«Se passer des architectes, de nos jours, pour créer des petits projets résidentiels collectifs et des maisons unifamiliales isolées est un non-sens», s'impatiente le président de l'Ordre des architectes du Québec (OAQ), André Bourassa.

Ce dernier prenait la parole, récemment, lors de la cérémonie de lancement du livre Architecture et habitat collectif au Québec, tenue à l'École d'architecture de l'Université Laval.

Les sols, le zonage, l'efficacité énergétique, le bon emploi de l'eau, l'utilisation de matériaux sains et durables, la correspondance sûre aux besoins des acheteurs, la fragilité des écosystèmes, le respect des paysages naturels et urbains aussi bien que du patrimoine collectif, l'intégration des résidences à l'environnement tout en étant créatives et le renouvellement du design auquel les jeunes générations aspirent sont autant de raisons qui fondent, selon lui, l'intervention impérative des architectes.

Ainsi regrette-t-il que des maisons non contiguës - de la plus petite à la plus grande - puissent être conçues «sans qu'absolument, absolument aucune compétence ne soit requise». Étonnant, a-t-il laissé tomber, que cela puisse être encore dans une société aussi développée que la nôtre.

«Les enjeux sont aujourd'hui trop importants en termes environnementaux, économiques et sociaux pour que le résidentiel soit ainsi laissé pour compte. Dans certains pays européens, il n'y a pas un mètre carré à construire qui n'oblige pas l'implication d'un architecte», a-t-il dit.

Trois principes

D'un autre côté, trouve-t-il, trop d'acteurs de la cité - élus, responsables municipaux, promoteurs et même habitants - oublient que la diversité architecturale est une richesse. «Richesse liée, par ailleurs, aux trois principes fondateurs de l'architecture que sont la durabilité, l'utilité et la beauté», a-t-il soutenu.

À plus forte raison dans les grandes agglomérations, où désormais on doit vivre heureux près des services, dans des espaces urbains moindres tout en employant sa voiture le moins possible.

Les architectes, rappelle-t-il, sont aptes à imaginer des lieux humanisés et agréables pour ceux qui y vivent, y travaillent, y circulent ou s'y divertissent. Il se félicite, que le livre Architecture et habitat collectif au Québec en soit une brillante illustration.

La Loi des architectes est actuellement en révision, révèle-t-il. Dans la construction de résidences unifamiliales et multifamiliales de quatre logements et moins, les architectes ne sont pas un passage obligé. Il n'en revient pas.

Or, l'Ordre voudrait qu'ils soient davantage partie prenante. En tout cas, pour les maisons de 170 mètres carrés et plus. Hélas! confie-t-il, l'Association provinciale des constructeurs d'habitation (APCHQ), représentative de la grande majorité des entreprises de construction résidentielle du Québec, ne l'entend pas ainsi. «Elle s'y oppose au motif qu'il s'agit d'un luxe qui ne doit pas être imposé à tout le monde», déplore M. Bourassa.

Quel luxe?

Luxe, mais lequel? se demande-t-il. Alors qu'il est de notoriété que les honoraires d'un architecte, surveillance des travaux compris, se paient tout seuls, ainsi que le plaidait, pour sa part, dans Le Soleil du 27 novembre, l'architecte Michel Achard, de Québec.

Car l'espace, disait-il, est mieux distribué, les vices de construction très improbables, les matériaux précis et opportuns, le style et les revêtements à l'abri des modes et des fautes de goût. Puis, insistait-il, nulle perte d'argent appréhendée pour remettre les lieux à niveau, ni soucis afférents, ni gaspillage de temps, ni guerre des nerfs.

Quant à la garantie obligatoire des bâtiments résidentiels neufs, reprend M. Bourassa, elle n'a d'utilité que lorsque le mal est fait alors que l'architecte, à la source, va au-devant.

Enfin, l'Ordre, eu égard à la révision de la loi, réclame que le champ d'exercice des architectes couvre aussi la surveillance des chantiers de sorte que toute réalisation soit faite scrupuleusement selon leurs plans et devis. «Voilà ce qui serait une façon simple d'améliorer ce qui se bâtit au Québec», conclut le président de l'OAQ.