Certaines sont revêtues de bois. D'autres de briques rouge vif ou de pierres des champs. Tantôt elles nous émerveillent avec leurs jolies corniches et leurs séduisantes alcôves. Tantôt on jette un regard vers leurs ornements victoriens. Et parfois, ce sont leurs toits en forte pente qui captent notre attention. Symboles d'une riche histoire, les maisons ancestrales pullulent dans les Cantonsde-l'Est. Nous vous proposons durant la saison estivale de visiter quelques-uns de ces chefs-d'oeuvre architecturaux.

Au téléphone, François Gosselin définit sa maison comme «une vieille grosse maison bourgeoise». Mais la réalité est plus sophistiquée que cela.

En plein coeur du village, la maison Spencer, comme l'appellent les gens du coin, a de quoi faire des jaloux. Massive, faite de granit et de pierre des champs, elle trône en haut d'une colline sur un vaste terrain en bordure de la rivière aux Brochets. Sur l'autre rive, le vieux moulin de Frelighsburg, devenu aujourd'hui résidence privée, offre une vue splendide.

«Il n'y en a pas beaucoup des maisons comme ça, avec un tel terrain et un site enchanteur», affirme M. Gosselin, 49 ans, qui possède aussi l'unique épicerie de la municipalité. Difficile de le contredire.

À l'intérieur, on ressent toute l'opulence de la bourgeoisie marchande du 19e siècle. Dans le vestibule, un imposant escalier surmonté d'une arche mène au 2e étage. Et les quelque 15 pièces de la demeure, qui comprend deux salons, quatre chambres à coucher, six salles de bain et une salle de jeux, sont décorées avec un souci qui allie confort et histoire.

Comme en font foi les meubles de la salle à manger, qui datent de 1880, les armoires au teint acajou de la cuisine et la grande cheminée centrale qui servait jadis de four à pain.

M. Gosselin et sa conjointe Johanne Tittemore n'ont pas regardé à la dépense pour redonner son lustre à la maison de style néo-gothique construite en 1855. Ils ont entre autres fait refaire les pierres extérieures, ajouté une galerie à l'arrière, arraché le carton qui recouvrait les plafonds pour redonner vie au bois qui était en dessous et repeint et retapissé les murs pour leur donner plus de clarté. Une cave à vin est aussi en préparation dans l'ancienne chambre à fournaise.

Signification

Il faut dire que le 20, rue Principale revêt une signification toute spéciale pour M. Gosselin. Il y a passé toute sa jeunesse. C'est de son père, Yvanho Gosselin, commerçant lui aussi qu'il a racheté la maison en 2003.

De son enfance, l'homme d'affaires se souvient particulièrement des soupers «où il y avait toujours une vingtaine de personnes». «Mon père était très généreux, dit-il. À Noël, il invitait des gens plus pauvres à réveillonner avec nous.» L'étendue de la bâtisse permettait aussi de furieuses parties de cache-cache.

C'est le destin qui a permis à M. Gosselin père, originaire de Black Lake, d'acquérir la demeure puisqu'à l'époque «les Anglais ne vendaient pas leurs maisons aux Français», dit son fils. Il l'a achetée en 1961 d'une dame de Montréal qui, elle, en avait pris possession à la faveur de son nom de famille à consonance anglophone.

Avant elle, la maison a longtemps appartenu aux Spencer, une riche famille du coin dont l'un des membres, Elyah Spencer, a été député et président de la Société d'assurance Missisquoi-Rouville, qui avait jadis son siège social à Frelighsburg. La chaumière servait alors d'hôtel et de bar.

Les bâtisseurs de la demeure ont toutefois été la famille Baker, originaire de Stanbridge East. Mais ceux-ci n'y ont jamais habité puisque, foi de M. Gosselin, la construction s'est avérée plus coûteuse que prévu et ils ont fait faillite.

En effet, chaque pierre a été transportée en traîneau de l'Estrie et du Vermont à la faveur de l'hiver, et elles ont toutes été taillées par des francs-maçons. Leur symbole est d'ailleurs visible sous l'arche qui surplombe le balcon du 2e étage, à l'avant.

Comme quoi la maison Spencer n'a peut-être pas encore révélé tous ses mystères.