les «toques» (bardanes), avec leurs dents crochues, s'agrippent aux poils des animaux - et à nos vêtements ! - et voyagent ainsi librement. Comme elles sont irritantes cependant, l'animal se gratte pour les enlever... et voilà que les graines tombent parfois à plusieurs kilomètres de leur lieu d'origine. Certaines plantes aquatiques aussi ont des graines à crochets qui s'agrippent aux plumes des oiseaux aquatiques pour voyager d'un lac à un autre.

Un cocktail explosif

Certaines plantes ont une technique surprenante pour assurer leur dispersion: elles ont des capsules explosives. Quand les graines sont mûres, la capsule se tord ou éclate subitement, lançant les graines à une bonne distance. L'impatiente, dont les capsules explosent au toucher au grand plaisir des enfants, appartient à cette catégorie.

Mais il y a un problème à trop dépendre d'un animal pour assurer sa dispersion. Et si l'animal disparaissait?

C'est ce qui est arrivé à bon nombre de fruitiers tropicaux des Amériques. Les botanistes qui exploraient l'Amérique du Sud et centrale furent confondus par la découverte de plusieurs arbres aux fruits très gros, charnus et apparemment délicieux, de toute évidence conçus pour être mangés et dispersés par un très grand animal, mais qui ne semblaient plus trouver preneur. D'ailleurs, tous ces arbres étaient en voie de disparition, car ils n'arrivaient plus à se reproduire convenablement. La conclusion? L'être humain avait si bien chassé le paresseux géant, autrefois abondant dans toute la région, qu'il est disparu, laissant ses arbres préférés sans moyen de dispersion. Les arbres isolés trouvés çà et là étaient les derniers de leur espèce. Heureusement, le nouvel envahisseur, l'être humain, a adopté certains de ces fruits qui sont maintenant trouvés seulement en culture. C'est le cas de l'avocat (Persea americana).

Des graines dispersées par l'homme

D'autres plantes en sont venues à dépendre de l'homme pour leur dispersion. Le blé, l'avoine et les autres céréales, ainsi que de nombreuses fleurs de jardin, ne se dispersent presque plus de leur propre gré, elles comptent sur l'homme pour assurer leur reproduction. Les grainetiers récoltent leurs semences et les vendent, en sachets, en sacs ou en boîtes, aux jardiniers et aux fermiers qui les sèment. Ainsi ces plantes peuvent-elles voyager des milliers de kilomètres (la plupart de nos semences de jardin, par exemple, sont produites en Amérique centrale).

Certaines de ces plantes dépendent tellement de l'humain pour leur dispersion qu'elles ne sont plus capables de se multiplier seules. Le maïs (Zea mays), considéré comme la plus «évoluée» des céréales (du moins du point de vue de l'humain), est tellement éloigné de sa forme ancestrale que ses graines ne tombent plus de l'épi et ne peuvent germer que si on les en sépare. Donc, si l'être humain devait disparaître, il en serait fait du maïs aussi.

Quand vous tiendrez dans vos mains un sachet de semences, en plus de vous émerveiller de l'idée que ses petites graines donneront, dans seulement quelques mois, de beaux légumes ou de beaux fruits, pensez aussi au chemin qu'elles ont dû faire pour se rendre de l'Asie, de l'Amérique du Sud ou de l'Europe dans votre jardin. C'est un petit miracle quotidien!