Des quartiers lovés autour de propriétés religieuses morcelées. Des rues étroites et pentues. Crépis et portes cochères, bâtiments d'arrière-cour, façades londoniennes, mille déclinaisons de hautes portes à imposte, tout cela, ici, affirme: «Je me souviens.» Posséder une maison dans le Vieux-Québec entraîne des contraintes particulières et des coûts accrus. Première partie.

«Mais c'est un privilège aussi, expose Julie Lemieux, vice-présidente du comité exécutif de la Ville de Québec et responsable du patrimoine. Et les maisons ont une bonne valeur de revente.» Le Vieux-Québec figure sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO. Fait remarquable, 93% des propriétaires du Vieux-Québec sont des Québécois. En général, les propriétés situées dans un quartier de patrimoine mondial passent aux mains de riches étrangers. Différents programmes d'aide à la restauration peuvent soulager le propriétaire du Vieux-Québec de 40% de la facture. Une part assumée par la Ville et par le ministère de la Culture et des Communications.

Rue Hébert: un défi pour bricoleurs

Duplex, dit maison Leboeuf

Achat: en 2007

Construit en 1777, puis de 1784 à 1810

Style: régime français

Emplacement: rue Hébert

Deux amoureux du Vieux-Québec savourent le dépaysement historique.

Lorsqu'ils ont acquis leur maison, il y a sept ans, Suzanne Dupuis et Benoît Mathieu ont consciemment choisi un «projet pour bricoleurs». Il faut dire que la plus-que-bicentenaire, privée de soins depuis longtemps, ne payait pas de mine.

Sept ans plus tard, le couple apprécie plus que jamais son nid chaleureux, avec ses ouvertures encadrées de pierre, son toit en tôle à la canadienne, sa porte cochère typiquement Vieux-Québec, tout ce parfum d'histoire... avec à l'arrière-plan, immuable comme un soldat de la garde, le Séminaire de Québec et ses lanterneaux (pavillon Camille-Roy).

Bien qu'elle ait été construite après la Conquête, la résidence fait régime français, avec son enveloppe de pierre porteuse, ses combles à deux versants et sa cave.

Un autre monde

Quand on se rend chez les Dupuis-Mathieu, on est remué en lisant le panonceau toponymique: «HÉBERT (Louis), premier colon canadien (1575-1627)». Une expérience que décrit ainsi Benoît Mathieu: «En entrant dans le Vieux-Québec, je change d'époque. En empruntant les rues Couillard et Hébert, je remonte encore le temps. Et quand j'arrive à la maison, je recule d'une centaine d'années supplémentaires.»

«Le toit, qui coulait, a été notre premier défi», relate Suzanne Dupuis.

Ingénieuses fenêtres

Les fenêtres à targette sont de petits bijoux de fonctionnalité, avec leur guichet d'aération pour l'été et leur ouverture dans le châssis extérieur pour chasser l'humidité entre les deux fenêtres en hiver. Les châssis ont été décapés, restaurés et repeints. Certains ont dû être refaits, à l'identique, bien sûr.

Terrasse et cour

À l'arrière, la propriété comporte une annexe, comme c'est si souvent le cas dans le Vieux-Québec, dont la population s'est densifiée par des constructions dans les arrière-cours. Les Dupuis-Mathieu ont dû démolir la terrasse qui coiffait l'annexe, réparer la charpente, faire poser un nouveau toit de tôle à baguettes et construire une nouvelle terrasse, à l'usage exclusif du locataire.

Sur la façade, les entablements des fenêtres, en pierre lisse de Saint-Marc, ont été remplacés par le maçon Gabriel Gagnon. Ils s'étaient fissurés avec le temps.

À l'intérieur, dans le salon, M. Gagnon a rétréci l'âtre de la cheminée et y a posé un parement de brique réfractaire. La cheminée est faite «<saxo:ch value="226 128 137"/>d'un mélange de pierre noire du Cap et de pierre de Château-Richer», note-t-il.

La pierre est laissée à nu à l'intérieur, sauf autour des fenêtres et des portes, où elle est couverte de plâtre, pour colmater les fuites d'air.

Photo Pascal Ratthé, collaboration spéciale

Suzanne Dupuis et Benoît Mathieu se plaisent à retrouver leur maison dans les livres d'histoire.

Photo Pascal Ratthé, collaboration spéciale

La chambre principale est doté d'une arche et d'un anien foyer pour le moment non fonctionnel.

Surprises sous le gypse

L'enlèvement des panneaux de gypse, lors de la réfection des salles de bains, a révélé des surprises. Celle de l'étage, encore pourvue des larges lattes du plancher d'origine, cachait une mignonne armoire de bois encastrée. La salle d'eau du rez-de-chaussée, de son côté, recelait un foyer désaffecté.

Dans la cave, une chaudière au mazout chauffe l'eau qui circule dans les calorifères du rez-de-chaussée. Les étages, eux, sont chauffés à l'électricité.

Au gré de ses temps libres, Suzanne Dupuis décape et repeint, tantôt un volet, tantôt un appui de fenêtre, une armoire, un meuble antique...

«On commence à avoir pas mal réduit notre liste de rénos, se réjouit la bricoleuse. J'ai hâte, maintenant, de mettre de la couleur sur les murs!»

Photo Pascal Ratthé, collaboration spéciale

La salle d'eau du rez-de-chaussée. Un foyer désaffecté occupait l'emplacement du meuble de l'évier. Le calorifère récupéré (Ecorad) est muni d'un fil électrique qui chauffe l'huile dont il est empli.