Michelle Masse et Jérôme Fradette rêvaient d'une maison contemporaine. Avec l'aide de leur architecte, ils ont plongé dans l'aventure de création et de construction d'une propriété épurée et ouverte sur leur bout de nature, dans Greenfield Park, près de Saint-Lambert, sur la Rive-Sud. Histoire d'architecture.

Tout a commencé avec un désir commun: une maison dotée d'un mur vitré du plancher au plafond. «Le point de départ de notre projet», racontent Michelle Masse, 37 ans, et son mari Jérôme Fradette, 36 ans, deux professionnels en administration, qui souhaitaient un lieu de vie au caractère unique, en étroite relation avec le jardin.

En 2006, le couple acquiert un condo de 1100 pi2, situé à proximité du canal de Lachine, à Montréal. «Nous nous sommes mariés et j'ai donné naissance à Thomas en août 2010, raconte Michelle. Notre appartement nous plaisait, mais nous commencions à nous sentir à l'étroit. Sans compter que nous voulions un autre enfant...»

Ils partent alors à la recherche d'un duplex, à Montréal, qu'ils pourraient transformer en unifamiliale contemporaine. «Mais les prix étaient élevés», fait remarquer celle qui, à l'époque, n'avait aucunement l'intention de «migrer» de Montréal vers la Rive-Sud.

De l'autre côté des ponts

Au quotidien, Michelle réalise toutefois qu'elle traversait de plus en plus les ponts. «Il me fallait une dizaine de minutes à peine pour me rendre au Quartier DIX30, à Brossard, pour le cinéma, les magasins, les spectacles. Faire ses courses à Montréal avec un jeune enfant, la poussette, les escaliers dans le métro et le manque de places de stationnement, ce n'est pas évident. Je me suis rendu compte que j'aimais l'idée de vivre à Montréal, mais que, mis à part le travail, je me retrouvais bien souvent en banlieue.» Déclic! En une nuit, elle accepte de visiter des propriétés à vendre et susceptibles d'être entièrement rénovées, à proximité des ponts, en banlieue sud.

Cour... suprême

«C'était au début du mois de mars 2011, en fin d'après-midi, il avait beaucoup neigé, se souvient Michelle. Nous nous étions garés devant une maison à vendre, à Greenfield Park, et j'ai découvert une immense cour avec de grands arbres partout! Le lendemain, nous faisions une offre et, surtout, nous nous sommes assurés auprès du service de l'urbanisme de la Ville que nous pouvions démolir la petite demeure en mauvais état.»

Un architecte complice

Le couple fait ensuite appel à l'architecte Jean Verville. «Dès la première rencontre, en juin 2011, je leur ai expliqué ma méthode de travail qui consiste à les faire participer au processus de création», précise-t-il.

Au gré des rencontres et des échanges, une maison-sculpture aux lignes pures et à la sobriété bien pensée, qui allie créativité et besoins des occupants, sera élaborée.

«Cette architecture est dominée par le blanc, des pleins et des vides, résume Jean Verville. L'intérieur, d'une blancheur immaculée, est morcelé par des ouvertures qui cadrent l'environnement et, par la même occasion, créent de magnifiques tableaux aux couleurs changeantes.» Complètement fenêtrée et posée au ras du sol (en raison de l'absence de sous-sol), la façade arrière établit un lien direct avec le paysage.

Certaines solutions favorisant l'intégration au voisinage, composé de plusieurs petites maisons de couleur pâle, ont été adoptées, comme un parement de bois blanc opaque. Quant à la mise en place de balustrades bardées de bois blanc, en angle, pour la terrasse à l'étage, elle suggère un profil de toit en pente.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

L'arbre mature (à droite sur la photo) fait office de parasol, l'été. Notez: la chambre principale en porte-à-faux ombrage la terrasse.

Diminuer les coûts

Comment respecter un budget sans sacrifier le confort et l'esprit d'un aménagement? Parmi les meilleurs trucs de l'architecte, il y a celui des finitions et des matériaux abordables. D'où la suggestion d'un intérieur entièrement habillé de gypse, un matériau accessible, peint en blanc. Avantage du blanc? À l'instar d'une galerie, quelques objets décoratifs de couleur suffisent pour ponctuer l'espace. Même les jouets des enfants participent à égayer l'ambiance. Pas la peine non plus de se ruiner dans l'achat de bois précieux pour les marches d'un escalier. Ici, elles sont composées de planches, couvertes d'une peinture résistante.

Préférant regrouper les chambres à l'étage et installer la salle de jeux au rez-de-chaussée, les propriétaires ont opté pour une construction sur dalle. «Un choix économique, car la structure tient lieu de sol au rez-de-chaussée», ajoute l'architecte.

Autre astuce pour prévenir les excès: la réduction des superficies et des hauteurs de plafonds, notamment dans les chambres.

Au total, la superficie habitable du domicile est de 2390 pi2, dont 1390 pi2,au rez-de-chaussée, excluant le garage, et la terrasse à l'étage. Quant au terrain, il fait environ 16 000 pi2.

Vie de banlieue

Aujourd'hui, la famille, qui a vendu son condo en décembre 2011 et qui s'est agrandie avec l'arrivée du petit Samuel en 2013, semble apprécier la vie de banlieue. Des regrets? «Au contraire. Nous avons une grande cour pour les enfants et, en prime, la qualité de vie des résidants de Saint-Lambert, tout à côté, sans leur compte de taxes... Le meilleur des deux mondes», se réjouissent les propriétaires, qui, depuis peu, travaillent principalement sur la Rive-Sud et dans les Cantons-de-l'Est.

Question d'intégration

Le parcours du couple n'aura toutefois pas été sans embûches. Résolument contemporain, le projet, qui s'inscrit parmi des maisonnettes traditionnelles, n'a pas suscité l'unanimité. «Faire de l'architecture contemporaine et originale vient forcément bousculer les idées et même l'interprétation des règlements faite par les divers intervenants», observe Jean Verville.

«Compte tenu de l'originalité de l'habitation, Jérôme et Michelle ont dû défendre leur projet auprès du comité consultatif d'urbanisme (CCU), lequel a demandé le consentement des voisins immédiats», relate-t-il. Ensuite, le projet a été approuvé par le conseil d'arrondissement.

Alors présidente d'arrondissement et du CCU, Mireille Carrière n'a pas souhaité émettre de commentaire à ce sujet.

La clé? «Il faut travailler en partenariat avec l'administration municipale, surtout dans le cas d'un projet unique, afin de répondre aux exigences du CCU», estime Jérôme. D'où l'importance de se renseigner au préalable auprès du service de l'urbanisme de sa municipalité.

De son côté, Sylvain Joly, conseiller d'arrondissement, élu depuis novembre 2013, et membre observateur du CCU de Greenfield Park, rappelle qu'un projet doit respecter la réglementation et s'intégrer au quartier. «Que ce soit du contemporain, du moderne ou du traditionnel, notre souci est de s'assurer qu'une nouvelle construction s'harmonise et s'intègre dans son environnement, en tenant compte des autres constructions.»

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Les chambres, à l'étage, donnent sur une terrasse intimiste, dotée de balustrades bardées de bois blanc, en angle.