Dans ce paysage lunaire, on aperçoit quelques touffes de bouleaux rabougris et au bout de la route de terre, une minuscule maison en pierre. Bienvenue à l'Observatoire d'oiseaux de Tadoussac.

Dans ce paysage lunaire, on aperçoit quelques touffes de bouleaux rabougris et au bout de la route de terre, une minuscule maison en pierre. Bienvenue à l'Observatoire d'oiseaux de Tadoussac.

Dans le secteur des dunes de sable, à Tadoussac, on peut identifier et compter environ 100 000 oiseaux par année, en grande partie des petits passereaux comme cette paruline qui vient d'être capturée pour fin de baguage. (Photo prise par Mélanie Paquet)

Ne cherchez pas un musée ou un pavillon d'accueil. L'Observatoire d'oiseaux est, en fait, un lieu d'observation et une institution scientifique, comme l'indiquent d'ailleurs les deux définitions au dictionnaire. Ici, les infrastructures ont cédé la place aux oiseaux et à ceux qui les comptent. La petite maison sert seulement de bureau et de lieu de ralliement aux observateurs qui participent aux activités.

«L'Observatoire, c'est un groupe d'experts surveillant l'évolution des populations d'oiseaux. Nous identifions et comptons les oiseaux qui passent sur le site. On parle de 100 000 oiseaux par automne. Nous baguons aussi de nombreux passereaux. Notre vocation est scientifique, mais nous organisons aussi des activités pour le grand public, comme l'observation en soirée de petites nyctales et de nyctales de Tengmalm, ou encore, la participation à une session de baguage», explique Bruno Drolet.

Biologiste du Service canadien de la faune affecté à la biodiversité et aux écosystèmes, M. Drolet est directeur général de l'Observatoire, un travail bénévole. L'institution est gérée par le groupe Explos nature, de Bergeronnes, un regroupement de scientifiques qui fête son 50e anniversaire cette année et qui organisait à l'époque un des premiers camps en sciences naturelles au Québec.

Créé dans le but d'inventorier les rapaces qui se concentrent à Tadoussac durant la migration d'automne, l'Observatoire, en activité depuis 1993, a vu son rôle élargi. On s'est en effet rendu compte que l'endroit permettait aussi le suivi d'une foule de passereaux dont le pic à dos noir, et depuis peu, d'oiseaux côtiers comme les goélands et les mouettes. L'Observatoire fait partie du Réseau canadien de surveillance des migrations et du Hawk Migration Association of North America, en plus d'avoir des liens avec de nombreuses organisations scientifiques publiques ou privées qui oeuvrent dans le domaine.

Pourquoi Tadoussac?

La nyctale de Tengmalm est l'un des deux rapaces nocturnes que le public est invité à découvrir aux dunes de Tadoussac. (Photo prise par Jean-Sébastien Guénette)

Les rapaces n'aiment pas traverser de grandes étendues d'eau. Ils profitent des vents et des courants d'air chaud pour planer sur de grandes distances. Battre des ailes exige beaucoup d'énergie et s'ils venaient à s'épuiser durant une longue traversée, ils seraient condamnés à une mort certaine, faute de savoir nager. Voilà pourquoi un bon nombre de rapaces et plusieurs autres espèces suivent les côtes afin de trouver un endroit où la traversée est la plus courte possible. C'est pour cette raison que les rapaces venus du nord-est du Québec ont tendance à se concentrer à Tadoussac, l'automne, avant de passer au-dessus du Saguenay et de traverser ensuite le fleuve en amont.

La migration des mésanges

Entouré de montagnes et dégagé sur une très grande superficie, le secteur des dunes permet aux observateurs de voir les oiseaux de loin et durant un bon moment, ce qui leur laisse le temps de les identifier et de les compter. On y dénombre annuellement autour de 17 000 rapaces de 17 espèces. Dans la seule journée du 10 septembre, par exemple, 1958 d'entre eux ont été notés dans le carnet des observateurs. Tadoussac est l'endroit où on retrouve la plus grande concentration d'aigles royaux en migration sur le continent, soit autour d'une cinquantaine par saison, parfois le double. On y compte aussi 6000 buses à queue rousse, 5000 éperviers bruns et plus de 1500 crécerelles.

Par ailleurs, comme le territoire est très ouvert, les innombrables passereaux y volètent d'un bosquet à l'autre, ce qui permet aussi de les localiser rapidement et facilement. La présence du Saint-Laurent amène aussi son lot d'oiseaux aquatiques, si bien que l'Observatoire est un des rares endroits du genre en Amérique du Nord où on rencontre une telle diversité d'espèces. Plus encore, il a été démontré que tous ces oiseaux proviennent d'un territoire unique, soit le nord-est du Québec et le Labrador. Cela permet des analyses plus précises qu'ailleurs où la provenance des migrateurs est très diversifiée, précise Bruno Drolet.

Le biologiste signale par ailleurs que les six observateurs de l'Observatoire ne sont pas des bénévoles, mais des experts rémunérés pour faire leur travail de la mi-août à la fin novembre. Une façon, dit-il, d'encourager ces scientifiques et de conserver leur expertise au Québec.

Des résultats? M. Drolet hésite à se prononcer. «Même si nous avons 13 ans de données, les cycles naturels de populations ne permettent pas encore de tirer de conclusions définitives sur des tendances parce qu'il s'agit habituellement de phénomènes étalés sur de très longues périodes. Mais certains indices confirment la baisse généralisée du quiscale rouilleux, une progression de l'urubu à tête rouge vers le nord-est depuis 99.» On s'est rendu compte aussi que lorsque la migration des rapaces est hâtive, la saison de reproduction n'a pas été bonne. Autre trouvaille: l'Observatoire a constaté que la mésange à tête brune est moins sédentaire qu'on ne le croyait et que de nombreux individus migrent, comme c'est aussi le cas d'une foule de mésanges à tête noire qui nichent dans la forêt boréale, le milieu n'étant pas assez riche en ressources alimentaires durant l'hiver.

Une virée à Tadoussac

Pourquoi ne pas profiter du long week-end de l'Action de grâce pour faire une virée à Tadoussac? À cette époque de l'année, le paysage est chatoyant. Une occasion aussi pour participer aux activités de l'Observatoire et du parc national du Saguenay.

Vous êtes donc invités à observer des nyctales en soirée (frais de 10$; projection de films à 19h et sortie sur le terrain à 20h) ou à participer à une session de capture et de baguage de passereaux à 7h (frais de 10$) ou encore à l'activité Rapaces en cavale organisée par le parc (participation gratuite, à 13h30, toujours au même endroit). Ces activités ont lieu sur une base quotidienne, mais il faut absolument réserver sa place pour le week-end (1-418-235-4238). Rapaces en cavale, par exemple, affiche déjà complet vendredi et samedi.

On se rend dans le secteur des dunes en traversant le village en direction du terrain de golf et on poursuit son chemin jusqu'au bout de la route. La baie du Moulin à baudes, comme on appelle l'endroit, et la petite Maison des dunes sont situées à environ 7 km de la route 138.