Dans les hauteurs de Rimouski, d'où elle a une vue imprenable sur la vallée, mon amie Simone Fugulin a planté un jardin extraordinaire. Tout biologique... D'accord, on n'y rencontre peut-être pas de canards qui parlent en anglais comme dans la chanson de Trenet, mais le cassis y pousse bien dru, à côté des merises, des groseilles, des capucines, de la lavande et des poiriers. Les oiseaux se régalent de baies d'amélanchiers, les carottes, les cardes, les échalotes et les courgettes «profitent» à merveille en bonne intelligence avec les plants de tomate et les laitues, malgré les caprices du climat.

Dans les hauteurs de Rimouski, d'où elle a une vue imprenable sur la vallée, mon amie Simone Fugulin a planté un jardin extraordinaire. Tout biologique... D'accord, on n'y rencontre peut-être pas de canards qui parlent en anglais comme dans la chanson de Trenet, mais le cassis y pousse bien dru, à côté des merises, des groseilles, des capucines, de la lavande et des poiriers. Les oiseaux se régalent de baies d'amélanchiers, les carottes, les cardes, les échalotes et les courgettes «profitent» à merveille en bonne intelligence avec les plants de tomate et les laitues, malgré les caprices du climat.

Simone est aussi passée maître dans l'art de cueillir champignons et plantes sauvages comestibles, qu'elle choisit soigneusement parmi des espèces non menacées et sur des sites appropriés.

Gérer l'abondance au jardin

Il faut dire que mon amie est biologiste de formation et grande amoureuse de plein air devant l'Éternel. «J'adore partir en forêt avec mon parasol pour cueillir des bleuets tout en écoutant le chant des oiseaux», explique celle qui a élevé trois filles au tempérament artistique bien trempé: deux sont musiciennes et la troisième oeuvre dans le domaine des arts visuels. «L'autre jour, j'ai même partagé une talle avec un porc-épic!» raconte-t-elle en enfournant son gigot de lotte aux tomates. Inutile d'ajouter que mon amie Simone est aussi une cuisinière hors pair et un esprit créatif redoutable qui ne cesse d'inventer de nouvelles recettes pour mieux mettre en valeur les trésors de son jardin... Et gérer l'abondance de fin de saison.

Depuis des années que cette passion des choses de la terre dure, elle a mis au point des dizaines de recettes de confitures, de gelées, de coulis, de marinades et de vinaigres fins. Dans son garde-manger, au sous-sol de sa grande maison, Simone enligne bon an mal an plus de 300 petits pots multicolores qui sont autant de promesses de régals matinaux; car sa spécialité, ce sont les confitures. Toutes sortes de confitures: carottes et gingembre, pastèque, cynorhodon (roses sauvages), framboises-merises, cassis, poires grand-mère, marmelade de courgettes, gelée de pommes et agrumes. Ses confitures ne contiennent aucune pectine ajoutée et seulement la moitié du sucre des recettes traditionnelles. En bouche, ça se traduit pourtant par une explosion de saveurs concentrées parce que Simone prend d'abord soin de laisser macérer ses fruits avant de les cuire à deux, voire à trois reprises à très petit feu pour bien concentrer les arômes et laisser agir les gélifiants naturels. Je n'ai jamais goûté de meilleure confiture de ma vie, je le jure!

Mère-écureuil...

Mais ce n'est pas tant sa formation scientifique que ses racines italiennes et françaises qui ont poussé cette femme exceptionnelle à faire fi d'une zone de rusticité passablement contraignante pour arriver à faire pousser toutes sortes de merveilles. Dans la famille Fugulin, on a toujours fait ses conserves en prévision des jours froids; à près de 90 ans, le père de Simone continue d'entretenir un grand jardin et d'élever ses poules pondeuses «pour s'occuper un peu»... Ces valeurs de conservation et de préservation du patrimoine naturel, c'est l'héritage laissé à Simone par ses parents. Tout comme une certaine insécurité par rapport au lendemain, un vieil atavisme qui la transforme en mère-écureuil quand l'automne approche. «Je viens d'une famille qui a connu les privations de la guerre, raconte Simone. Alors, quand, vers la fin de l'été, je vois mon garde-manger qui se vide et ma réserve de pots diminuer, je ne me sens pas bien. J'ai besoin de faire des réserves. C'est plus fort que moi.»

Pour Simone Fugulin, la saison de la mise en pot n'est donc pas un passe-temps ni une activité de loisir comme une autre, mais bien un mode de vie, qui procède d'une nécessité intérieure. «Pour moi, ça fait partie des tâches quotidiennes à accomplir; comme la préparation des repas.» Ce qui n'empêche pas le plaisir dans le partage des corvées, bien sûr... Surtout quand elle vous ouvre son cahier d'écolière studieuse dans lequel sont consignées les statistiques annuelles sur ses récoltes, ses trucs et les secrets culinaires qu'elle a concoctés au fil des ans...