Des milliers d'Afghans votent au péril de leur vie pour la deuxième journée consécutive dimanche, après le report du vote dans des centaines de bureaux n'ayant pu ouvrir samedi en raison des violences et de dysfonctionnements dans l'organisation.

Ces électeurs défient à nouveau les risques d'attentat des talibans et du groupe État islamique dans quelque 253 bureaux de vote. Quelque 150 autres n'ont à nouveau pas pu ouvrir pour « des raisons de sécurité », selon les autorités.

Samedi, près de trois millions d'électeurs sur neuf millions d'inscrits avaient voté, selon la Commission électorale indépendante (CEI), qui organise le scrutin.

Le bilan de la journée s'élève à 17 personnes tuées et plus de 54 blessées dans 193 attaques distinctes, selon un communiqué du ministère de l'Intérieur dimanche.

Un décompte établi à l'aide du réseau de correspondants de l'AFP parvient cependant à des chiffres plus élevés : 65 morts, majoritairement des civils, et 225 blessés.

Dimanche, le ministère de l'Intérieur n'a pour l'instant fait état d'aucun incident.

Couacs et critiques

Cette deuxième journée de vote, non prévue initialement, vise à compenser les énormes difficultés logistiques rencontrées la veille dans des centaines de bureaux de vote, dont beaucoup ont ouvert avec retard ou pas du tout.

La journée a été décrétée fériée dans l'urgence par la présidence.

Absence d'assesseurs, de listes électorales, de terminaux biométriques imposés à la dernière minute ou de personnel sachant les manipuler avaient entraîné de longues files d'attente samedi dans tout le pays et soulèvent dimanche de vertes critiques à l'encontre de la CEI.

Ahmad Saeedi, un candidat, a estimé que « le peuple a pris des risques pour remplir son devoir, mais le gouvernement et la Commission l'ont trompé ».

« Honte à la CEI pour son impréparation », tance une internaute sur la page Facebook de la Commission. « C'était le foutoir, je n'ai pas pu trouver mon nom sur les listes électorales » peste un autre. « Vous avez perdu toute crédibilité », écrit un troisième.

La CEI a rapidement présenté ses excuses, tout en se défendant.

« Sous la pression des partis d'opposition et du gouvernement, nous avions à mettre en place un système de vérification biométrique. Cela a été décidé trop tard. Les problèmes étaient inévitables », a déclaré tard samedi le chef la CEI, Abdul Badi Sayyad, en conférence de presse.

Dimanche, M. Sayyad a rejeté la faute sur « les enseignants qui avaient été engagés » et formés à l'utilisation des terminaux biométriques et « qui ne sont pas venus ».

« Ce n'est pas la faute d'une mauvaise gestion de la CEI », a-t-il affirmé.

« Pire élection » 

Mais, la confiance a clairement été mise à mal, alors que ces législatives font figure de test avant l'élection présidentielle d'avril prochain.

« La CEI a clairement montré son incapacité à organiser des élections acceptables et transparentes, en publiant par exemple des chiffres falsifiés », a déclaré à l'AFP Thomas Ruttig, codirecteur de l'Afghan Analyst Network.

« C'est la pire élection à laquelle j'ai pu assister depuis 2004 », la première organisée après la fin de l'ère des talibans, selon lui.

Un observateur international de ces législatives assure également sous condition d'anonymat n'avoir « absolument plus aucune confiance » en la CEI.

« Il y a eu beaucoup d'imperfections et de déficiences dans l'organisation de ces élections. Tous ces incidents représentent une violation du code électoral », a déclaré à la presse le porte-parole de la Commission de vérification électorale, Ali Reza Rohani.

Pire, « la majorité des problèmes rencontrés hier se poursuivent aujourd'hui » [dimanche], a-t-il déploré.

L'analyste politique afghan Haroun Mir se veut plus mesuré : « En Afghanistan, on ne s'attend pas à des élections sans fraude ni contestation. Il ne fait aucun doute que des fraudes ont été commises », indique-t-il à l'AFP.

« Mais, les électeurs ont envoyé un message clair aux talibans : après de longues années de guerre, il n'y a qu'une option, et elle est politique. Et, si on ne regarde que la participation, cette élection a été un succès », dit-il.

Plus de 2500 candidats sont en lice pour les 249 sièges à la chambre basse du parlement. Des résultats provisoires sont attendus le 10 novembre.