Depuis toujours, Tania Fugulin voulait habiter ce secteur du Plateau Mont-Royal, entre le boulevard Saint-Laurent et la rue Saint-Denis. Son amour des vieilles habitations lui vient de l'enfance, pour avoir grandi dans une ancienne maison de ferme que son père restaurait au fil des ans.

Un beau soir du printemps 2003, la façade d'une maison ancienne, rue Drolet, attire son attention. Bois ouvragé, brique peinte mais portes manquantes, on devinait qu'elle avait connu des jours meilleurs. Coincée entre deux imposants immeubles contemporains, elle osait humblement rappeler les débuts de la rue Drolet, avec ses linteaux fantaisistes, son tambour d'entrée orné de barrotins et son garde-corps de bois usiné, comme il s'en vendait par catalogue à l'époque.

«Je suis littéralement tombée en amour et j'ai immédiatement téléphoné à mon conjoint, relate Tania Fugulin, sans penser que je le réveillais en pleine nuit, lui qui était en Europe!»

Pour lui, il était 3h du matin. «J'entendais les mots "abordable... bien située... rénovations", relate John Barron. Et je me disais: "Je suis en train de faire un cauchemar. Raccrochons! "»

La demeure, qui date de 1886 selon des recoupements, était pour le moment inhabitable. Le père de Tania, ingénieur, lui déconseillait de l'acheter. Tout était défectueux: le plafond du rez-de-chaussée, bombé de vieillesse, le plancher troué, un mur, côté cour, sur le point de s'effondrer, pas d'eau courante, etc. Par ailleurs, John Barron souhaitait plutôt un loft et tenait à avoir un revenu de loyer.

Trois mois passèrent encore à chercher la maison idéale. La ruine de la rue Drolet devint une blague récurrente destinée à amuser la galerie... jusqu'à ce repas avec une amie architecte. «Puisque vous ne trouvez pas de maison à votre goût, il n'y a qu'à en dessiner une!», a lancé Hélène Fortin.

C'est ainsi que leur amie se vit confier le mandat de dessiner de nouveaux plans pour la vieille maison de la rue Drolet.

Ancienne et contemporaine

Les ouvriers ont raconté que le mur côté jardin s'était écroulé au premier coup de pied. Ça tombait bien, si l'on peut dire: le couple voulait agrandir de ce côté-là. La limite arrière de la maison a été repoussée de huit pieds, pour créer un agrandissement de 200 pi2. Résultat: un vaste loft au rez-de-chaussée, avec une cuisine au mur totalement vitré, un séjour et un coin salle de jeu.

L'étage accueille une salle de bains contemporaine et trois chambres à coucher. Un mur a été décalé de deux pieds, ce qui agrandit la chambre principale sans trop empiéter sur la salle d'eau. Ces deux pièces sont dotées de grandes vitres côté jardin.

L'arrière de la maison a donc ainsi une tout autre allure que la façade: brique noire, clôture de bois, immenses fenêtres. «Nous habitons une maison "Mini-Wheat", observent avec humour les propriétaires: un côté ancien et un côté contemporain.» Et pour faire plaisir à monsieur, le sous-sol est devenu un studio à louer.

Un escalier authentique

Un jour, en visitant le chantier, Tania Fugulin reçoit un choc: un escalier neuf ordinaire se découpe sur le mur brique! «C'était laid! Pas harmonieux du tout! Et les morceaux de l'ancien escalier étaient empilés à côté, prêts à partir au dépotoir. J'ai convaincu mon chum et les ouvriers de défaire le travail de la journée et de reconstituer l'escalier d'origine. Ils ont senti que ce n'était pas négociable!»

Le plancher du rez-de-chaussée a été défait latte par latte, ses trous, réparés, et les dénivellations, compensées. On a reposé les planches d'origine dans la partie salon et installé des carreaux de céramique dans l'espace cuisine. Le bois restant a servi à réparer un trou à l'étage, et à compléter le plancher de la chambre principale. Cette dernière a également «emprunté» des lattes de plancher à son placard.

La transformation de la maison a demandé neuf mois de travaux. Lorsqu'est arrivé le premier bébé, il ne manquait plus que la finition du foyer: un long plateau au ras de l'âtre et quelques tablettes sur le côté.

Photo Ivanoh Demers, La Presse

Tania Fugulin et sa chienne Zaza. Les tablettes en bois récupéré d'un anicen plancher de la Place des Arts.