Le domaine Cataraqui, récemment rénové, se révèle comme un carrefour entre l'histoire et la modernité. Un mariage subtil qui met en valeur le caractère d'époque de la maison officielle du gouvernement du Québec. Mais une union qui pourrait toujours être révoquée si le domaine, rare témoin de la présence anglaise à Québec, venait à changer de vocation.

La villa et les neuf dépendances du «jardin hôtelier» de Sillery, qui se trouvent sur la propriété de 9,7 hectares, ont pour la plupart plus de 150 ans. Le domaine a été créé sur la falaise qui domine le fleuve Saint-Laurent pour le marchand de bois James Bell Forsyth, en 1831. Pourquoi Cataraqui? Il s'agit d'une variation du mot Katarokwen, employé par les Iroquois pour désigner les terres de la ville de Kingston, en Ontario, lieu de naissance de Forsyth. Mais c'est plutôt le deuxième propriétaire du domaine, Henry Bustall, du même métier, qui a fait ériger la plupart des bâtiments.

En 2008, un investissement public-privé de 9,4 millions $ a été alloué pour la rénovation du bâtiment principal, la construction d'un nouvel édifice ainsi que la restauration des jardins. Le nouveau domaine, inauguré en septembre 2010, a été annexé à l'École hôtelière de la Capitale dans une visée de formation en restauration. La propriété peut également être louée pour divers événements.

C'est avant tout le passage de la dernière propriétaire, Catherine Rhodes, décédée en 1972, et de son mari, le peintre Percyval Tudor-Hart, que l'on peut revivre à l'occasion des nouvelles visites guidées offertes par la Commission de la capitale nationale du Québec, propriétaire des lieux. Une petite incursion dans l'univers des «derniers victoriens», comme se plaît à les présenter Frédéric Smith, historien à la Commission.

Les architectes paysagistes de l'époque ont été fortement inspirés par le mouvement pittoresque né chez les peintres italiens. L'idée était de revenir à la nature, en opposition aux géométriques jardins français. Les couleurs de revêtement - comme la brique écossaise beige d'origine - se fondent aussi au paysage.

Pour l'ajout d'une autre entrée nécessaire à la nouvelle vocation de l'endroit, les concepteurs ont opté pour un style contemporain qui respecte le caractère de la villa. L'addition, à l'arrière, est réversible, si on souhaite un jour revenir au volume original.

Le Soleil, Erick Labbé

Voici le grand salon du Domaine Cataraqui, voisin du jardin d’hiver, rempli de plantes. On remarque alors le premier des nombreux manteaux de cheminée imposants de la demeure.

Toujours en évolution

À l'entrée principale - située du côté du fleuve, à la méthode anglaise - , le visiteur est accueilli par un «lustre» de cocottes suspendues. On se dirige d'abord à gauche, au grand salon, voisin du jardin d'hiver, rempli de plantes. Les opulentes fioritures des débuts, en plâtre, sont toujours ancrées aux très hauts plafonds. On remarque alors le premier des nombreux manteaux de cheminée imposants de la demeure.

Le plus impressionnant, toujours d'origine, en marbre rose d'Italie, se trouve dans l'ancienne salle des hommes, située de l'autre côté de l'entrée principale. Posé dessus, un gigantesque miroir dont l'étain a été légèrement attaqué : «Des traces de doigts historiques!», souligne M. Smith.

Les femmes aussi avaient leurs quartiers privés. Une fenêtre givrée, dont une partie a été préservée, empêchait les employés de pouvoir voir les dames «s'adonner aux plaisirs de la boisson et de la cigarette» de l'extérieur, indique l'historien.

Les pièces étaient jadis généreusement garnies, au goût anglais. Ce sont aujourd'hui des oeuvres d'artistes contemporains du Québec, prêtées par le Musée national des beaux-arts, qui ornent plusieurs murs.

Avant que les étudiants en hôtellerie puissent profiter de la demeure, une spacieuse cuisine moderne a été ajoutée au bâtiment historique. Le minutieux agrandissement, toujours réversible, permet d'ailleurs de voir les anciens murs extérieurs en brique en se dirigeant vers les fourneaux.

Sous ce monument se cache également une «salle des machines» au goût du jour: le domaine fonctionne aujourd'hui majoritairement grâce à la géothermie.

Le Soleil, Erick Labbé

Le nouveau Domaine Cataraqui, inauguré en septembre 2010, a été annexé à l’École hôtelière de la Capitale dans une visée de formation en restauration.

À l'étage

Les chambres des derniers occupants, transformées en salles de réunion, se trouvaient au premier étage. Quelques meubles anciens y logent encore. L'ancien mobilier de la maison a d'ailleurs été retouché par les étudiants du Centre de formation professionnelle de Neufchâtel. On remarque notamment une desserte en acajou, de style Régence, du XIXe siècle et un buffet de la même essence, de style George III, qui appartenaient tous deux aux derniers propriétaires.

Dans le nouveau boudoir, on trouve aussi un canapé victorien, de style néo-Louis XV en noyer produit par Phillippe Vallière, célèbre ébéniste de Québec, autour de 1860.

La visite guidée est offerte jusqu'au 30 octobre, sur réservation seulement (418 646-7986), et coûte 8 $ par personne.

lrichard@lesoleil.com

Le Soleil, Erick Labbé

Domaine Cataraqui: remarquez l’opulence de la rampe d’escalier menant à l’étage.