En ce samedi hivernal ensoleillé, Étienne et Marie-Élaine rendent visite à leur père, à la nouvelle maison familiale de Saint-Joachim-de-Shefford. Les enfants ne vivent pas avec leur père, pourtant, ils connaissent les lieux par coeur: ce sont eux-mêmes qui ont conçu la résidence. Une oeuvre familiale à tous les points de vue.

Le fils et la fille de Gaëtan Gibeault, qui entament la trentaine, ont choisi la même profession: l'architecture. Il y a quelques années, lorsque M. Gibeault a vendu son appartement du complexe Habitat 67, il souhaitait se construire une maison dans le bois. Et par-dessus tout, il voulait que ce soient ses enfants qui la conçoivent.

L'expérience a permis à la famille Gibeault de se rapprocher, car la construction d'une maison exige beaucoup de temps. Et ce temps, ils l'ont passé ensemble. «C'était aussi un projet de famille», explique l'aînée, Marie-Élaine. Pendant toute la conception, le père et les deux enfants se sont rencontrés au moins une fois par semaine. «Ça nous donnait l'occasion de nous voir. On soupait ensemble, et après on parlait de la maison.»

Reste que les décisions à prendre ont donné lieu à des échanges musclés au coeur de la famille Gibeault. Car le frère et la soeur ont beau partager les liens du sang, leur vision de l'architecture n'en est pas moins différente. Étienne est davantage rationnel que sa soeur. «Moi, je suis un peu plus exubérante, lance Marie-Élaine. J'avais tendance à vouloir faire de grands espaces, mais mon frère me ramenait sur Terre.»

Aussi, Étienne a insisté pour que la résidence contienne une seule chambre d'amis, «pour ne pas construire une monster house inutilement». Sauf qu'il doit vivre avec les conséquences de ses beaux principes: lorsque les enfants passent le week-end à Shefford, c'est lui qui hérite du canapé!

Suivre la rivière

La rivière qui traverse le terrain a servi de guide aux jeunes designers pour l'implantation de la maison. «Il y a une notion de parcours, explique Marie-Élaine. La maison s'incline pour suivre l'emplacement du cours d'eau.» En effet, la résidence est constituée de deux volumes placés à angle différent, reliés par un pivot central, l'entrée.

D'ailleurs, on sent constamment la présence de la nature, même à l'intérieur des murs. Celle-ci s'invite sans gêne dans la maison, puisqu'aucun rideau n'habille les fenêtres. Les concepteurs estiment que le paysage à lui seul constitue un décor bien suffisant. Le père opine du bonnet. «Je me compte chanceux de vivre dans une maison qui n'a pas de rideaux», dit celui qui adore s'endormir, l'été, avec le son de la chute.

La maison est en effet sise sur un site exceptionnel, en pleine nature. L'inconvénient: pour la construire, il a fallu couper des arbres. Qu'à cela ne tienne, une solution a été trouvée pour rendre cette réalité moins crève-coeur: le bois utilisé pour la façade a été récupéré des arbres qui se trouvaient sur le terrain.

Si aujourd'hui, les Gibeault profitent de leur belle grande maison, ils se souviendront longtemps des efforts qu'elle leur aura coûtés. Lors du processus créatif, quand les visions du frère et de la soeur s'entrechoquaient, c'est le paternel qui tranchait. Mais maintenant, les enfants s'entendent plutôt bien sur un aspect: taquiner leur père sur ses choix de décoration!

Photo: Marco Campanozzi, La Presse

Le fils et la fille de Gaëtan Gibeault, qui entament la trentaine, ont choisi la même profession: l'architecture.