S'il est effectivement assez facile de confondre les deux oiseaux, du moins à distance, il s'agit néanmoins de deux espèces totalement différentes.

S'il est effectivement assez facile de confondre les deux oiseaux, du moins à distance, il s'agit néanmoins de deux espèces totalement différentes.

Le grand corbeau porte bien son nom: il atteint de 65 à 70 cm de longueur pour une envergure d'aile de 1,3 à 1,5 m. La corneille d'Amérique ne dépasse guère une soixantaine de centimètres. Mâle et femelle sont très semblables mais cette dernière est un peu plus petite.

Le grand corbeau est le plus imposant de la grande confrérie des corvidés. Son plumage est lustré, son bec massif et puissant, souvent recourbé, et les plumes pendantes sous son cou donnent l'impression qu'il porte une barbe. Sa queue est relativement pointue à cause de ses longues plumes centrales, une caractéristique facile à distinguer quand l'oiseau est en vol. La queue de la corneille est plutôt carrée. D'ailleurs, le vol des deux oiseaux est très différent. Le corbeau plane souvent sur de grandes distances, parfois en faisant de grands cercles comme les rapaces. Autre différence marquée: le cri. Le corbeau émet un «croak-croak» - cri sourd très particulier - et il est beaucoup moins volubile que sa cousine.

Répandu un peu partout, aussi bien en Afrique qu'en Amérique centrale, dans le nord de l'Europe et de l'Asie, il s'agit aussi du corvidé qui se rend le plus loin dans les régions nordiques, bien au-delà de la limite des arbres. Pour de nombreux amants de la nature, il symbolise les vastes régions éloignées, la solitude sauvage, notamment en hiver. Mais cette image est en train de changer.

C'est que le grand corbeau commence tranquillement à se rapprocher de la civilisation. Sa présence est de plus en plus fréquente dans les milieux urbanisés, notamment au Québec. Mais il a gardé son caractère sauvage et demeure très difficile à approcher. Grand observateur d'oiseaux, Pierre Bannon indique que cette progression est constante depuis une dizaine d'années. Par exemple, dans le passé, il était exceptionnel d'apercevoir un corbeau dans la région métropolitaine lors du recensement de Noël. C'est aujourd'hui chose courante. «Même s'ils sont discrets, on peut en voir régulièrement sur le mont Royal, dit-il. Ils sont aussi présents dans l'île Sainte-Hélène. Il y a trois ou quatre ans, en février, nous en avons aperçu un qui trimballait des brindilles en direction du pont Jacques-Cartier, probablement pour y construire son nid, ce qui ne serait pas surprenant.»

Considéré comme l'un des oiseaux les plus «intelligents» qui soient, le corbeau a appris à profiter de la présence de l'homme. On sait qu'il niche sous les grandes infrastructures, notamment sous les viaducs et les ponts, les parois de certaines carrières même en milieu urbain. Selon M. Bannon, l'oiseau a aussi compris que les autoroutes pouvaient représenter un garde-manger intéressant à cause des carcasses qu'on peut y trouver. Il se souvient d'une journée d'hiver où il avait observé durant un long moment un corbeau qui suivait systématiquement le tracé de l'autoroute 10 en quête d'un bon repas frais à se mettre dans le bec. L'oiseau noir sait aussi profiter de la générosité des visiteurs dans les lieux touristiques. C'est souvent dans ces moments-là d'ailleurs qu'on a la chance de l'observer le plus près.

Si le grand corbeau est avant tout un charognard (les trappeurs le trouvent souvent dans leurs pièges), il ajoutera volontiers à son menu grenouilles, têtards, crabes, souris, lemmings, oeufs d'oiseaux et oisillons, si l'occasion se présente. Les fruits et les graines ne seront pas oubliés pour autant. On l'a vu aussi à maintes reprises travailler en couple pour obtenir ce qu'il voulait. L'exemple le plus souvent cité est ce corbeau qui avait mordu la queue d'un chien en train de gruger un os. Le temps que le chien tente de mordre l'intrus, un autre corbeau lui avait chipé son os. La même chose s'est produite avec un chat qui s'amusait avec une souris. Il fréquente à l'occasion les grands carnivores comme le loup et l'ours blanc pour profiter des restes de leurs repas.

Plusieurs expériences scientifiques ont aussi démontré que le corbeau pouvait être extrêmement inventif pour trouver de la nourriture, notamment en se servant d'un bout de bois afin d'accéder à un repas convoité mais difficilement accessible. Ces oiseaux savent aussi s'amuser. On les a vus exécuter des cabrioles lors de ballets aériens, ou encore laisser tomber une pièce de bois du haut des airs pour la rattraper à quelques reprises au cours de sa chute.

Uni pour la vie, le couple de grands corbeaux niche très tôt, fin février ou début mars. Il élèvera une seule nichée de quatre à six petits. C'est la femelle qui couve mais le mâle lui sert ses repas au nid. Les deux parents nourrissent ensemble la marmaille, qui pendra son envol une quarantaine de jours après l'éclosion. Le corbeau peut vivre longtemps. Si le record de longévité est d'environ 13 ans en milieu naturel, deux spécimens en captivité ont vécu respectivement 24 et 69 ans.