Tout au long de sa carrière au gouvernement, l'historien et photographe Pierre Lahoud a voulu sensibiliser les citoyens du Québec à la question patrimoniale. Il prêche toujours aujourd'hui pour un développement en harmonie avec l'environnement, se positionne contre l'étalement urbain, s'insurge contre ces maisons-monstres qui défigurent les paysages. Et il continue à défendre son point de vue, vu des airs.

À la mi-septembre, l'association Amis et propriétaires de maisons anciennes du Québec (APMAQ) a décerné à Pierre Lahoud son prix Robert-Lionel-Séguin pour souligner l'ensemble de sa carrière. Aujourd'hui à la retraite, M. Lahoud a été engagé au ministère québécois de la Culture dès la fin de ses études en histoire. On ne connaissait pas beaucoup le patrimoine à l'époque, souligne-t-il, «on ne s'intéressait qu'aux maisons du régime français». Pendant cinq ans, l'homme a travaillé au «macro-inventaire» du Québec, un registre de photos aériennes de la province. Une période pendant laquelle il a pris goût à la photo.

Dans les années 90, l'historien se consacre aux grands dossiers patrimoniaux. Résidant de l'île d'Orléans, il devient responsable du territoire insulaire. Il s'occupe notamment du dossier de la restauration de la maison Drouin. Construite en 1731, cette dernière était dans un «état de délabrement épouvantable». Le travail de restauration «devait quasiment se faire avec un bistouri». Mais cette maison qui n'a jamais été modernisée est en soi unique au Québec. «En 1984, ils n'avaient toujours pas de toilettes à l'intérieur!» illustre-t-il. Dans le Vieux-Québec, M. Lahoud s'implique dans le projet de lieu de mémoire habité du Monastère des Augustines, toujours en réalisation.

Pourquoi revaloriser les constructions à la dérive? Ces bâtiments patrimoniaux font tant partie de la culture que du paysage québécois, défend M. Lahoud. Pour la conscientisation, aussi. «Les gens avaient une façon harmonieuse d'intégrer les bâtiments aux paysages» contrairement aux «garages à trois places» d'aujourd'hui, que l'historien a en horreur. «On ne sensibilise jamais assez!»

Pierre Lahoud a aussi oeuvré pour la restauration du manoir Dionne de Saint-Roch-des-Aulnaies. Il avait d'ailleurs entrepris de revivifier les places de l'église de cette même région. «Les places de l'église au Québec sont mortes, avec leurs grands stationnements.» Il tente donc d'y faire reculer l'asphalte et de verdir les lieux, comme à l'Islet, par exemple.

Beauté aérienne

La photographie, qui était d'abord une passion pour Pierre Lahoud, est devenue sa «deuxième carrière». Un de ses premiers livres de photo aérienne, sur l'île d'Orléans, a servi à «glorifier le patrimoine de l'île» pour ses habitants. Un succès, croit-il. Et c'est aussi ce projet qui lui a donné le goût de continuer sa carrière d'auteur, en collaboration avec le géographe Henri Dorion.

Pour M. Lahoud, «s'envoler est un bonheur indicible». Les couleurs des champs, le «graphisme dans la façon de faire des agriculteurs» et l'aménagement du territoire le fascinent. Mais les moments favorables à la photographie aérienne sont très rares dans l'année, une vingtaine de jours, dit-il. Lundi, lorsque Le Soleil l'a rencontré, était l'une de ces journées parfaites. Ensoleillée, pas de smog, pas trop de vent.

Des airs, il trouve la ville de Québec extraordinaire avec son réseau de fortifications. «Elle est faite comme une ville européenne du XVIIIe siècle; une ville à deux étages.» Le haut de la ville est consacré à l'institutionnel - les pouvoirs municipaux, le parlement, les monastères - et les commerçants se trouvent en bas. Pierre Lahoud ajoute aussi que la Citadelle de Québec ne peut être appréciée que du ciel.

L'historien souligne d'autre part qu'il y a des «choses laides au sol» qui deviennent très belles vues du ciel. Les stationnements, par exemple, lorsqu'ils sont remplis de voitures, offrent des jeux de couleurs et de formes remarquables. Ou encore les puits de mines à ciel ouvert qui, remplis d'eau, sont aussi turquoises que les mers du Sud.

Depuis le début de sa carrière, il y a 35 ans, M. Lahoud a remarqué «une belle évolution de la sensibilisation au patrimoine». Il ressent aujourd'hui une encourageante réceptivité de la part des citoyens. Mais le travail n'est pas fini; il voit encore des constructions qui l'horripilent, des «atteintes aux paysages», même dans les coins reculés de la province. «Je devrais peut-être faire maintenant un livre sur les maisons les plus laides du Québec!» blague-t-il.

M. Lahoud parachève ces jours-ci avec M. Dorion un recueil mettant en vedette les plus beaux belvédères du Québec. Des points de vue qui ne nécessitent cette fois pas de vols en avion, mais qui permettent de poser un regard inusité sur nos habitations et paysages.

lrichard@lesoleil.com

Photo: Laetitia Deconinck, Le Soleil

Pierre Lahoud