Ils ont choisi le Vieux-Boucherville pour l'esprit de village. Pour l'accès au fleuve et la proximité de la grande ville. Faut-il préciser l'amour qu'ils ont pour leur maison ancestrale? Ce genre d'amour qui fait réparer les fondations et bichonner la moindre moulure... Incursion dans huit nids douillets, au parfum du XIXe siècle. Partie II.

La maison Lamoureux

Date de construction : environ 1857

Date d'acquisition : 2010

Construite par les Lamoureux, père et fils, cette maison repose sur les fondations d'une ancienne boulangerie et d'autres bâtiments, sans doute mis à mal par le grand incendie qui a embrasé le coeur du village, en 1843.

« Je n'étais pas à la recherche d'une vieille maison, mais plutôt d'un condo près du fleuve, relate le propriétaire, Martin Gabriel Cambria. Le grand atout du Vieux-Boucherville, c'est l'accès au bord de l'eau.

« La maison requiert beaucoup d'attention et de rénovations, poursuit le propriétaire. J'ai réalisé, jusqu'à maintenant, quelques travaux qui ne paraissent pas, sur les fondations et sur l'isolation du grenier. J'aimerais bien rendre aux poutres leur couleur naturelle. Mais je rénove à petites bouchées, comme on mange un éléphant ! »

La demeure est charmante et chaleureuse, et elle met bien en valeur la collection d'affiches et de caricatures dont M. Cambria a orné les murs, en véritable amoureux des arts graphiques.

Beaucoup de gens s'arrêtent devant cette maison exceptionnelle, aux solides colonnes carrées de bois, et s'assoient même sur la galerie comme si c'était un banc public !

« Un jour, raconte M. Cambria, un historien qui passait m'a expliqué que c'était peut-être une maison de garde, de style régime français. D'une fenêtre, la milice pouvait voir les remparts jusqu'au fleuve. »

Vers 1925, le propriétaire de l'époque, Louis Bénard, y a ouvert le premier salon funéraire de Boucherville, pour l'exposition du corps seulement, dans la section maintenant occupée... par la salle à manger. « J'apprends ça à mes invités, au moment du dessert ! », lance, amusé, Martin Gabriel Cambria.

Photo Martin Chamberland, La Presse

Martin Gabriel Cambria

La maison du docteur

Date de construction : 1861

Date d'acquisition : 1988

La maison de Jacques Chagnon a abrité quatre générations de médecins avant d'être achetée par ses parents, en 1952, et de lui être cédée, en 1988.

« Je lui suis profondément attaché », confie celui qui est maintenant député libéral provincial de Westmount-Saint-André et président de l'Assemblée nationale.

« J'ai grandi ici et j'y ai beaucoup d'amis. C'est ici que j'ai occupé mon premier poste électif, à 22 ans, comme commissaire à la commission scolaire Saint-Exupéry, pour le quartier du Vieux-Boucherville. »

De biais avec la résidence familiale se trouvait la maison - qu'on a déménagée depuis - où est né Louis-Hippolyte La Fontaine, qui est devenu premier ministre, en 1842, de la « province est du

Canada-Uni ».

« J'aime bien voir, entre les deux habitations, un courant d'air dont j'ai subi l'influence », dit M. Chagnon.

Dans le grand salon situé à l'avant, on se figure aisément l'ancienne division, la salle d'attente d'un côté et le cabinet du médecin de l'autre. En 1991 et 1992, Jacques Chagnon lui a donné son apparence actuelle et a réalisé d'autres importantes rénovations - les deux salles de bains, la cuisine, la main courante de l'escalier-, avec le concours, notamment, de l'artisan Florent Laroche. Un autre artisan, Jean-Pierre Lepage, de Rivière-du-Loup, a relevé le défi de refaire toutes les fenêtres comme à l'origine.

Le plancher est le même qu'aux débuts, en pin rouge de Colombie. Dans les années 40, le grand balcon, à l'arrière, a été transformé en solarium.

Les Chagnon ont réalisé un impressionnant aménagement de jardin avec des pierres d'ardoise, ce qui en fait un lieu idéal pour les nombreuses réceptions données par le couple.

