La semaine dernière, le cahier Mon Toit abordait la question de la difficile cohabitation des architectures moderne et patrimoniale au sein d'un même quartier. Cette fois, nous nous intéressons au mélange des genres à l'intérieur d'une même maison. Comment conserver le caractère unique d'une demeure centenaire tout en la rénovant en adoptant un style très moderne? Une jeune firme d'architectes a trouvé la réponse.

Une maison de 1910, avec un charme suranné: planchers à carreaux noirs et blancs, moulures de bois travaillées, large fresque dans les escaliers. Aujourd'hui, tous ces éléments anciens côtoient, comme si de rien n'était, une cuisine et un séjour d'une grande modernité dans des tons de noir et de blanc. Et les deux époques cohabitent dans une harmonie parfaite.

Lorsqu'il a acquis la maison du Mile End, il y a deux ans et des poussières, le jeune couple propriétaire vivait à l'étage supérieur seulement. Car malgré la beauté des lieux, le rez-de-chaussée était rempli de courants d'air.

«C'était mal isolé. Les propriétaires ne venaient jamais à cet étage parce qu'il y faisait trop froid», explique Maxime Moreau, un des architectes du bureau montréalais Open Form, qui a travaillé à la conception des lieux.

Le couple avait une seule exigenceau départ: que les planchers soient noirs. Pour le reste, les architectes ont eu... carte blanche!

Photo: Ivanoh Demers, La Presse

Les architectes ont voulu préserver le caractère historique du hall d'entrée. Les visiteurs peuvent donc admirer les larges moulures de bois, le grand escalier ainsi que le plancher noir et blanc d'origine. Grâce à la double porte pliée à 90 degrés au fond du hall, le regard peut porter directement vers la cuisine et le jardin.

Le rez-de-chaussée est devenu un vaste espace public, parfait pour recevoir les amis. «Il y a beaucoup de va-et-vient ici, poursuit Maxime Moreau. Leur idée, c'était de créer un grand living-room pour tous leurs invités.»

Les architectes se sont donc mis à la table à dessin. Pas question pour eux de toucher au charme intrinsèque des lieux. «On a voulu préserver l'histoire du bâtiment», explique Maxime Moreau. Toutefois, les espaces publics sont devenus beaucoup plus jeunes, plus contemporains, dit-il. «Tout en respectant les matériaux, les couleurs et les tonalités», précise l'architecte.

Pas question, non plus, de retirer la fresque au milieu du grand escalier de bois. L'histoire raconte qu'elle aurait été dessinée par la maîtresse de l'ancien propriétaire, qui était portugaise. D'ailleurs, les nouveaux occupants reçoivent parfois de drôles de visites: des membres de la communauté portugaise qui demandent à entrer pour admirer la peinture...

Quand on arrive sur les lieux, on pénètre en premier dans le grand hall aux arches de bois. «On voulait d'abord faire vivre aux gens l'expérience du hall, la vue sur la peinture, les escaliers», poursuit Maxime Moreau.

Photo: Ivanoh Demers, La Presse

La maison a déjà appartenu à Raoul D. Gadbois, qui a entre autres servi comme conseiller municipal à la Ville de Montréal de 1947 à 1950. Les propriétaires actuels ont retrouvé, au sous-sol, toutes sortes de vestiges témoins de l'ancienne vie de leur demeure. On en voit quelques exemples sur la table du salon.

Le hall offre tout de même une percée visuelle sur la cuisine et le jardin à l'arrière. L'effet est possible grâce à une double porte, placée en coin. Pour élargir l'ouverture, les architectes ont déplacé une porte située sur un autre mur, et l'ont installée à 90 degrés par rapport à l'ouverture existante. Ils ont ainsi dégagé une perspective en coin vers la cuisine. «C'est comme si on avait fait un pli dans une double porte, illustre l'architecte. Aussitôt qu'on rentre à l'intérieur, la maison s'ouvre vers le jardin, qui emmène toute la lumière naturelle.»

Une fois dans la cuisine, on se retrouve dans un autre univers. «On rentre dans un environnement qui a un nouveau langage, contemporain», explique Maxime Moreau. La pièce est ceinturée par de larges marches, qui peuvent également jouer le rôle de banquette. «Les gens peuvent s'asseoir un peu partout sur les bancs et même jouer de la musique ici, ça devient comme un lounge», poursuit-il.

Il existe un passage dans la cuisine pour accéder au séjour. Il était important pour les architectes qu'on puisse circuler partout dans la nouvelle partie, sans avoir à retourner dans l'ancienne. Ainsi, les deux mondes sont indépendants, tout en offrant constamment une vue l'un sur l'autre.

Photo: Ivanoh Demers, La Presse

Le salon fait partie de la section «contemporaine» de la maison. Les architectes ont tout de même préservé le foyer d'origine.