Ils ont grandi ensemble, mais ont pris des chemins professionnels différents. Sylvain est acériculteur, Nathalie est architecte, toutefois leur amour des rassemblements familiaux est le même. Ils ont conçu et bâti un chalet à leur image, rassembleur et fait pour recevoir beaucoup de monde.

Quand Sylvain Thibodeau a pris sa retraite comme producteur laitier, il y a une dizaine d'années, il était encore dans la jeune quarantaine. «Je n'étais plus capable, je travaillais sept jours sur sept, des heures de fou. Mais là, je me suis trouvé à n'avoir presque plus rien à faire. Je ne suis pas un gars qui reste assis dans le salon...»

Presque 10 ans plus tard, c'est dans son chalet construit de ses mains que Sylvain Thibodeau constate que, finalement, le début de sa «retraite» n'aura pas été oisif.

«On avait fait des réparations dans l'ancien [chalet], mais il tombait en ruine. Pour le fun, un dimanche, on s'est mis à parler d'un nouveau chalet, comment on verrait ça. Deux ou trois semaines après, Nathalie est arrivée avec un plan. C'est de là que tout est parti», dit-il.

En sa qualité d'architecte - et de soeur - , Nathalie Thibodeau s'était mise à la planche à dessin. «Sylvain avait un trip de faire un chalet pièce sur pièce.  Je lui ai dit "Go, mais on va le faire contemporain!"»

Ainsi, le bâtiment principal est parfaitement carré, avec un toit à deux versants, dans l'esprit des constructions traditionnelles. «Ensuite, on s'est donné la liberté d'amener de la contemporanéité avec la cuisine, le garage, et de lier tout ça ensemble. L'idée, c'était d'englober le joyau central par ces deux pavillons-là. C'est lui, ma pièce maîtresse», explique Nathalie Thibodeau.

La soeur et le frère se sont lancés dans l'aventure tête première. Mais d'abord, il fallait faire de la relation fraternelle une relation quasi professionnelle.

«Ç'a été un enjeu dès le départ. À partir de la journée où on en a parlé, j'ai dit à Sylvain: "Je ne suis plus ta soeur, je suis ton architecte." On a négocié, il y a eu des désaccords, mais ç'a super bien été.»

«Je suis plus vieux qu'elle, renchérit son frère. C'était comme mon boss. Ça aurait pu être compliqué, mais ça ne l'a pas été.»

Pour l'architecte, la complication résidait notamment dans le choix de construction de son «client». «Des maisons en pièce sur pièce, ça n'existe pas dans les livres, dit Nathalie Thibodeau. C'est des gars qui font ça de génération en génération, et c'est une chasse gardée, ils ne veulent pas donner leurs trucs. On a grappillé dans des documents, j'ai trouvé un vieux document de la SCHL qui datait des années 60.»

Pour Sylvain, dont l'expérience en construction était limitée, tout était à apprendre. «Je n'avais jamais lu un plan de ma vie. Quand je bâtissais des granges, j'avais le plan dans ma tête», dit-il.

Il a aussi fallu concilier les deux visions. Nathalie Thibodeau n'avait pas prévu de débords de toit pour donner un aspect plus contemporain à l'ensemble. Son constructeur de frère a insisté. «Je lui ai donné raison là-dessus», dit-elle.

Photo Olivier PontBriand, La Presse

La vue du salon et de la salle à manger est imprenable.

L'entrepreneur a aussi fait des concessions.

«Pour Sylvain, l'idée d'un chalet, c'est rustique. Il a fallu que je l'amène vers le moderne, le contemporain. À chaque affaire, il me disait: "Ben voyons, ça ne sera pas beau!"»

Son frère abonde. «Il a parfois fallu que je me force pour la finition, juste pour l'esthétique...» «Les maudits architectes, hein?», le taquine sa soeur.

Un lieu de rassemblement

Quand Sylvain Thibodeau parle de la construction, il énumère les tâches exécutées par une partie de sa famille. Un cousin a fait le plancher, l'autre la céramique. L'ancien beau-père excellait dans les escaliers, ce cousin-ci a aidé à planer le bois brut.

