La Cour suprême d'Israël a donné mercredi son feu vert à la démolition d'un village bédouin palestinien érigé par ses défenseurs en symbole du sort de ces communautés confrontées à l'occupation et la colonisation israéliennes de la Cisjordanie.

Khan al-Ahmar, village de tôle et de toile où vivent environ 200 bédouins à l'extérieur de Jérusalem et près de la route menant à Jéricho, pourra être détruit à partir de la semaine prochaine, après des années de bataille judiciaire.

Les trois juges de la Cour suprême ont maintenu que le village avait été construit sans les permis nécessaires au regard des règles imposées par Israël dans ce secteur de Cisjordanie occupée, et ont rejeté les trois recours dont ils étaient saisis.

Dès que sera levée, «dans sept jours», une mesure suspensive prise en mai, les autorités israéliennes pourront appliquer l'ordre de démolition, a statué la Cour.

L'un des avocats de la communauté bédouine, Tawfiq Jabareen, a avoué devant les journalistes ne plus voir d'action juridique possible.

Il a dénoncé l'alignement de la Cour suprême sur le gouvernement de droite de Benyamin Nétanyahou. Le combat doit à présent être livré «sur le plan politique et par le peuple», a-t-il dit en présence de dignitaires rassemblés sous une grande tente verte.

Pour les organisations hostiles à l'occupation, l'Union européenne ou l'ONU, la signification de Khan al-Ahmar dépasse largement ce flanc de colline sur lequel se dressent une école construite en pneus et une vingtaine de structures de fortune.

Une cinquantaine de communautés bédouines représentant plus de 8000 personnes, dont la plupart sont des réfugiés palestiniens déplacés par le passé, sont menacés de transfert forcé dans le centre de la Cisjordanie, dit l'ONU en soulignant qu'ils vivent déjà dans des conditions difficiles.

Le transfert forcé de populations de territoires occupés constitue un «crime de guerre», selon Amnistie internationale.

«Nettoyage ethnique»

Au-delà de l'aspect humanitaire, Khan al-Ahmar, entouré de colonies israéliennes, se situe dans une zone critique.

Sa destruction permettrait d'étendre et de relier de larges blocs de colonies, achevant de boucler Jérusalem et de restreindre l'accès des Palestiniens de Cisjordanie à la partie orientale de la ville, disent les défenseurs des bédouins.

Cela rendra plus hypothétique la viabilité d'un éventuel État palestinien indépendant, dont la création demeure la solution de référence de la plus grande partie de la communauté internationale pour résoudre le conflit avec Israël.

Dans le cadre d'un règlement, les Palestiniens veulent faire de Jérusalem-Est, annexée par Israël, la capitale d'un tel État.

«Les démolitions sapent la perspective de solution à deux États et sont contraires à la loi internationale», a tweeté l'envoyé spécial de l'ONU Nickolay Mladenov.

Le gouvernement palestinien a, lui, dénoncé des pratiques s'apparentant à un «nettoyage ethnique».

Les autorités israéliennes ont offert aux habitants de Khan al-Ahmar de s'installer près d'Abou Dis en Cisjordanie, mais ces derniers refusent, en faisant valoir que l'endroit proposé est situé à proximité d'une décharge, dans une zone urbaine où ils ne pourraient plus faire paître leurs animaux.

Les défenseurs des villageois justifient les constructions sans autorisation par la quasi impossibilité pour eux d'obtenir des permis dans une grande partie de la Cisjordanie sous contrôle israélien.

«Courageuse»

Le ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman, a applaudi sur Twitter la décision «courageuse» de la Cour suprême, prise selon lui «face aux attaques hypocrites orchestrées par Abou Mazen (le président palestinien Mahmoud Abbas), la gauche et des pays européens».

«Personne ne nous empêchera d'exercer notre souveraineté et notre responsabilité en tant qu'État», a-t-il dit.

Interrogé sur la possibilité que les habitants consentent à partir pacifiquement, l'avocat Tawfiq Jabareen a dit n'avoir «jamais vu quelqu'un rester les bras croisés quand il est expulsé et qu'on lui détruit sa maison».

Le 4 juillet, plus de 30 personnes ont été blessées, selon le Croissant-Rouge, lors d'affrontements entre forces de l'ordre et manifestants, quand des équipements lourds, dont un bulldozer, ont été déployés autour du village.

Entre la Cisjordanie et Jérusalem-Est, plus de 600 000 colons israéliens vivent une coexistence souvent conflictuelle avec près de trois millions de Palestiniens.

Les colonies rognent peu à peu les territoires sur lesquels les Palestiniens souhaitent créer leur État.

Illégale au regard du droit international, la colonisation est considérée par une grande partie de la communauté internationale comme faisant obstacle à la paix, ce que conteste Israël.