Pour leur première maison, les architectes Nadia et Vladimir Topouzanov se sont offert des fleurs. Un tas de fleurs. Leur maçon leur a façonné d'immenses técomas avec des briques tricolores sur la façade et le côté de leur duplex. À l'arrière, un bouquet semblable, un vrai, court l'été dans une vigne le long de la clôture. Une touche champêtre, en plein coeur de Montréal, chez d'heureux propriétaires fourmillant d'idées.

Pour leur première maison, les architectes Nadia et Vladimir Topouzanov se sont offert des fleurs. Un tas de fleurs. Leur maçon leur a façonné d'immenses técomas avec des briques tricolores sur la façade et le côté de leur duplex. À l'arrière, un bouquet semblable, un vrai, court l'été dans une vigne le long de la clôture. Une touche champêtre, en plein coeur de Montréal, chez d'heureux propriétaires fourmillant d'idées.

  >> Visite guidée: faites le tour du propriétaire en photos.

 Le duplex du quartier Saint-Henri, à un jet de pierre de la rue Saint-Jacques, ne payait pas de mine. Le mur de côté couvert de graffitis et la brique abîmée de l'édifice n'inspiraient rien de bon aux visiteurs. Jusqu'à ce que les architectes Nadia et Vladimir Topouzanov se présentent. C'était la maison qu'ils attendaient. Ils lui ont fait une telle beauté qu'elle se retrouve finaliste aux Prix d'excellence 2007 de l'Ordre des architectes du Québec.

 «Vous verrez, vous n'aurez pas de mal à trouver la maison», nous a prévenue Vladimir Topouzanov au bout du fil. Il avait raison. L'adresse est tout à fait superflue.

Au bout d'une petite rue du quartier Saint-Henri, le duplex s'impose. Ses grandes fleurs de briques confirment au visiteur qu'il est bien devant la maison du duo d'architectes.

«Nous sommes tombés amoureux des fleurs qui poussaient le long de la vigne derrière la maison, explique Nadia Topouzanov. Tellement qu'on n'a pas pu résister à la tentation d'en couvrir notre maison.»

 >> En complément: Récupérer pour décorer

Les propriétaires ont donc fait agrandir une photo de técomas jusqu'à ce que la résolution ne soit plus adéquate. À l'ordinateur, les pixels formaient des petits rectangles... comme des briques. À partir de cette image, ils ont dessiné des plans (ils en on fait 52 versions!) pour le maçon.

«Nous avons hésité avant de nous engager dans ce projet, admet d'emblée Tullio Ricci, l'entrepreneur à la tête de Ricci et fils Construction. Nous avons passé plusieurs heures avec Mme Topouzanov à étudier les plans.»

 L'édifice, vieux d'une centaine d'années, n'allait pas rendre le travail des plus aisés. Les dimensions inégales des murs ont forcé les maçons à refaire constamment leurs calculs. En plein hiver, ils ont mis six semaines à compléter la mosaïque de briques.

«Ce fut au moins quatre fois plus long qu'avec un mur normal, poursuit M. Ricci. Il fallait compter chaque brique sur la façade pour accomplir le travail.»

Mais le résultat frappe. Les automobilistes ralentissent devant l'immeuble et des voisins le surnomment Poppyhouse (maison de pavot).

 En présentant leurs plans à la Ville de Montréal, les architectes s'étaient gardés de discuter de ces fleurs. Ils n'ont montré que les trois couleurs (orange pâle, orange brûlé et marron) qu'ils comptaient utiliser. Point.

«On ne nous demandait pas davantage d'informations», précise Vladimir Topouzanov, en regardant fièrement sa maison.

 Sans pour autant souhaiter que des fleurs poussent sur toutes les façades du quartier, l'arrondissement tolère l'originalité du couple de Saint-Henri. «Si les propriétaires utilisent les matériaux requis dans leur secteur, il est possible que de plein droit, ils nous fassent une surprise comme celle-là, explique Normand Proulx, directeur de l'aménagement urbain de l'arrondissement du Sud-Ouest. Cependant, nous allons sous peu modifier notre réglementation pour suivre d'un peu plus près les travaux importants comme ceux-ci.»

