Un couple de Montréal a fait appel à l'architecte Paul Bernier afin qu'il lui conçoive une demeure intemporelle et durable, dotée d'une cour intérieure. L'une des inspirations du projet? L'image d'une grange de pierre ancestrale comme il s'en trouve dans la campagne italienne.

«Ras-le-bol du faux! Nous avions envie de vrai, de solide et de matériaux bruts et texturés, comme la pierre naturelle, le bois massif, le béton et l'acier. Surtout, aucun produit d'imitation», résume Michel Lepage, l'un des deux propriétaires de la résidence secondaire baptisée La maison de Bromont, dans les Cantons-de-l'Est.

«J'aime à penser que ce bâtiment sera encore là dans 200 ans», enchaîne l'architecte de cette construction qui échappe à toute ostentation et qui se fond dans son environnement, une clairière située sur un button rocheux.

Paul Bernier a dû faire appel au savoir-faire local de certains artisans afin de réaliser ce projet. C'est le cas pour le parement de pierre de silice, qui a été travaillé à la main. Ce revêtement rustique offre un contraste saisissant avec la pureté des lignes de la propriété.

Quant à la structure du toit, il a conçu l'assemblage des poutres et des chevrons en s'inspirant d'une méthode traditionnelle plutôt que d'opter pour des fermes de toit préfabriquées. Il a même dessiné les étriers, car l'ensemble est entièrement dévoilé. Impressionnante, cette charpente donne beaucoup de caractère à l'aménagement.

«Le savoir-faire des artisans m'inspire.»

Amoureux des matériaux bruts et simples, Paul Bernier n'hésite pas à mettre la main à la pâte et à s'activer sur un chantier. Rien à voir, donc, avec le cliché de l'architecte dans sa tour d'ivoire...

«Un de mes plus grands plaisirs est d'être sur le chantier ou en atelier avec les artisans et d'échanger, admet-il. En savoir davantage sur la fabrication et la matière me permet de mieux dessiner et de pousser plus loin mon travail de conception.»

Celui-ci observe d'ailleurs un regain d'intérêt pour le travail des artisans chez plusieurs architectes et designers.

«Dans certaines grandes agences, il peut encore y avoir une séparation entre les architectes concepteurs et ceux qui se consacrent aux plans de construction, dit-il. Maintenant, une nouvelle génération de concepteurs veille à la fois à la création et à la réalisation. Il y a aussi des clients qui reconnaissent la valeur du travail artisanal. C'est une question de choix.»

«Je taille la pierre à l'oreille...»

Avec son équipe, Yves Breton, 36 ans, briqueteur-maçon, a taillé chacune des pierres très durables (silice) du parement de La maison de Bromont. Quant au style adopté, il le qualifie de bâton rustique, c'est-à-dire un assemblage varié de pierre naturelle, de forme plutôt allongée. «Je taille à l'oreille et selon le bruit aigu ou sourd, j'ajuste l'angle de frappe», affirme-t-il.

La principale différence entre un mur de pierre de béton aux formats prédéterminés et un autre, en pierre naturelle, réside dans la durée du travail, qui est presque artistique.

«C'est la taille de la pierre, du côté exposé comme de l'autre, ainsi que la confection des coins qui prennent beaucoup de temps. J'y consacre environ 75% de mon temps», estime le cofondateur de l'entreprise Boucher, Breton Maçons, à Shefford. Ainsi, chaque pierre affiche une texture unique et se patinera au fil des ans.

«J'ai coupé et ajusté toutes les poutres sur place.»

René Gazaille, 52 ans, charpentier-menuisier, entrepreneur général à la tête de Constructions Mire, à Lac-Brome, a dû faire preuve de minutie lors de la construction de La maison de Bromont, un chantier qu'il a dirigé.

«Contrairement à la mise en place de fermes de toit standards, j'ai taillé chaque poutre et chevron avant de les installer selon les plans, explique René Gazaille. Quant aux étriers, ils ont été fabriqués sur mesure avant d'être galvanisés. Chaque pièce de bois, imposante, devait être impeccable, car elles allaient être apparentes, et rien ne pouvait être camouflé.»

«J'aime dévoiler et exprimer la structure d'un bâtiment, et dans le cas de cette maison, la charpente du toit (en pente) est une composante dominante», enchaîne Paul Bernier, qui précise que l'isolation a été élaborée au-dessus du platelage du toit et sous la toiture d'acier.

Enfin, du sapin de Douglas brut (non plané) a été privilégié et l'ensemble, excluant le platelage, a été teint en gris, sur place. Cette nuance, apaisante, s'apparente aux tonalités de la pierre de la maison et, surtout, elle procure un effet naturel de grisonnement.

Il faut compter un minimum d'environ 20$ le pied carré, selon Yves Breton, pour la taille et la pose de pierre naturelle. Cette estimation est réduite de moitié dans le cas de pierre de béton.

Le coût de la pierre de parement de silice (aux tons allant du gris à l'ocre) varie entre 4$ et 8$ le pied carré, calcule Richard Beaudin, représentant chez Carrières Ducharme.