«L'espèce humaine s'est avérée incapable de bien gérer le bien commun» qu'est la planète, explique l'architecte Rune Kongshaug; son projet de «maison productive» s'attaque à cette insuffisance. Pour y parvenir, il met en oeuvre un ensemble de moyens technologiques et organisationnels qui visent à réduire l'empreinte écologique que laissent ses habitants sur leur environnement.

Car cette maison s'occupe évidemment de loger des humains, mais veut aussi gérer leur alimentation et les moyens de transport qu'ils utilisent. Dans ce sens, elle «produit» de la valeur pour ses propriétaires: un logement construit pour laisser le moins d'impact sur l'environnement, une utilisation parcimonieuse des ressources, le recyclage et la réutilisation des biens de consommation, le transport assuré par des moyens légers, l'intégration dans une communauté élargie, un design contemporain. Elle produit même, pour la Ville, des revenus de taxation onze fois supérieurs à l'immeuble qu'elle remplace!

 

Cette maison n'a pas recours à de nouvelles technologies mais assure l'intégration de presque tout ce qu'on reconnaît aujourd'hui comme «vert»: géothermie, efficacité énergétique grâce à une isolation supérieure et une orientation plein sud qui fait profiter des largesses du soleil, cueillette de l'eau de pluie et récupération des eaux grises, chauffage de l'eau par des panneaux solaires.

 

Photo: André Pichette, La Presse

Plutôt sobre, la façade reprend de façon stylisée le langage architectural des habitations voisines.

En plus, la Maison productive est un prototype de «ferme urbaine» qui consacre une partie de sa cour intérieure et de son toit à la culture de légumes, d'herbes et de fruits, une illustration concrète du slogan vert «produire localement, consommer sur place». Même les déchets végétaux sont récupérés pour faire du compost qui sera utilisé pour la culture.L'entrée cochère est un poste de stationnement pour deux des voitures de Communauto, accessibles aux habitants de la maison mais aussi aux voisins. La piste cyclable passe tout près, un abri pour 16 vélos est installé dans la cour; avec la station de métro Charlevoix à trois minutes de marche, les occupants de la Maison productive sont amplement desservis côté transport.

Les nouveaux occupants de la maison deviennent les habitants d'un quartier auquel ils doivent s'intégrer harmonieusement. Rune Kongshaug a trouvé un truc ingénieux pour faciliter cette intégration: il a construit au sous-sol de sa maison un four à pain qui sera éventuellement utilisé par un boulanger. L'espace sur rue actuellement occupé par le bureau de l'architecte deviendrait ainsi la boutique du boulanger, ouverte au quartier. 

Les escaliers intérieurs en métal des maisons de ville disparaissent presque dans l'abondante lumière provenant des balcons et terrasses.

«Maintenant, on va voir si ça marche», laisse tomber Rune Kongshaug, architecte professionnel. Six des huit unités d'habitation (trois maisons de ville sur quatre étages, cinq appartements) sont vendues, des familles sont installées, lui-même et sa conjointe occupent un des appartements, tandis que des ouvriers mettent la dernière main aux travaux.Malgré les apparences, cette maison n'est pas une commune pour hippies. Comme dans toutes les copropriétés, un certain nombre de services sont gérés collectivement; l'entretien régulier est confié à une firme extérieure, mais la gestion des serres (et du sauna, adjacent et complémentaire) et de la boulangerie sera assumée par une coopérative autonome. Cette maison, quasi révolutionnaire, amène ses habitants à traverser le miroir social: ils quittent le rôle de consommateurs passifs d'espace de vie pour celui de producteurs de valeurs d'avenir pour la planète.

Les appartements au design contemporain sont lumineux et dégagés.

La grande question maintenant: est-ce que les gens peuvent changer assez pour s'intégrer harmonieusement dans ce nouvel environnement? Optimiste, mais pas naïf, le promoteur a installé dans son édifice tout un système de monitoring capable de mesurer avec la plus grande précision comment vit la maison et comment se comportent ses occupants par rapport aux objectifs sociaux et économiques du projet. On a pu ainsi connaître précisément le type de consommation d'énergie des occupants de chacune des unités d'habitation, et leur faire parvenir une facture à l'avenant... ce qui les a amenés à modifier leur manière de vivre la vie quotidienne.

LA MAISON PRODUCTIVE EN RÉSUMÉ

Caractéristiques:

Géothermie

Solaire passif maximisé

Cueillette de l'eau de pluie

Traitement des eaux grises

Sauna

Serres

Composteur toutes saisons

Jardin maraîcher et verger

Four à pain professionnel

Salle de repos isolée

Laveuses et sécheuses communes

Terrasse de culture extérieure sur le toit

Certification LEED platine à confirmer

Superficie des unités d'habitation:

De 860 à 1580 pieds carrés

Photo: Ivanoh Demers, La Presse

Un four à pain traditionnel en brique est installé et fonctionnel. Il attend la venue d'un artisan-boulanger et de sa boutique.

Prix:

De 260 000$ à 550 000$

Quelques-uns des artisans du projet:

Rune Kongshaug, designer principal et chargé de projet

Kareen Smith, styliste design intérieur et finition

André Fiset, entrepreneur général

Marc-André Ravary, ingénieur mécanique et environnemental

Pour en savoir plus

Sur le projet: www.maisonproductive.com

Sur le studio de design: www.produktif.com

Photo: Ivanoh Demers, La Presse

Au sous-sol, les résidents ont la possibilité d'utiliser une buanderette commune qui jouxte une salle de méditation, ici séparées par un mur oeuvre d'art fait de bouteilles de verre recyclées.