Le président palestinien Mahmoud Abbas s'est attiré mercredi un rare consensus de condamnations de la part des Israéliens, des Américains, des Européens et de l'ONU pour des propos largement considérés comme antisémites, alors qu'il paraît déjà isolé.

M. Abbas, accusé d'antisémitisme par Israël dans le passé, a suggéré lundi soir que les massacres perpétrés contre les juifs d'Europe au cours de l'Histoire étaient moins dus à l'antisémitisme qu'à leur rôle dans la société, notamment dans le secteur bancaire.

Ces déclarations ont touché une corde très sensible en Israël. Les réactions ont été d'autant plus vives que les relations entre le gouvernement israélien et la direction palestinienne sont profondément détériorées.

«Apparemment, un négationniste reste un négationniste», a tweeté le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou. «Il est temps qu'il disparaisse».

Pour l'ambassadeur américain en Israël, David Friedman, juif lui-même, M. Abbas est «tombé plus bas que jamais».

Le président palestinien répète «certaines des insultes antisémites les plus méprisantes», a dit l'envoyé spécial de l'ONU pour le Moyen-Orient Nickolay Mladenov.

Les propos incriminés ont été prononcés devant le parlement de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), en présence des journalistes, à Ramallah, en Cisjordanie, territoire occupé par Israël.

«Du XIe siècle jusqu'à l'Holocauste qui s'est produit en Allemagne, les juifs vivant en Europe de l'ouest et de l'est ont été la cible de massacres tous les 10 ou 15 ans. Mais pourquoi est-ce arrivé ? Ils [les juifs] disent: «parce que nous sommes juifs»», a dit M. Abbas.

Il a cité «trois livres» écrits par des juifs comme preuves selon lui du fait que «l'hostilité contre les juifs n'est pas due à leur religion, mais plutôt à leur fonction sociale», en précisant qu'il voulait dire par là «leurs fonctions sociales liées aux banques et [prêts avec] intérêts».

Rejet palestinien des accusations

M. Abbas a contesté à nouveau le lien millénaire revendiqué par les juifs avec «la terre d'Israël», et a présenté la création d'Israël, il y a 70 ans, comme un projet «colonial» encouragé par les Européens pour faire partir les juifs.

«L'antisémitisme d'Abou Mazen (surnom de M. Abbas) n'a rien à envier à celui de Goebbels», le ministre de la Propagande d'Adolf Hitler, a accusé le ministre israélien de la Sécurité intérieure, Guilad Erdan.

L'Union européenne et l'envoyé de l'ONU ont fustigé des propos «inacceptables» sur les origines de l'Holocauste, la légitimité d'Israël et le lien historique et religieux entre les juifs et la Terre sainte.

M. Mladenov a réfuté les «théories du complot».

Dans une première réaction palestinienne à ces accusations, le haut responsable Saëb Erakat s'est dit «choqué» par ce qu'il a qualifié «d'attaque orchestrée par Israël dans le monde pour accuser le président Abbas d'antisémitisme».

M. Abbas «a maintes fois répété qu'il respecte la foi juive et que notre problème est avec ceux qui occupent notre terre», a-t-il ajouté dans un communiqué.

Ce n'est pas la première fois que le président palestinien est soupçonné ou accusé d'antisémitisme.

Accusation médiévale

En juin 2016, M. Abbas s'était défendu de tout antisémitisme après avoir déclaré devant le Parlement européen que des rabbins avait demandé au gouvernement israélien «d'empoisonner l'eau pour tuer les Palestiniens». Ces mots avaient été interprétés comme la version moderne d'une accusation médiévale contre les juifs.

M. Abbas avait ensuite reconnu avoir repris à tort des informations rapportées par les médias. «La Palestine est le berceau des trois religions monothéistes et nous rejetons les attaques contre toutes les religions», avait-il dit.

M. Nétanyahou déclare régulièrement que l'absence de règlement du vieux conflit israélo-palestinien provient du refus de tout État juif dans quelque frontière que ce soit.

L'UE et l'envoyé de l'ONU ont souligné combien les mots de M. Abbas desservaient la cause d'un État indépendant auquel aspirent les Palestiniens, alors que l'effort de paix entre Israéliens et Palestiniens est embourbé depuis 2014 et que les perspectives de règlement sont très sombres.

MM. Abbas et Nétanyahou n'ont pas eu d'entretien direct substantiel sur la paix depuis 2010, et se rejettent à coups d'invectives la faute de cet enlisement.

M. Abbas a aussi suspendu les relations avec les officiels américains après la décision du président Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme la capitale d'Israël et d'y transférer l'ambassade des États-Unis actuellement à Tel-Aviv.

L'autorité de M. Abbas, 82 ans, élu pour quatre ans en 2005 mais resté à son poste depuis faute d'élections, est considérée comme profondément affaiblie. Un effort pour surmonter les divisions délétères avec le mouvement islamiste Hamas a largement périclité.