Photo Olivier Jean, La Presse

La maison de Jacques Chagnon a abrité quatre générations de médecins avant d'être achetée par ses parents, en 1952, et de lui être cédée, en 1988.

La maison Faubert-Aubertin

Date de construction: entre 1888 et 1893

Date d'acquisition: mars 2013

«Quand nous avons appris que Mariette et Jean-Claude Savoie s'apprêtaient à déménager, nous avons assez rapidement décidé de nous porter acquéreurs de leur maison», racontent les nouveaux propriétaires de la maison de brique, Mylène Ferron et Marc Saint-Onge.

Les Ferron-Saint-Onge étaient alors proches voisins des Savoie, dans la même rue, et avaient hautement apprécié les conseils de M. Savoie en matière de rénovation de maisons anciennes. Comme plusieurs autres résidants du Vieux-Boucherville, ils lui reconnaissent un rôle de gardien du patrimoine.

Les Savoie ont acheté plusieurs maisons ancestrales du village dans le but de les remettre en valeur.

«Nous aimons les projets, explique Mylène Ferron, et, surtout, nous avons cet amour inconditionnel pour le patrimoine. Il le faut, pour se lancer dans ces travaux majeurs non subventionnés!»

L'histoire de la résidence est tissée avec celle de la famille Aubertin, qui s'est transmis la maison de génération en génération jusqu'en 1981. De 1918 à 1975, elle servait de résidence secondaire et était fermée en hiver. «Cela n'a pas aidé à maintenir les planchers de niveau!», lance Mme Ferron.

Ces planchers sont maintenant chauffés comme il se doit, redressés et revêtus de bois imitant le chêne ancien.

Marc Saint-Onge a racheté les outils de M. Savoie et son inventaire de quincaillerie d'autrefois, trésors entreposés à l'étage de la grange. «Il continue de venir y bricoler», rapporte le nouvel occupant, ravi de conserver ce lien avec son mentor.

Photo Olivier Jean, La Presse

Mylène Ferron et Marc Saint-Onge.

Le cocon pièce sur pièce

Date de construction: environ 1875

Date d'acquisition: 2007

«J'aime les antiquités et le patrimoine, affirme d'emblée Julie Vaillancourt. Je ne pourrais pas m'installer dans un bungalow ou un condo. Je serais heureuse dans une maison bicentenaire et même tricentenaire!»

Aussi cette férue des ambiances d'autrefois est-elle à son aise dans sa petite maison du Vieux-Boucherville, qui fait 600 pi2 au total, en additionnant les surfaces du rez-de-chaussée et de l'étage. Un cocon typique des années 1800 au Québec, avec des murs en pièce sur pièce, un étroit escalier (26 po de largeur) et des plafonds pour petites personnes (à 7 pi de hauteur, un peu moins sous la poutre). Elle s'est ingéniée à optimiser l'espace de rangement et à peupler son décor d'objets anciens: un lit aussi vieux que la maison, un pupitre d'écolier, une baratte à beurre, une poulie multiusage, d'anciens seaux à lait...

L'esprit de village

Le Vieux-Boucherville, c'est aussi un noyau villageois, souligne Mme Vaillancourt. «On se connaît entre voisins, on s'entraide, explique-t-elle. C'est un réseau de gens qui partagent les mêmes valeurs et les mêmes goûts, sur les plans de l'architecture et du mode de vie.

«Je vis à l'ombre du clocher de l'église, poursuit-elle, une vie rythmée par les carillons quotidiens. On se sent à la campagne en rentrant chez soi. C'est extraordinaire, cette tranquillité, à proximité des grandes autoroutes. J'ai l'impression de vivre au XIXe siècle... à cinq minutes du pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine!»

Photo Olivier Jean, La Presse

«J'aime les antiquités et le patrimoine, affirme d'emblée Julie Vaillancourt. Je ne pourrais pas m'installer dans un bungalow ou un condo. Je serais heureuse dans une maison bicentenaire et même tricentenaire!»