«On a une grosse famille tissée serré, et beaucoup sont adroits de leurs mains. Ils sont tous venus aider à mettre la main à la pâte», explique Nathalie Thibodeau.

«Ce n'était pas payé, c'est vraiment parce que ça leur tentait, poursuit son frère. On fait toujours des partys ici l'été, et ils savaient que ça reviendrait en partys

Les espaces conçus par Nathalie Thibodeau le sont dans cet esprit. «L'idée, c'était de créer des zones qui permettent le rassemblement. Ça se passe en gang, c'est vraiment un chalet familial.»

Un certain soir l'été dernier, enfin, ils étaient près d'une cinquantaine à profiter des fruits de sept ans de labeur.

«On aurait pu le faire faire par des entrepreneurs, mais on est fiers de l'avoir fait nous-mêmes. Quand on rentre, on trouve encore que ça sent bon, que c'est beau. Et puis, ça nous fait des anecdotes qu'on va pouvoir raconter encore dans plusieurs années», dit Sylvain Thibodeau. Et puis, ça fait de sacrés beaux partys.

Photo Olivier PontBriand, La Presse

La salle de bains

Conçu pour la famille

L'architecte Nathalie Thibodeau a dessiné un chalet pour son frère et la famille élargie. Elle savait exactement ce qu'il fallait y trouver.

L'entrée

«On arrive toujours avec 56 patentes dans un chalet. Dans l'ancien, on rentrait dans la cuisine et l'hiver, il se ramassait des bottes jusqu'au poêle, tout était mouillé, explique Nathalie Thibodeau. On a fait une grande entrée: on met ça dans le placard.» «C'est un placard format glacière, précise son frère Sylvain. C'est fonctionnel.»

Une cuisine en retrait

La cuisine est rattachée au bâtiment principal par un petit passage. L'architecte voulait ainsi maximiser la vue sur le lac, isoler la construction du chalet voisin, mais aussi favoriser le sommeil! «Le matin, il y a toujours les lève-tôt qui vont venir faire le café, la vaisselle. En mettant la cuisine à côté, ça renforce la quiétude et les gens dans les chambres peuvent dormir isolés du bruit», explique Nathalie Thibodeau. À l'usage, la cuisine est aussi devenue un lieu de rassemblement au déjeuner. «Le soleil entre, il y a une belle petite dynamique le matin.»

Photo Olivier PontBriand, La Presse

L'entrée du chalet, avec toute la place nécessaire pour les bottes.

Un coin pour jouer

Le chalet est un lieu de rassemblement à l'extérieur du quotidien. On prend le temps d'y faire des casse-tête, de jouer à des jeux de société. «J'ai voulu faire une zone où les gens pouvaient commencer des jeux sans toujours être obligés de les défaire. On peut laisser toutes les affaires en plan, sans devoir ramasser chaque fois qu'on mange. On voulait faire en sorte que ce soit facile», explique l'architecte.

La cachette d'Alexis

Alexis monte dans l'échelle abrupte. «Peux-tu me passer ma flashlight?», demande-t-il à sa tante. «Avant, avec mes cousins, on jouait à des jeux de société. Maintenant, on joue beaucoup dans le sous-sol. On met un matelas par terre, avec une lumière», dit-il. «C'était l'idée de Sylvain pour son fils, explique Nathalie. On voulait mettre un plafond à l'escalier et ça laissait un espace résiduel, Sylvain a fait une cachette pour son fils. Ce n'était pas sur les plans!»

Photo Olivier PontBriand, La Presse

Un coin pour jouer

Une chambre au rez-de-chaussée

«Quand on a commencé à faire le chalet, nos parents avaient déjà 80 ans: monter et descendre les marches, c'est difficile, explique Sylvain Thibodeau. Mon père est rendu à 87 ans; il pensait mourir avant que ce soit fini. Quand il est arrivé et qu'il a vu sa chambre, il était ému.»

Photo Olivier PontBriand, La Presse

La chambre du rez-de-chaussée est destinée aux parents de Sylvain.