Je suis assis à ma table à écrire, mais aussi, par pauses successives, je regarde les glaces qui bougent doucement sur le Saint-Laurent. Le soleil décline et l'eau du fleuve semble presque turquoise, comme celle d'un lac dont l'eau vient d'un glacier. Je contemple depuis un «morceau» d'architecture ce paysage unique. Le temps semble accroché aux glaces et s'écoule très lentement, quel bonheur.

Je suis assis à ma table à écrire, mais aussi, par pauses successives, je regarde les glaces qui bougent doucement sur le Saint-Laurent. Le soleil décline et l'eau du fleuve semble presque turquoise, comme celle d'un lac dont l'eau vient d'un glacier. Je contemple depuis un «morceau» d'architecture ce paysage unique. Le temps semble accroché aux glaces et s'écoule très lentement, quel bonheur.

La semaine dernière, j'ai participé à une table ronde organisée par l'Institut Goethe de Montréal dans le cadre des Mardis verts de l'Ordre des architectes du Québec. Deux autres architectes avaient été conviés à la même table pour discuter de «l'architecture lente», un concept dérivé du «slow food», en opposition au «fast food». La première est Dominique Gauzin-Müller, architecte française bien connue pour la rédaction de livres, dont 25 maisons écologiques et 25 maisons en bois, et commissaire de l'exposition sur le développement durable en architecture présentée à partir du mois de mai à la Cité de l'architecture et du patrimoine, à Paris. Le deuxième, Michael Gies, a conçu des immeubles d'habitation à très faible consommation d'énergie dans «l'écoquartier» novateur Vauban, à Fribourg, en Allemagne.

J'ai exposé l'idée aux participants de la table ronde que, bien sûr, l'architecture change notre rapport à l'espace, mais aussi au temps. Il y a des espaces, des lieux qui ont presque le pouvoir de dilater le temps. On a l'impression que l'on y savoure l'instant avec plus d'intensité. Nos sens nous indiquent que nous sommes dans un état de bien-être. Le lieu nous apaise, a un effet nourrissant pour tout notre être. Ce sont, la plupart du temps, si l'on parle d'architecture, des espaces en harmonie avec leur environnement.

Pour revenir sur le parallèle avec la restauration rapide, le fast food est une nourriture que l'on mange à une vitesse accélérée, sans vraiment la goûter, dans un lieu inconfortable. Elle produit une grande quantité de déchets (papier, styromousse) et la plupart du temps, elle n'est pas vraiment recommandée pour la santé. Elle peut sembler profitable à court terme, mais a des effets toxiques à long terme. Le slow food est donc l'opposé. C'est une nourriture associée à une région, qui fait appel à des produits locaux, qui est en harmonie avec le climat et les habitudes régionales et qui, d'une certaine façon, s'inscrit dans la culture. Avant de la manger, on prend le temps de choisir les aliments, de les cuisiner, de les savourer au cours d'un bon repas entre amis.

En architecture, il y a aussi des espaces toxiques et mal adaptés. Ce sont des espaces réalisés rapidement, sans intérêt, qui consomment souvent un maximum d'énergie et qui ont un effet nuisible sur les occupants.

Processus intégrateur

Michael Gies, a décrit le processus vertueux de ce que l'on pourrait appeler «l'architecture lente». Ce ne sont pas nécessairement des projets que l'on fait lentement, mais ce sont des projets où on prend le temps de penser à la meilleure façon de créer un maximum d'effets positifs avec le minimum d'efforts et d'énergie. Il nous a donné l'exemple de l'analyse des besoins et leur quantification en termes d'espace au début du projet. Si on l'a fait trop vite, on a souvent un résultat final qui ne correspond pas aux véritables attentes : espaces trop grands, mal localisés, consommant trop d'énergie, et cela pour longtemps.

Pour obtenir un bon projet, il n'y a pas de pensée magique, mais il est bien de penser à un processus intégrateur qui permet, à chacune des étapes d'avancement, de faire les choix les plus judicieux.

J'ai aussi demandé à Dominique Gauzin-Müller de me décrire un projet du Vorarlberg, une région autrichienne d'un peu plus de 300 000 habitants où l'on met en place des projets architecturaux d'une grande qualité avec une vision écoresponsable exemplaire. Elle m'a alors parlé du centre communautaire de Ludesch de l'architecte Hermann Kaufmann, qui a remporté le premier Global Award de l'architecture durable en 2007 et qui s'inscrit parfaitement dans le concept d'architecture lente. D'abord, ce projet a une valeur ajoutée sur l'ensemble de la ville, puisqu'il intègre la mairie, une garderie, une bibliothèque, la salle des associations ainsi qu'un bureau de poste et un café. Il favorise les rencontres des gens de tous les âges autour d'une vraie place publique. On y retrouve également l'arrêt des autobus, des supports à vélo, etc. Le bâtiment a une grande efficacité énergétique, il valorise les énergies renouvelables comme la géothermie et les capteurs solaires. Il est construit de matériaux locaux, dont le sapin blanc. C'est un bel ensemble architectural aux lignes pures, proportionné avec justesse et réalisé avec un grand soin des détails.

Le nouveau monastère des moines cisterciens, que j'ai conçu et qui sera achevé prochainement à Saint-Jean-de-Matha, témoigne d'une même démarche. Nous avons utilisé une structure de bois du Québec, un parement en cèdre de l'est, et privilégié la géothermie, des toits végétalisés. Le bâtiment s'inscrit harmonieusement dans le paysage. Il accueillera les pèlerins des environs et aussi les skieurs de fond. Dans ce cas, l'élaboration des plans aura nécessité autant de temps que la construction pour bien répondre aux attentes des moines.

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Pierre Thibault est architecte à Québec depuis plus de 20 ans. Professeur à l'Université Laval, il partage dans nos pages sa vision de l'architecture et son expérience du milieu de l'habitation.