L'Iran a dit samedi attendre des mesures concrètes de la part des Européens pour décider si l'accord sur le nucléaire pouvait être sauvé, au premier jour d'une visite à Téhéran du commissaire européen à l'Énergie, Miguel Arias Canete.

M. Canete est le premier responsable occidental à être reçu dans la capitale iranienne depuis la décision des États-Unis de se retirer de l'accord historique signé en 2015 entre Téhéran et six grandes puissances et de réimposer des sanctions économiques qui concernent aussi les entreprises étrangères, notamment européennes.

Ce retrait et les menaces de sanctions font planer de gros risques financiers sur les entreprises européennes qui voulaient investir en Iran, et risquent d'avoir de lourdes conséquences pour l'économie iranienne.

L'UE avait indiqué cette semaine chercher «des solutions pratiques pour permettre à l'Iran de continuer ses ventes de pétrole et de gaz, poursuivre ses transactions bancaires, maintenir les liaisons aériennes et maritimes».

L'euro va devenir la devise pour les transactions sur le pétrole iranien, réglées via des transferts entre les banques centrales européennes et la banque centrale iranienne. Des assurances seront souscrites dans les États européens importateurs pour les cargaisons, comme cela se fait en Grèce, en France et en Italie, a expliqué M. Canete à l'issue d'une réunion avec le ministre du Pétrole, Bijan Namdar Zanghaneh.

Le ministre iranien a pris acte de ces propositions et déclaré que l'Iran n'avait «pas l'intention de modifier le niveau actuel de ses exportations», dont 20 % vers l'UE et 70 % vers la Chine et d'autres pays d'Asie. L'Iran produit actuellement 3,8 millions de barils de pétrole par jour et exporte environ 2,6 mbj de pétrole brut et de condensat de gaz.

M. Zanganeh a ajouté que l'Iran avait aussi «négocié» avec ses clients asiatiques, en particulier la Chine et l'Inde, et n'avait pas reçu de signal «négatif» de leur part, selon l'agence de presse Irna.

«Beaucoup de possibilités»

Préserver l'accord nucléaire est «fondamental pour la paix dans la région», a soutenu le commissaire lors d'une rencontre avec le vice-président iranien Ali Akbar Salehi, retransmise en direct par la télévision d'État.

La Commission européenne a lancé vendredi une procédure visant à activer la «loi de blocage» afin de contrecarrer les effets extraterritoriaux des sanctions américaines pour les entreprises européennes voulant investir en Iran. Elle sera surtout utile pour les petites et moyennes entreprises, peu exposées aux États-Unis, a souligné le commissaire.

«M. Canete nous a présenté verbalement un certain nombre de propositions et de mesures destinées à contrebalancer la décision américaine et nous espérons qu'elles vont se concrétiser», a déclaré M. Salehi.

«Pour le moment (...) nous attendons de voir si ces mesures débouchent sur des résultats tangibles», a-t-il insisté. «Dans le cas contraire, nous serons contraints de prendre une décision que personnellement je ne souhaite pas.»

L'Iran a auparavant menacé de relancer son programme d'enrichissement d'uranium à un «niveau industriel». «Nous avons beaucoup de possibilités et de combinaisons possibles» pour cette décision, a souligné M. Salehi, qui dirige aussi l'Organisation iranienne de l'énergie atomique (OIEA).

«La balle est dans le camp de l'Union européenne», a-t-il résumé lors d'un entretien avec des journalistes européens accompagnant M. Canete, réaffirmant l'opposition de l'Iran à toute renégociation de l'accord de 2015.

«Attendons quelques semaines»

L'accord nucléaire de 2015 vise à faciliter les échanges commerciaux avec l'Iran et à relancer son économie, en levant de lourdes sanctions internationales en échange d'un engagement de Téhéran à limiter ses activités nucléaires et à ne jamais chercher à obtenir la bombe atomique.

Le président américain Donald Trump juge le texte trop laxiste sur l'aspect nucléaire, et estime qu'il ne s'attaque pas aux missiles balistiques de Téhéran. Les responsables refusent toute négociation sur le programme balistique du pays.

M. Canete doit rencontrer dimanche le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif avant de repartir pour Bruxelles.

M. Salehi a pressé samedi les Européens à rapidement concrétiser leurs engagements. «Si rien ne vient, la majorité de la population nous forcera à l'abandonner» (l'accord), a-t-il averti.

«Je ne veux pas préjuger. Attendons encore quelques semaines et voyons comment tout cela se développe», a-t-il ajouté.

M. Canete a reconnu que la tâche ne serait pas facile, car nombre d'entreprises européennes engagées en Iran parlent de quitter le pays pour éviter les conséquences des sanctions américaines, comme la perte de leur licence aux États-Unis pour les banques.