Jusqu'à ce qu'un passionné comme Bernard Monna et quelques «disciples» décident de transformer l'île d'Orléans en capitale nationale du cassis...

Jusqu'à ce qu'un passionné comme Bernard Monna et quelques «disciples» décident de transformer l'île d'Orléans en capitale nationale du cassis...

Monté sur sa vendangeuse toute neuve adaptée pour le cassis, Bernard Monna entreprenait la semaine dernière sa trentième récolte sur l'île d'Orléans. Pionnier de la culture de ce petit fruit au rouge tellement profond qu'il en paraît noir lorsque mûr, M. Monna passe chaque année les premières semaines du mois d'août à récolter ses quatre hectares de cassis en compagnie d'un groupe de cueilleurs d'origine cambodgienne. «Ce sont d'excellents agriculteurs et ils travaillent avec moi depuis très longtemps, explique M. Monna. Mais ils m'ont prévenu l'an dernier qu'ils prendraient bientôt leur retraite.» D'où la nécessité d'automatiser les récoltes pour assurer un rendement continu. Cet ancien sculpteur, dont les ancêtres étaient liquoristes dans le sud-ouest de la France, transforme tout son cassis en sirop et alcools de grande réputation, pour une production annuelle de 15 000 bouteilles.

Honneurs et valeur nutritive insoupçonnée

Déjà en 1995, sa crème de cassis de l'Isle Ensorceleuse avait raflé la médaille d'or à la prestigieuse compétition internationale de liqueurs de Ljubljana, en Slovénie, lorsque présentée par la SAQ. Son expertise, Bernard Monna l'a développée en autodidacte depuis 32 ans qu'il s'est installé à Saint-Pierre et a planté une douzaine de plants de cassis. «Au début, c'était pour faire de la confiture, comme mes parents. Mais comme j'ai vite été débordé, je me suis mis à faire du vin pour les amis, avant de prendre un permis de producteur et de me laisser guider par mon enthousiasme pour ce petit fruit délicieux et excellent pour la santé».

Le cassis est un cousin de la groseille. Son goût prononcé et peu sucré le destine inévitablement à la transformation (voir article suivant) et comme toutes les baies, il est très fragile et doit être traité immédiatement après la cueillette. Il déborde de nutriments protecteurs: vitamine C, fibres, potassium, calcium, magnésium, composés phénoliques et pigments anthocyaniques qui exercent un effet salutaire sur la circulation sanguine et protégeraient le coeur. De tous les fruits, le cassis est aussi le plus riche en substances antioxydantes, qui combattent l'inflammation, aident à lutter contre certains cancers et maladies chroniques. Il contient 50 calories par 100 g.

Une relève assurée

Aujourd'hui, Bernard Monna a transmis son savoir-faire et son amour du cassis à plusieurs proches. À commencer par ses filles Anne et Catherine, qui ont pris la relève de la fabrication des différents alcools et mis sur pied le bistrot La Monnaguette, où l'on sert une cuisine «tout cassis». Mais c'est toujours Bernard qui veille aux cultures.

Dans le champ d'en face, son ami Vincent Noël cultive lui aussi du cassis, qu'il vend en partie à la Maison des Futailles (filiale de la SAQ) pour la production d'une liqueur de cassis basée sur la recette de Bernard Monna. C'est d'ailleurs Bernard qui lui a proposé de se lancer dans cette culture, en plus de son travail de producteur agricole. «J'ai débuté il y a 10 ans pour aider Bernard et je suis maintenant vendu à la cause du cassis, plaide Vincent Noël, à cause de son goût, de son potentiel en transformation et de ses qualités nutritionnelles, dont on entendra bientôt parler grâce à des recherches scientifiques qui sont présentement en cours. Mais il y a encore beaucoup de travail de sensibilisation à assumer pour mieux le faire connaître.»

Les quatre hectares de production de Vincent Noël comptent des variétés qui viennent de Finlande, de Suède et d'Écosse, les mêmes que celles de Bernard Monna. «Nous les avons sélectionnées pour leur résistance aux maladies, comme le Titania, le Ben Nevis et le Ben Lomond, et pour leur capacité à produire beaucoup de jus, avec un arôme prononcé.» Le cassis de Vincent Noël sera bientôt homologué biologique. Il le ramasse toujours dans la première semaine du mois d'août et entièrement à l'aide d'une récolteuse importée de Finlande, ce qui simplifie la cueillette et minimise les pertes. «Sauf qu'il faut absolument planter en fonction de l'appareil, tous les trois mètres, et tailler chaque automne.» Un plant ne commence à donner des fruits que quatre ans après avoir été mis en terre et sa durée de vie varie de 10 à 14 ans. Et bien sûr, comme pour le raisin, on ne récolte pas s'il pleut, pour ne pas faire moisir les baies.

Cette petite plante nordique qui croît et se répand facilement existe aussi à l'état sauvage sur l'Île d'Orléans, où le type de sol bien drainé et riche en matières organiques lui est favorable. Le fleuve a un effet protecteur contre les gelées printanières hâtives, qui sont l'ennemi juré du cassis et expliquent en partie sa rareté sur notre territoire. Hormis Bernard Monna et Vincent Noël, les deux plus importants producteurs de cassis au Québec, leur voisine Liz Ouellet en cultive également, de même que le Moulin du Petit pré, sur la Côte-de-Beaupré, et un agriculteur de Compton, dans les Cantons-de-l'Est.