Nadia et Vladimir Topouzanov ont toutefois respecté les couleurs du quartier. Pas de rose ni de vert dans leur façade fleurie: ils ont plutôt opté pour les tons de terre, à l'instar de leurs voisins immédiats.

 «Je trouve le résultat très beau, conclut pour sa part Tullio Ricci. Les ouvriers ont eu la chance de faire quelque chose de délicat et d'artistique. Je n'ai pas eu la chance de faire un autre projet d'une telle ampleur.»

 

Des travaux colossaux

 L'apparence originale de la maison laissait présager de longues et âpres rénovations pour les nouveaux (et courageux) propriétaires. Ce n'était pas qu'une impression.

«Très vite, on s'est demandé: est-ce qu'on démoli l'édifice ou bien on le rénove? raconte Vladimir Topouzanov. C'est peut-être une déformation professionnelle mais, on a vu le potentiel de cette maison centenaire et on a tout gardé ce qui était possible de conserver.»

 «La maison était en très, très mauvais état, confirme sa femme Nadia. C'était ce qu'on voulait, mais ouf! il y avait du travail à faire!»

À l'extérieur, impossible de récupérer les briques fissurées, les parois et les balcons métalliques rouillés. Rien de bien inspirant non plus côté cour, dans le jardin encombré.

À l'intérieur, il leur a notamment fallu isoler à nouveau la maison, changer le plancher et les fenêtres, refaire les divisions, puis rajeunir la salle de bains et la cuisine. Une agitation qui a toutefois épargné l'escalier de bois d'origine.

 «Nous voulions tout de même garder l'esprit de la maison, précise Nadia Topouzanov. Elle a 100 ans d'histoire, il ne fallait pas l'oublier.»

Avec les collègues de Vladimir au bureau Saia Barbarese Topouzanov Architectes, le couple y est parvenu. À l'extérieur, il a conservé les feuilles d'érable en pierre insérées dans la brique, mais il les a disposées différemment. Les ouvertures de fenêtres de la façade aussi n'ont pratiquement pas bougé: les architectes n'ont déplacé que celle de la chambre principale, craignant la lumière dérangeante à la tête du lit le matin.

 À l'intérieur, le couple a divisé le rez-de-chaussée en deux: un coin bureau lumineux et un espace familial où l'on retrouve le salon, la salle à manger et la cuisine. Le soleil y entre sans gêne l'après-midi par les portes-fenêtres qui donnent sur la cour gazonnée.

À l'étage, la chambre principale compte une alcôve où le soleil entre le matin. La lumière y pénètre généreusement, et traverse une fenêtre intérieure jusqu'au rez-de-chaussée.

 Le soleil de l'après-midi, c'est le fils du couple qui en profite... sur sa terrasse personnelle. Par un escalier donnant sur la cour, il peut entrer en catimini la nuit tombée, sans réveiller ses parents.

Du rangement où il n'y en a pas

 Dans une construction neuve, Nadia et Vladimir Topouzanov auraient pu intégrer un sous-sol à la maison pour ranger leurs effets personnels. Dans ce duplex existant, il fallait faire preuve d'imagination. Ils ont trouvé l'espace manquant dans des modules de rangement intégrés sous l'escalier menant à l'étage.

Un classique? Peut-être, mais voici, sans exagérer, ce que ces placards contiennent: un garde-manger, un cellier, deux modules d'entreposage, une penderie, un espace pour la planche à repasser et le fer et... des toilettes.

 «Et il reste de la place!» ajoute M. Topouzanov en riant.

Dans la chambre principale, le couple a plutôt opté pour une cloison derrière le lit, ouverte de chaque côté. Les meubles volumineux deviennent donc inutiles, puisque tout est rangé derrière le mur, à l'abri des regards.

Nadia et Vladimir Topouzanov

Avant/après: En haut, voici la maison Saint-Henri avant de passer entre les mains des architectes Nadia et Vladimir Topouzanov. En bas, voici maintenant la même maison après les rénovations. L'arbre n'a malheureusement pas survécu.