À cette époque, la science de l'ornithologie était en devenir. Personne au Québec ne s'intéressait vraiment aux oiseaux, sauf quelques scientifiques et amants de la nature. Il aura d'ailleurs fallu cinq ou six ans, pour que le jeune observateur sache vraiment le nom de «ses oiseaux de Noël». Mais cet instant magique allait le marquer à jamais. Deux ans plus tard, il participe à un concours de nichoirs d'oiseaux organisé par une société d'histoire naturelle où plus de 400 cabanes sont présentées. Pour son nichoir multiple à hirondelles noires, il gagne un grand prix et reçoit en récompense la somme de... 50 cents.

À cette époque, la science de l'ornithologie était en devenir. Personne au Québec ne s'intéressait vraiment aux oiseaux, sauf quelques scientifiques et amants de la nature. Il aura d'ailleurs fallu cinq ou six ans, pour que le jeune observateur sache vraiment le nom de «ses oiseaux de Noël». Mais cet instant magique allait le marquer à jamais. Deux ans plus tard, il participe à un concours de nichoirs d'oiseaux organisé par une société d'histoire naturelle où plus de 400 cabanes sont présentées. Pour son nichoir multiple à hirondelles noires, il gagne un grand prix et reçoit en récompense la somme de... 50 cents.

En fin de semaine dernière, 80 ans après sa première rencontre avec les gros-becs, M. Cayouette était honoré par l'Association québécoise des groupes d'ornithologues qui décernait son prix Charles-Eusèbe Dionne pour la première fois. Un honneur visant à récompenser une personnalité marquante de l'ornithologie québécoise. La cérémonie avait lieu à Québec où on commémorait en même temps les 50 ans de fondation du Club des ornithologues de Québec, dont il a été un des pionniers. Le premier groupe du genre chez les francophones du Québec.

Au collège de Lévis, le jeune naturaliste est encouragé par ses professeurs. Sa passion pour les oiseaux grandit. Pour 2$, il se procure un guide d'identification en couleurs des oiseaux du Massachusetts, un territoire où on retrouve la plupart des espèces du Québec. Nouvelle révélation.

Son cours classique non complété, il obtient un emploi au Jardin zoologique de Québec, principalement grâce à ses nombreuses études et observations ornithologiques. Il devient responsable de la section des oiseaux à laquelle il donnera un essor sans précédent, unique alors dans la province. On y trouvera notamment plusieurs espèces indigènes.

Il occupe ce poste durant 42 ans, période durant laquelle il enseigne aussi l'ornithologie aux jeunes et également aux adultes. «À plus de 1800 d'entre eux, insiste-t-il, dont de nombreux professeurs.» Il publie des dizaines d'articles scientifiques et des textes de vulgarisation notamment dans Le Naturaliste canadien, La revue canadienne de biologie, Le jeune naturaliste, The Auk, Bird Banding et Canadian Field Naturalist.

Il rédige également deux ouvrages sur les noms français d'oiseaux, révise une partie du guide d'identification Robins, le premier à être publié en français, travaille à la traduction en français du classique Les mammifères du Canada. Il est aussi coauteur avec le peintre animalier Jean-Luc Grondin de deux importants volumes de vulgarisation. Publié en 1972, Les Oiseaux du Québec, portant sur 143 espèces, s'est vendu à 25 000 exemplaires et six ans plus tard, Nichoirs d'oiseaux, à 35 000. «Des chiffres impressionnants même aujourd'hui». Il a aussi participé à l'Atlas des oiseaux nicheurs du Québec, paru en 1995.

Durant toutes ces années, le souvenir des gros-becs de Noël a continué à l'inspirer. Il est l'instigateur du premier recensement de Noël parmi les ornithologues amateurs francophones. En décembre 1943, l'événement attire... trois personnes, qui néanmoins identifient une douzaine d'espèces. M. Cayouette a aussi bagué plus de 10 000 oiseaux, surtout des passereaux, précise-t-il. Chez lui, à Charlesbourg, au cours d'un hiver, il a bagué à lui seul 1000 gros-becs errants sur les 5000 capturés au même endroit. L'un d'eux fut repris sept ans plus tard.

Voilà plus de 20 ans que l'ornithologue ne poursuit plus les oiseaux. Mais la flamme est toujours là. «Je les observe de mon balcon et je reste encore fasciné par les colibris. Ceux qui visitaient ma mangeoire ont quitté les lieux lundi denier. Je les attends vers le 15 mai. J'ai aussi un couple de cardinaux qui voltige autour de la maison.»

L'hiver, se succèdent à sa fenêtre corneilles, geais bleus, tarins des pins, mésanges à tête noire et plusieurs autres. Et les gros-becs errants? Ils ne visitent plus les mangeoires de M. Cayouette depuis quelques années déjà. Ni celles de ses voisins d'ailleurs. L'oiseau a quitté la région à la faveur d'un grand mouvement de population, comme cela arrive de temps à autre. Il n'est pas encore revenu. Comme quoi, le gros-bec porte bien son nom.

Ornithologue avant l'heure

Charles-Eusèbe Dionne est considéré comme le premier ornithologue québécois. Né à Saint-Denis-de-Kamouraska en 1846, le naturaliste autodidacte mènera une carrière scientifique de 60 ans, surtout en ornithologie. Fils d'agriculteur, il s'était donné comme objectif de doter la province d'un ouvrage classique sur la faune ailée.

Devenu conservateur du Musée zoologique de l'Université Laval, il publie, en 1883, Les oiseaux du Canada, qui était à l'époque le seul ouvrage technique en français sur la faune ailée du pays (on y décrit 340 espèces). En 1902, il rédige un volume sur les mammifères du Québec, puis en 1906, paraît Les oiseaux de la province de Québec, le couronnement de 40 ans d'observations et d'études. À l'été 1924, à l'âge de 78 ans, il est toujours conservateur et poursuit inlassablement son travail de naturalisation de spécimens.

Travailleur acharné, il s'éteindra, en janvier, suite à une paralysie progressive.