La population pourrait peut-être atteindre une centaine de reproducteurs selon les prévisions les plus optimistes, nous dit le ministère des Richesses naturelles, de la Faune et des Parcs.

La population pourrait peut-être atteindre une centaine de reproducteurs selon les prévisions les plus optimistes, nous dit le ministère des Richesses naturelles, de la Faune et des Parcs.

Le grand rapace s'ajoute donc à la liste des espèces malmenées par le temps. Y figurent aussi la pie grièche migratrice, le grèbe esclavon, le pluvier siffleur, le faucon pèlerin et le pygargue à tête blanche. À vrai dire, ce nouveau statut ne change pas grand-chose à la situation de l'oiseau. Il permet surtout de sensibiliser la population au fait que l'habitat de plusieurs espèces se détériore, explique le biologiste Daniel Banville, coordonnateur provincial des espèces menacées et vulnérables.

Sur le plan juridique, des mesures sont parfois prises pour réduire ou limiter certaines activités humaines. Par exemple, la coupe forestière sera interdite dans un rayon de 300 mètres autour d'un nid, et ce périmètre passe à un kilomètre en période de nidification.

Toutefois, dans le cas de l'aigle royal, cette mesure risque de ne pas s'appliquer souvent puisque l'espèce niche surtout dans le Grand-Nord québécois, plus particulièrement dans les bassins des baies d'Ungava, James et Hudson. Chez nous, elle construit son nid dans les falaises et parfois dans les arbres, mais dans les forêts nordiques et clairsemées.

Très prisé des fauconniers européens et asiatiques, l'aigle royal est un rapace impressionnant de 80 à 90 centimètres de longueur et d'une envergure d'aile de deux mètres. De couleur brune, il est souvent difficile à identifier par les amateurs que nous sommes, notamment parce qu'il ressemble au pygargue à tête blanche juvénile.

Il est présent dans le nord de l'Afrique et la chaîne de l'Himalaya, mais on le trouve aussi un peu partout, surtout en montagne, jusqu'au sud des régions arctiques d'Asie, d'Europe et d'Amérique du Nord. Les effectifs ne sont toutefois jamais élevés comme c'est habituellement le cas chez les grands rapaces. En terre d'Amérique, le Québec représente environ 25 % de son territoire global, mais la plus grande partie de la population est surtout concentrée dans les régions montagneuses de l'Ouest, de l'Alaska au centre du Mexique. Les plus grandes densités se trouvent au Yukon.

Dans l'est du continent, l'oiseau niche jusqu'en Caroline du Nord. Il s'agit d'une espèce migratrice qui hiverne plus au sud jusqu'en Floride et au Mexique. Au Québec, le territoire qui a fait l'objet d'un reccensement est plutôt limité parce que l'aire de nidification du rapace est très difficile d'accès. Par ailleurs, les données pour l'Outaouais, la Gaspésie et les Laurentides restent très fragmentaires. La situation devrait changer l'été prochain, indique M. Banville, puisqu'on profitera du recensement des faucons pèlerins dans le nord du Québec pour tenter de localiser des pygargues et des aigles royaux, les trois espèces vivant parfois dans les mêmes habitats.

Un amateur de lièvres

Le régime alimentaire de l'aigle royal varie selon les régions, mais il est surtout composé de petits mammifères, souvent des lièvres et des marmottes. Dans certains cas, les oiseaux composent presque l'essentiel de son menu. La bernache du Canada reste sa préférée, mais les canards, gélinottes, lagopèdes, corbeaux et plusieurs autres rapaces de plus petite taille figurent aussi parmi ses victimes. En période de disette, il n'hésitera pas à se contenter d'une charogne.

Il faut rappeler que l'aigle royal a été persécuté durant des décennies au début du 20e siècle, comme ce fut le cas d'ailleurs d'une foule d'autres rapaces. On croyait à tort qu'il s'en prenait aux animaux domestiques. Plusieurs centaines de milliers d'entre eux furent donc abattus par pure ignorance. Dans le Rapport sur la situation de l'aigle royal au Québec, publié en 1999, on mentionne que dans le seul État de l'Alaska, 100 000 aigles royaux furent tués entre 1917 et 1952. Plusieurs États et même l'Alberta ont offert des primes à ceux qui abattaient cet oiseau. Des populations entières ont ainsi été éliminées, notamment dans l'État de New York. Si l'on ajoute à cela les pertes d'habitat et les effets du DDT, on peut comprendre que l'aigle à tête blanche ait vécu des moments difficiles qui ont encore des répercussions sur sa situation actuelle.

Habituellement unis pour la vie, les couples nichent dans de gros nids d'environ un mètre de hauteur sur 1,5 mètre de diamètre. L'intérieur est tapissé de verdure, des branches vertes dont la disposition indiquerait aux autres couples que la place est bel et bien occupée. Ils pondent normalement deux oeufs par année, qui éclosent souvent à plusieurs jours d'intervalle. Il est fréquent que l'aîné des aiglons élimine le plus jeune. Les oisillons restent 70 jours au nid, une très longue période. Ils pourront se reproduire vers l'âge de 4 ans.