Inscrit en 1985 sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO, le Vieux-Québec fait courir annuellement des millions de visiteurs vers ses charmes fortifiés. Dans la marée touristique, une poignée d'irréductibles résidants gardent le fort, conscients que leur présence est gage de vitalité pour ce quartier historique.

Inscrit en 1985 sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO, le Vieux-Québec fait courir annuellement des millions de visiteurs vers ses charmes fortifiés. Dans la marée touristique, une poignée d'irréductibles résidants gardent le fort, conscients que leur présence est gage de vitalité pour ce quartier historique.

«Une des raisons pour lesquelles la ville a été citée par l'UNESCO, c'est qu'elle est encore un milieu habité et vivant. Il doit y avoir un tissu de résidants complet et assez bien agrippé au sol», opine le président du Comité des citoyens du Vieux-Québec, Louis Germain, comparant la population à la végétation qui permet à la terre d'un talus de rester en place.

Lors du dernier recensement, en 2001, on comptait 6715 habitants dans le quartier Vieux-Québec-cap-Blanc-colline parlementaire. Un nombre assez restreint par rapport aux quelque 5 millions de visiteurs qui s'y arrêtent chaque année, selon les chiffres de l'Office du tourisme de Québec. Voyageurs comme résidants y trouvent les mêmes avantages: l'atmosphère inimitable des murs chargés d'histoire, le cachet des bâtiments... et la proximité des gens qui ont choisi de s'établir dans le coin, autant que de ceux qui le visitent pour un moment.

Colette Lachance habite le Vieux-Québec depuis 20 ans. «Et je ne le laisserais plus, affirme- t-elle. C'est trop beau. L'été, c'est formidable, il y a beaucoup d'activités. Je suis restée longtemps à Sainte-Foy et ici, l'accueil est différent, c'est moins individualiste», indique celle qui aime bien faire un brin de jasette avec les touristes qui déambulent dans son quartier. Pourtant, le voisinage n'a pas toujours été de tout repos aux yeux de Mme Lachance. «Les premières années ont été plus difficiles. Mes enfants s'inquiétaient de me voir habiter ici parce qu'il y avait plus de punks. Je n'ai rien contre eux, je reste de leur côté, mais ça faisait plus de grabuge», raconte celle qui a constaté une différence dans la dernière décennie. «Les appartements ont été rénovés, les prix ont monté et ç'a changé un peu le genre de locataires», explique-t-elle.

En famille dans le Vieux

Dans les années 70, des résidants du Vieux-Québec ont choisi de se réunir pour s'assurer d'avoir une voix dans les affaires de leur quartier. À l'époque, ils étaient préoccupés par la spéculation immobilière qui menait à la détérioration, voire à la disparition de bâtiments historiques, ainsi que par la prolifération des bars qui prenaient une place grandissante dans les rues étroites de la vieille ville. Une action qui a eu des conséquences positives, mais qui a également contribué, selon Louis Germain, à la mauvaise réputation du quartier chez les habitants des autres secteurs. «À certains moments, il y a eu plus de tapage, ce qui fait que les autres résidants de Québec pensent que vivre ici, ce sont des emmerdes. Il y a peut-être moins d'emmerdes quand on vit dans d'autres quartiers, mais il y a moins de plaisir, aussi!»

Le président du Comité des citoyens ne prend pas le temps de réfléchir avant de citer ces plaisirs: «C'est une société complète, où on trouve des riches et des pauvres, des gens intellectuels et d'autres qui le sont moins. Et sur le plan architectural, il y a de quoi à voir», résume-t-il. Et l'absence de terrain qui fait réfléchir à deux fois les jeunes familles? Louis Germain, qui a élevé ses quatre enfants dans le Vieux, la balaie du revers de la main. «Le gazon, ce n'est pas les enfants qui le réclament, ce sont les parents ! Quand on habitait sur la rue des Remparts, il y avait le cap, les fonds de cour... Tout le monde imaginaire que peuvent se créer les enfants, ils le trouvent aussi ici! Faut pas s'imaginer que la vie ici est une horreur !»

N'empêche qu'aussi pittoresque que puisse être le quotidien dans le berceau de l'Amérique française, il renferme aussi son lot de désagréments... Surtout pour ceux qui ne disposent pas d'une auto. Pour Christian Guy, rencontré au lavoir Sainte-Ursule, le manque d'épiceries intramuros ne constitue pas un grand obstacle: «L'avenue Cartier est à 10 minutes, pas besoin de voiture !» analyse-t-il.

Céline Dumortier, croisée rue des Remparts n'est pas du même avis. La jeune femme s'est dite attirée par le Vieux-Québec pour «son côté petit village et le cachet des maisons». Malgré l'ouverture récente de l'Épicerie de la côte, perçue comme une bouffée d'air frais, c'est l'éloignement des services qui la fera quitter le secteur. zÇa commence à être tannant», confie celle qui compte se trouver un nid dans Montcalm dès l'année prochaine.

Surprises

Les éventuels acheteurs qui souhaitent s'établir dans le Vieux-Québec peuvent s'attendre à avoir des surprises. La directrice générale de la Chambre immobilière de Québec, Gina Gaudreault, admet que vu l'âge des bâtiments et les particularités de l'arrondissement, les comparaisons avec les autres secteurs sont difficiles à établir. «On ne sait jamais ce qui se cache derrière ces murs et dans ces cours...» évoque-t-elle. À l'image de la taille du quartier, les transactions immobilières dans la vieille ville sont assez réduites. L'an dernier, 35 propriétés ont changé de mains.

«Ce qu'on remarque, c'est que c'est beaucoup de la copropriété, à 97 % environ. Il n'y a pratiquement pas d'unifamilial», évalue Mme Gaudreault. L'une des causes de ce phénomène, nous explique Louis Germain, est puisée dans l'histoire militaire du pays. En temps de guerre, la demande d'employés était forte à l'usine de munition du Vieux-Québec. Une convergence de travailleurs qui a mené à la division de nombreuses maisons en appartements. Lui-même propriétaire d'un immeuble de trois étages, rue Sainte-Ursule, datant de 1842, le président du Comité des citoyens du Vieux-Québec a choisi de redonner à sa propriété son air d'antan.

Sur les murs et les planchers de ce work in progress entrepris il y a une vingtaine d'années, on peut toujours déceler les signes des anciennes divisions. Seul le sous-sol est toujours aménagé en logement. «Mais si je gagne à la loterie, je reprends ma cave !» lance le proprio avec enthousiasme.