«J'ai acheté un duplex, puis j'ai commencé à faire de la rénovation parce qu'on n'avait pas assez de sous pour tous les travaux. C'est en mettant la main à la pâte que le goût de faire du meuble m'est revenu», raconte Luc Sergerie, qui a une formation en sociologie et une maîtrise en sciences de l'environnement. Déménagé depuis dans ce logement acquis il y a quelques années, l'ébéniste de métier - il a fondé l'atelier L'ARBRE en 1994 - n'a rien perdu de sa passion.

En plus des nombreuses améliorations apportées à l'appartement, dont l'aménagement d'un mur vitré à l'entrée et l'ouverture de la façade arrière sur une terrasse en cèdre, il a confectionné presque tout le mobilier avec des retailles de bois de son atelier. Avec beaucoup de patience, d'assemblages et de précision, il a construit sa table à manger avec d'anciens comptoirs de boucherie et de pâtisserie, fabriqué un banc avec différentes essences de bois récupéré. Il a réemployé une poutre qu'il a transformée en lampe. «Je me casse un peu la tête. Souvent, la lacune de ne pas avoir le matériau, ou même le recyclage est un défi en soi. La contrainte devient créative.»

Design humble

Dans toutes ses créations, et à l'instar du fauteuil Rouge-bleu (le propriétaire a construit ce meuble en respectant au détail près les plans du Néerlandais Gerrit Rietveld), les lignes sont droites, essentiellement rectangulaires. Friand de simplicité, Luc Sergerie est un adepte de design japonais et scandinave parce que le mobilier est minimaliste, bien fait et agréable à l'oeil. Il a un grand faible pour le style shaker, tout aussi fonctionnel et dépouillé de fioritures. «Les Shakers faisaient des meubles hyper pratiques, avec plein de compartiments, mais quand même assez simples dans leurs formes», explique-t-il.

Hêtre pour les portes coulissantes, chêne blanc pour les portes, noyer noir pour les armoires, le tabouret, l'îlot... «La surface de l'îlot est en merisier, ça prend un grain assez serré», précise Luc Sergerie.

Dans cet intérieur sans prétention, le grain de bois est de toutes les pièces. Mais il s'expose toujours avec retenue, dans des textures douces, lisses et des teintes naturelles, qu'il s'agisse d'un mobilier ou d'un détail architectural. Même la patine du plancher, avec ses variantes de couleurs et ses noeuds, répond à cette esthétique.

L'espace avant tout

Si le matériau noble donne le ton, des petites attentions ici et là apportent de la profondeur. «C'est surtout l'espace autour du meuble qui fait qu'il sera beau», précise Luc Sergerie. Des luminaires et des accessoires chinés, des vitraux récupérés, des oeuvres d'art, des astuces côté rénovation aussi, comme de faire passer la hauteur des portes de 80 à 90 pouces. «C'est une architecte qui avait fait ça dans un projet et je trouvais que c'était une bonne idée pour ajouter un effet de grandeur. C'est le fun de travailler avec des architectes et des designers. Ils ont une vision différente de l'espace.»

D'ailleurs, le propriétaire risque bien d'éliminer la chambre principale au premier niveau pour aménager une aire totalement ouverte et rapprocher la salle à manger de la cuisine, ce qui permettrait de mettre en valeur l'escalier en colimaçon. Et remplacer quelques meubles par de nouvelles créations, dont une chaise-bibliothèque qui patiente à l'atelier. «Ça fait longtemps qu'elle y est, mais les gens aiment bien la regarder», dit-il.